Ethique époque ?

Parmi les innovations de cette rentrée scolaire, l’enseignement moral et civique semble faire le « buzz » médiatique. Il est vrai que, même si la décision de mettre en œuvre l’EMC les avait largement précédés, les attentats de janvier dernier l’ont rendu d’autant plus indispensable. Chacun a pu alors cruellement prendre conscience que le respect de l’autre, l’acceptation des différences, le fait de s’enrichir des diversités, en bref le « vivre ensemble » ne va pas de soi.

Parmi les innovations de cette rentrée scolaire, l’enseignement moral et civique semble faire le « buzz » médiatique. Il est vrai que, même si la décision de mettre en œuvre l’EMC les avait largement précédés, les attentats de janvier dernier l’ont rendu d’autant plus indispensable. Chacun a pu alors cruellement prendre conscience que le respect de l’autre, l’acceptation des différences, le fait de s’enrichir des diversités, en bref le « vivre ensemble » ne va pas de soi.

Permettre à toute et tous, dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité, dans des démarches participatives qui libèrent la parole et font des élèves des acteurs de cet enseignement, de construire son rapport à soi, aux autres, au collectif, à la société est une nécessité. La transmission et la construction des valeurs est une mission essentiel de l’Ecole de la République… en toute laïcité n’en déplaise à Nicolas Sarkozy qui préférait voir ce rôle confié aux prêtres et aux pasteurs. C’est justement parce qu’ils ne cherchent à convertir à aucune religion et n’imposent la croyance à aucun dogme, que les éducateurs laïques sont les seuls à pouvoir accompagner la construction de cette morale civique et humaniste.

Mais confier légitimement cette mission à l’École ne suffit pas. Et ce pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, parce que l’on ne peut éduquer qu’à ce que l’on comprend, partage, vit. Mettre en œuvre un enseignement moral et civique interroge donc l’éthique voire la déontologie même des enseignants et de l’ensemble des équipes éducatives. Pas seulement dans leurs connaissances ou leur manières de transmettre, mais dans leur façon d’être. Le dicton populaire stipule que « l’exemple vient d’en haut, la confiance d’en bas ». Combien la prise en compte de l’enfant le plus en difficulté, l’empathie et l’aide face à sa souffrance, l’ouverture et l’accueil aux différences, la capacité à l’écoute et à la reconnaissance de chacun peuvent aider davantage la construction de repères que le contenu d’un cours (qui n’en demeure pas moins nécessaire), le meilleur fut-il ?

Ensuite, parce que l’Éducation est partagée et que dans ce domaine –plus que dans d’autres certainement- l’articulation des transmissions, la complémentarité des approches, l’enrichissement des points de vue sont indispensables. A défaut de la mise en œuvre d’une réelle coéducation, ce sont des oppositions, des rejets, voire des violences qui risquent de s’installer. Sans tout accepter, ni déroger aux valeurs qui sont les siennes notre société n’a rien à gagner à dresser la morale de l’Ecole contre celle de la maison, l’éthique républicaine contre l’éthique familiale, les valeurs des uns contre celles des autres dans aberrante guerre de civilisation. L’introduction d’un enseignement moral et civique doit au contraire permettre à tous d’avancer vers la reconnaissance des valeurs humanistes partagée, au premier rang desquels celles du respect des droits humains pour toutes et tous.

Enfin –on le sait bien- les modèles qui servent de référence à la construction des adultes en devenir ne sont pas uniquement les parents, les enseignants ou les éducateurs. Loin de là. Il convient donc de s’interroger sur les valeurs que transmettent ou véhiculent les « héros » de nos temps perturbés qu’ils soient des personnes réelles ou des personnages virtuels. Si les médias ont une responsabilité importante dans la survalorisation fréquente du « côté sombre de la force », les responsables politiques en ont une immense. C’est à raison que le candidat Hollande (« moi, président ») voulait mettre en place une République exemplaire. Mais qu’en est-il réellement ? Passons sur les « phobies administratives », les mensonges « droits dans les yeux », les nominations entre amis… Ils ne sont ni acceptables, ni excusables, mais ce ne sont que les tristes travers du pouvoir qui se succèdent, un peu plus ou un peu moins (peut-être) quel que soit les gouvernants. Mais que dire face aux 2643 candidats à l’immigration forcée et qui depuis janvier ont perdu la vie en Méditerranée ? Comment expliquer que la communauté européenne, seconde économie mondiale, forte de 500 millions d’habitants soit incapable de trouver rapidement et consensuellement une réponse décente aux 300 ou 350 000 migrants qui frappent à sa porte pour fuir la guerre, le terrorisme, la mort ? La construction de mur, le renforcement des frontières, le recours aux forces de l’ordre sont-elles les seules réponses à donner en exemple ?

Dans notre société éducative, parfois même malgré elle, transmettre des valeurs c’est essentiellement les faire vivre au quotidien. Si l’enseignement peut être un élément important d’une construction morale, civique et humaniste, il ne peut que s’inscrire dans une attitude générale.

A chacune et chacun à sa place de faire chaque jour évoluer notre société vers une éthique époque.

 

Denis ADAM, le 02 septembre 2015
 

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Parmi les innovations de cette rentrée scolaire, l’enseignement moral et civique semble faire le « buzz » médiatique. Il est vrai que, même si la décision de mettre en œuvre l’EMC les avait largement précédés, les attentats de janvier dernier l’ont rendu d’autant plus indispensable. Chacun a pu alors cruellement prendre conscience que le respect de l’autre, l’acceptation des différences, le fait de s’enrichir des diversités, en bref le « vivre ensemble » ne va pas de soi.

Permettre à toute et tous, dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité, dans des démarches participatives qui libèrent la parole et font des élèves des acteurs de cet enseignement, de construire son rapport à soi, aux autres, au collectif, à la société est une nécessité. La transmission et la construction des valeurs est une mission essentiel de l’Ecole de la République… en toute laïcité n’en déplaise à Nicolas Sarkozy qui préférait voir ce rôle confié aux prêtres et aux pasteurs. C’est justement parce qu’ils ne cherchent à convertir à aucune religion et n’imposent la croyance à aucun dogme, que les éducateurs laïques sont les seuls à pouvoir accompagner la construction de cette morale civique et humaniste.

Mais confier légitimement cette mission à l’École ne suffit pas. Et ce pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, parce que l’on ne peut éduquer qu’à ce que l’on comprend, partage, vit. Mettre en œuvre un enseignement moral et civique interroge donc l’éthique voire la déontologie même des enseignants et de l’ensemble des équipes éducatives. Pas seulement dans leurs connaissances ou leur manières de transmettre, mais dans leur façon d’être. Le dicton populaire stipule que « l’exemple vient d’en haut, la confiance d’en bas ». Combien la prise en compte de l’enfant le plus en difficulté, l’empathie et l’aide face à sa souffrance, l’ouverture et l’accueil aux différences, la capacité à l’écoute et à la reconnaissance de chacun peuvent aider davantage la construction de repères que le contenu d’un cours (qui n’en demeure pas moins nécessaire), le meilleur fut-il ?

Ensuite, parce que l’Éducation est partagée et que dans ce domaine –plus que dans d’autres certainement- l’articulation des transmissions, la complémentarité des approches, l’enrichissement des points de vue sont indispensables. A défaut de la mise en œuvre d’une réelle coéducation, ce sont des oppositions, des rejets, voire des violences qui risquent de s’installer. Sans tout accepter, ni déroger aux valeurs qui sont les siennes notre société n’a rien à gagner à dresser la morale de l’Ecole contre celle de la maison, l’éthique républicaine contre l’éthique familiale, les valeurs des uns contre celles des autres dans aberrante guerre de civilisation. L’introduction d’un enseignement moral et civique doit au contraire permettre à tous d’avancer vers la reconnaissance des valeurs humanistes partagée, au premier rang desquels celles du respect des droits humains pour toutes et tous.

Enfin –on le sait bien- les modèles qui servent de référence à la construction des adultes en devenir ne sont pas uniquement les parents, les enseignants ou les éducateurs. Loin de là. Il convient donc de s’interroger sur les valeurs que transmettent ou véhiculent les « héros » de nos temps perturbés qu’ils soient des personnes réelles ou des personnages virtuels. Si les médias ont une responsabilité importante dans la survalorisation fréquente du « côté sombre de la force », les responsables politiques en ont une immense. C’est à raison que le candidat Hollande (« moi, président ») voulait mettre en place une République exemplaire. Mais qu’en est-il réellement ? Passons sur les « phobies administratives », les mensonges « droits dans les yeux », les nominations entre amis… Ils ne sont ni acceptables, ni excusables, mais ce ne sont que les tristes travers du pouvoir qui se succèdent, un peu plus ou un peu moins (peut-être) quel que soit les gouvernants. Mais que dire face aux 2643 candidats à l’immigration forcée et qui depuis janvier ont perdu la vie en Méditerranée ? Comment expliquer que la communauté européenne, seconde économie mondiale, forte de 500 millions d’habitants soit incapable de trouver rapidement et consensuellement une réponse décente aux 300 ou 350 000 migrants qui frappent à sa porte pour fuir la guerre, le terrorisme, la mort ? La construction de mur, le renforcement des frontières, le recours aux forces de l’ordre sont-elles les seules réponses à donner en exemple ?

Dans notre société éducative, parfois même malgré elle, transmettre des valeurs c’est essentiellement les faire vivre au quotidien. Si l’enseignement peut être un élément important d’une construction morale, civique et humaniste, il ne peut que s’inscrire dans une attitude générale.

A chacune et chacun à sa place de faire chaque jour évoluer notre société vers une éthique époque.

 

Denis ADAM, le 02 septembre 2015