Analyses et décryptages

Evaluation TIMSS 2019 : la France mauvaise élève en maths et sciences, faute d’autres preuves

Selon le dernier classement de TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) 2019, l’évaluation internationale des élèves de CM1 et de 4e en mathématiques et en sciences qui vient d’être publiée, les résultats de la France figurent en deçà des moyennes internationale et européenne. Il n’en fallait pas plus pour que retentissent les clairons alarmistes d’une partie des observateurs. Sans essayer de prendre un peu de hauteur et d’interroger ce que recouvrent réellement ces résultats et ce qu’ils nous invitent à regarder sereinement de près.

La France n’est pas performante dans ce qu’elle inculque à ses chers élèves en mathématiques et en sciences. C’est le constat brut de l’évaluation TIMMS 2019 qui note que nos élèves de CM1 affichent un score de 485 points en mathématiques et un autre de 488 en sciences loin des 529 et 526 points de la moyenne internationale, et loin des 527 points en maths et 522 points en sciences pour ce qui est de la moyenne européenne. De plus, en classe de 4e, le niveau en mathématiques de nos élèves accuse une forte baisse de 47 points depuis 1995, soit l’équivalent d’une année de classe, indique l’évaluation. Et ils sont 3.800 élèves de 4e à avoir été évalués dans le cadre de TIMSS 2019.

Les résultats des élèves de 4e en sciences ne sont pas non plus à l’avantage de notre pays : « la France n’amène que 3 % de ses élèves au niveau avancé alors qu’ils sont en moyenne 10 % dans les pays européens et de l’OCDE », indique la note d’information de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du MEN qui a relayé et commenté les résultats de TIMSS 2019.

Eléments de contexte

Outre les résultats très détaillés de chaque pays, l’évaluation TIMSS tente d’analyser des éléments de contexte pouvant peut-être les expliquer, partiellement, sans prétendre qu’il y a entre eux une étroite corrélation : temps d’instruction par rapport aux programmes, confiance des élèves dans la matière enseignée, formation des enseignants, outils numériques, sentiment des élèves d’être ou non affectés par un manque de ressources matérielles. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de regarder plus attentivement ces autres données et de poser la question de leur relation de cause à effet.

Pour les CM1, après la donnée selon laquelle 15 % des élèves français ne possèdent pas les compétences élémentaires contre 6 % en moyenne en Europe, l’étude s’intéresse au temps passé pour l’enseignement des maths et des sciences. Dans le cas des maths, les enseignants français déclarent consacrer 182 heures annuelles à cette matière contre 156 heures en moyenne en Europe, soit une différence de 26 heures en notre faveur qui n’est pas pour rassurer au vu des résultats. Par contre, en sciences, les 72 heures annuelles préconisées ne seraient pas respectées (les enseignants français déclarent n’y consacrer que 47 heures contre 67 heures en moyenne dans les pays européens).

La formation continue des enseignants en question

Autre motif d’inquiétude, celui de la formation des enseignants. En France, « la formation continue axée sur des contenus mathématiques s’est particulièrement améliorée entre 2015 et 2019 », souligne l’étude ; alors que 53 % des élèves avaient un enseignant n’ayant participé à aucune formation au cours des deux années écoulées lors de TIMSS 2015, ils n’étaient plus que 23 % dans ce cas en 2019 (28 % de moyenne européenne). En sciences, ce sont 74 % des élèves dans cette situation, sans changement par rapport à 2015 (42 % de moyenne européenne).

On ne peut donc que déplorer ce triste constat ; que la situation de temps passé ou de formation continue s’améliore ou non d’un TIMSS à l’autre, les faibles résultats ont fléchi ou plafonné pour les CM1 entre 2015 et 2019. Pour les 4e, le temps d’instruction des maths est au niveau des autres pays européens avec 125 heures annuelles, mais les maths ne représentent que 11,2 % du temps total d’instruction, soit l’un des temps relatifs les moins élevés parmi les pays de l’OCDE. Toutefois, l’étude relativise le faible rapport entre temps d’instruction et performance moyenne en France où 85 % des élèves déclarent ne pas avoir suivi de cours particuliers en maths durant l’année précédant l’évaluation contrairement à certains pays d’Asie qui occupent le haut du classement (ils sont 50 % au Japon et 22 % en Corée du Sud par exemple à suivre des cours particuliers hors temps scolaire).

Des élèves assidus mais peu de travail à la maison

Autre donnée positive d’un côté, qui interroge de l’autre ; notre pays afficherait un fort taux d’assiduité parmi les plus élevés (63 % des élèves français ont déclaré ne jamais ou presque jamais être absents du collège contre 56 % en moyenne internationale). Mais l’explication à ces élèves peu absentéistes aussi peu performants pourrait résider dans cet autre résultat : celui du temps dédié au travail à la maison donné par le professeur, qui est assez faible en France puisque la moitié des élèves déclarent n’y consacrer pas plus de quinze minutes ; alors que ce sont 61 % des élèves en moyenne internationale qui déclarent travailler à la maison plus de quinze minutes.

Pour corroborer notre baromètre annuel UNSA Education, l’évaluation fait apparaître que seulement 32 % des élèves de 4e en France ont un enseignant de mathématiques très satisfait de son métier contre 45 % en moyenne en Europe. Soit l’un des résultats les plus faibles du panel. Pour les PE de CM1, la question est posée autrement. Mais le résultat n’est pas moins sans appel : 10 % des enseignants ne sont pas satisfaits de leur profession contre 7 % en Europe et 5 % au niveau international. 

Un exercice du métier qui ne satisfait pas les enseignants, moins motivés donc que leurs collègues européens, ajouté au fait que la formation continue ne semble pas à la hauteur des enjeux, tant en termes de volume que de qualité ; tel pourrait être le premier grand enseignement de l’évaluation TIMSS 2019 derrière les mauvaix chiffres.

Conditions d’exercice du test

Et pourtant, a contrario, les conditions de réalisation de l’évaluation pose d’autres questions qui relativisent ses résultats. La moitié des tests consiste en des QCM qui correspondent peu à notre pédagogie basée sur l’argumentation, ce qui nous interpelle sur la légitimité de ces tests internationaux qui escomptent évaluer tous les élèves de la planète sur un même modèle fortement développé dans certains pays, notamment ceux de culture anglo-saxonne, et moins dans d’autres. Les élèves n’y sont pas préparés dans les mêmes conditions et avec les mêmes chances de réussite. Nos évaluations d’entrée en 6e par exemple, qui empruntent justement ce modèle de réponses à cocher, montrent aujourd’hui de singulières limites ; les résultats s’avèrent régulièrement peu conformes aux niveaux des élèves constatés en classe. D’où l’interrogation qui porte sur cette volonté publique mondialiste de réduire l’efficacité des éducations nationales à une seule norme universelle qui ne tiendrait jamais compte des spécificités des langues et des cultures.

Enfin, dernière question que soulève TIMSS ; outre nos mauvais résultats qui datent déjà depuis plusieurs années, nous pourrions être inquiets de la suite en termes d’insertion de nos élèves dans la vie active et professionnelle. Or, notre pays n’a rien perdu de sa réputation sur le plan des jeunes ingénieurs et scientifiques formés par nos écoles d’excellence. Dans un contexte plus tendu de forte concurrence internationale, ces établissements conservent un fort pouvoir d’attraction auprès des entreprises mondiales qui y recrutent leurs futurs salariés comme des étudiants étrangers qui y postulent.

Le niveau exigé en mathématiques et en sciences de l’ensemble de nos élèves ne doit pas non plus nous faire perdre de vue les finalités générales de ces enseignements ; certes, ils doivent former efficacement les esprits qui s’orienteront vers des voies scientifiques d’excellence, mais pour la majorité des autres élèves, les sciences et les mathématiques ne seront jamais une compétition à l’état pur. Ces disciplines participent à une éducation humaniste qui associe tous les savoirs dans un même creuset national au service de l’homme et ouvert sur le monde. Et à l’UNSA Education, nous estimons cette finalité comme préalable à toute autre considération pédagogique.

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Selon le dernier classement de TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) 2019, l’évaluation internationale des élèves de CM1 et de 4e en mathématiques et en sciences qui vient d’être publiée, les résultats de la France figurent en deçà des moyennes internationale et européenne. Il n’en fallait pas plus pour que retentissent les clairons alarmistes d’une partie des observateurs. Sans essayer de prendre un peu de hauteur et d’interroger ce que recouvrent réellement ces résultats et ce qu’ils nous invitent à regarder sereinement de près.

La France n’est pas performante dans ce qu’elle inculque à ses chers élèves en mathématiques et en sciences. C’est le constat brut de l’évaluation TIMMS 2019 qui note que nos élèves de CM1 affichent un score de 485 points en mathématiques et un autre de 488 en sciences loin des 529 et 526 points de la moyenne internationale, et loin des 527 points en maths et 522 points en sciences pour ce qui est de la moyenne européenne. De plus, en classe de 4e, le niveau en mathématiques de nos élèves accuse une forte baisse de 47 points depuis 1995, soit l’équivalent d’une année de classe, indique l’évaluation. Et ils sont 3.800 élèves de 4e à avoir été évalués dans le cadre de TIMSS 2019.

Les résultats des élèves de 4e en sciences ne sont pas non plus à l’avantage de notre pays : « la France n’amène que 3 % de ses élèves au niveau avancé alors qu’ils sont en moyenne 10 % dans les pays européens et de l’OCDE », indique la note d’information de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du MEN qui a relayé et commenté les résultats de TIMSS 2019.

Eléments de contexte

Outre les résultats très détaillés de chaque pays, l’évaluation TIMSS tente d’analyser des éléments de contexte pouvant peut-être les expliquer, partiellement, sans prétendre qu’il y a entre eux une étroite corrélation : temps d’instruction par rapport aux programmes, confiance des élèves dans la matière enseignée, formation des enseignants, outils numériques, sentiment des élèves d’être ou non affectés par un manque de ressources matérielles. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de regarder plus attentivement ces autres données et de poser la question de leur relation de cause à effet.

Pour les CM1, après la donnée selon laquelle 15 % des élèves français ne possèdent pas les compétences élémentaires contre 6 % en moyenne en Europe, l’étude s’intéresse au temps passé pour l’enseignement des maths et des sciences. Dans le cas des maths, les enseignants français déclarent consacrer 182 heures annuelles à cette matière contre 156 heures en moyenne en Europe, soit une différence de 26 heures en notre faveur qui n’est pas pour rassurer au vu des résultats. Par contre, en sciences, les 72 heures annuelles préconisées ne seraient pas respectées (les enseignants français déclarent n’y consacrer que 47 heures contre 67 heures en moyenne dans les pays européens).

La formation continue des enseignants en question

Autre motif d’inquiétude, celui de la formation des enseignants. En France, « la formation continue axée sur des contenus mathématiques s’est particulièrement améliorée entre 2015 et 2019 », souligne l’étude ; alors que 53 % des élèves avaient un enseignant n’ayant participé à aucune formation au cours des deux années écoulées lors de TIMSS 2015, ils n’étaient plus que 23 % dans ce cas en 2019 (28 % de moyenne européenne). En sciences, ce sont 74 % des élèves dans cette situation, sans changement par rapport à 2015 (42 % de moyenne européenne).

On ne peut donc que déplorer ce triste constat ; que la situation de temps passé ou de formation continue s’améliore ou non d’un TIMSS à l’autre, les faibles résultats ont fléchi ou plafonné pour les CM1 entre 2015 et 2019. Pour les 4e, le temps d’instruction des maths est au niveau des autres pays européens avec 125 heures annuelles, mais les maths ne représentent que 11,2 % du temps total d’instruction, soit l’un des temps relatifs les moins élevés parmi les pays de l’OCDE. Toutefois, l’étude relativise le faible rapport entre temps d’instruction et performance moyenne en France où 85 % des élèves déclarent ne pas avoir suivi de cours particuliers en maths durant l’année précédant l’évaluation contrairement à certains pays d’Asie qui occupent le haut du classement (ils sont 50 % au Japon et 22 % en Corée du Sud par exemple à suivre des cours particuliers hors temps scolaire).

Des élèves assidus mais peu de travail à la maison

Autre donnée positive d’un côté, qui interroge de l’autre ; notre pays afficherait un fort taux d’assiduité parmi les plus élevés (63 % des élèves français ont déclaré ne jamais ou presque jamais être absents du collège contre 56 % en moyenne internationale). Mais l’explication à ces élèves peu absentéistes aussi peu performants pourrait résider dans cet autre résultat : celui du temps dédié au travail à la maison donné par le professeur, qui est assez faible en France puisque la moitié des élèves déclarent n’y consacrer pas plus de quinze minutes ; alors que ce sont 61 % des élèves en moyenne internationale qui déclarent travailler à la maison plus de quinze minutes.

Pour corroborer notre baromètre annuel UNSA Education, l’évaluation fait apparaître que seulement 32 % des élèves de 4e en France ont un enseignant de mathématiques très satisfait de son métier contre 45 % en moyenne en Europe. Soit l’un des résultats les plus faibles du panel. Pour les PE de CM1, la question est posée autrement. Mais le résultat n’est pas moins sans appel : 10 % des enseignants ne sont pas satisfaits de leur profession contre 7 % en Europe et 5 % au niveau international. 

Un exercice du métier qui ne satisfait pas les enseignants, moins motivés donc que leurs collègues européens, ajouté au fait que la formation continue ne semble pas à la hauteur des enjeux, tant en termes de volume que de qualité ; tel pourrait être le premier grand enseignement de l’évaluation TIMSS 2019 derrière les mauvaix chiffres.

Conditions d’exercice du test

Et pourtant, a contrario, les conditions de réalisation de l’évaluation pose d’autres questions qui relativisent ses résultats. La moitié des tests consiste en des QCM qui correspondent peu à notre pédagogie basée sur l’argumentation, ce qui nous interpelle sur la légitimité de ces tests internationaux qui escomptent évaluer tous les élèves de la planète sur un même modèle fortement développé dans certains pays, notamment ceux de culture anglo-saxonne, et moins dans d’autres. Les élèves n’y sont pas préparés dans les mêmes conditions et avec les mêmes chances de réussite. Nos évaluations d’entrée en 6e par exemple, qui empruntent justement ce modèle de réponses à cocher, montrent aujourd’hui de singulières limites ; les résultats s’avèrent régulièrement peu conformes aux niveaux des élèves constatés en classe. D’où l’interrogation qui porte sur cette volonté publique mondialiste de réduire l’efficacité des éducations nationales à une seule norme universelle qui ne tiendrait jamais compte des spécificités des langues et des cultures.

Enfin, dernière question que soulève TIMSS ; outre nos mauvais résultats qui datent déjà depuis plusieurs années, nous pourrions être inquiets de la suite en termes d’insertion de nos élèves dans la vie active et professionnelle. Or, notre pays n’a rien perdu de sa réputation sur le plan des jeunes ingénieurs et scientifiques formés par nos écoles d’excellence. Dans un contexte plus tendu de forte concurrence internationale, ces établissements conservent un fort pouvoir d’attraction auprès des entreprises mondiales qui y recrutent leurs futurs salariés comme des étudiants étrangers qui y postulent.

Le niveau exigé en mathématiques et en sciences de l’ensemble de nos élèves ne doit pas non plus nous faire perdre de vue les finalités générales de ces enseignements ; certes, ils doivent former efficacement les esprits qui s’orienteront vers des voies scientifiques d’excellence, mais pour la majorité des autres élèves, les sciences et les mathématiques ne seront jamais une compétition à l’état pur. Ces disciplines participent à une éducation humaniste qui associe tous les savoirs dans un même creuset national au service de l’homme et ouvert sur le monde. Et à l’UNSA Education, nous estimons cette finalité comme préalable à toute autre considération pédagogique.