Est-ce bien noté ?

À l’heure où débutent les examens et autres concours et où revient sur le devant de la scène l’éternelle question de la notation, il est assez intéressant de suivre attentivement à la télévision les émissions-jeux qui consistent à élire « le meilleur des candidats », qu’il s’agisse de cuisine, de chanson ou de shopping. L’intérêt ne réside certes ni dans le contenu du programme, ni –bien entendu- dans cette survalorisation de la compétition, mais dans la manière de noter.


L’enseignement majeur de cette observation est bien entendu, le décalage qui existe pratiquement toujours entre les commentaires du jury et les notes attribuées. Soit les commentaires négatifs –parfois d’une rare sévérité- s’accompagnent de notes moyennes, soit –à l’inverse- des remarques mitigées sont aggravées par des notes médiocres.


Certes il ne s’agit que de jeux, voire peut-être même de mise en scène, et l’effet déformant est d’autant plus renforcé que, dans de nombreux cas, le jury est composé des candidats eux-mêmes qui sont tour à tour juges et jugés.


Pour autant, il convient de ne pas négliger ce que ces expositions médiatiques disent de notre approche de l’évaluation.


Tout d’abord, elles montrent combien l’acte d’évaluer est délicat et compliqué. Elles mettent particulièrement en évidence la difficulté d’évaluer une action, un travail, une réalisation sans juger la personne (difficile de dire « ce que tu as fait est nul », sans dire, laisser croire ou faire entendre « tu es nul »). Dans cette approche, on constate assez facilement que si les mots peuvent permettre de relativiser, de nuancer, même de comparer différents stades d’évolution, la note par contre est souvent incapable de distinguer (avoir zéro revient trop souvent à valoir zéro !)


Le second enseignement –qui n’est d’ailleurs que la confirmation de ce que disent l’ensemble des études sur le sujet est bien entendu la subjectivité de la note chiffrée. Et là encore l’illustration en est évidente : le même commentaire n’entraîne pas la même note chez des membres différents d’un jury ou inversement la même note peut correspondre à des appréciations très différentes.


Enfin, le fait même de noter en dit parfois –et même souvent autant sur la chose évaluée que sur le notateur. Il y a une part de soi, de son rapport au savoir, à la norme, à l’excellence… dans la manière d’évaluer.


C’est pourquoi le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale de juillet 2013 sur la notation et l’évaluation des élèves mettait en évidence que le plus important était moins le choix du mode d’évaluation que sa cohérence avec la démarche pédagogique mise en œuvre dans les apprentissages. Cela est essentiel dans le cadre d’une évaluation continue. Elle prend alors un caractère formatif et prend toute sa place dans la démarche d’acquisition.


Il en va tout autrement lorsque les candidats, élèves, étudiants ou joueurs-télévisuels, sont confrontés à la notation sanction d’un examen ou concours terminal, souvent conduit par des jurys extérieurs à leurs éducateurs habituels et qui détermine leur avenir (avec plus d’importance pour les élèves et les étudiant que pour les joueurs-télévisuels, bien entendu !).


Dans ce cas, l’évaluation risque de n’avoir qu’un caractère normatif. Loin de se concentrer alors sur le contenu ou sur ce que l’évaluation peut permettre d’apprendre, chacun risque alors seulement de se demander, de sa place d’évalué ou d’évaluateur : « est-ce bien noté ? ».

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À l’heure où débutent les examens et autres concours et où revient sur le devant de la scène l’éternelle question de la notation, il est assez intéressant de suivre attentivement à la télévision les émissions-jeux qui consistent à élire « le meilleur des candidats », qu’il s’agisse de cuisine, de chanson ou de shopping. L’intérêt ne réside certes ni dans le contenu du programme, ni –bien entendu- dans cette survalorisation de la compétition, mais dans la manière de noter.


L’enseignement majeur de cette observation est bien entendu, le décalage qui existe pratiquement toujours entre les commentaires du jury et les notes attribuées. Soit les commentaires négatifs –parfois d’une rare sévérité- s’accompagnent de notes moyennes, soit –à l’inverse- des remarques mitigées sont aggravées par des notes médiocres.


Certes il ne s’agit que de jeux, voire peut-être même de mise en scène, et l’effet déformant est d’autant plus renforcé que, dans de nombreux cas, le jury est composé des candidats eux-mêmes qui sont tour à tour juges et jugés.


Pour autant, il convient de ne pas négliger ce que ces expositions médiatiques disent de notre approche de l’évaluation.


Tout d’abord, elles montrent combien l’acte d’évaluer est délicat et compliqué. Elles mettent particulièrement en évidence la difficulté d’évaluer une action, un travail, une réalisation sans juger la personne (difficile de dire « ce que tu as fait est nul », sans dire, laisser croire ou faire entendre « tu es nul »). Dans cette approche, on constate assez facilement que si les mots peuvent permettre de relativiser, de nuancer, même de comparer différents stades d’évolution, la note par contre est souvent incapable de distinguer (avoir zéro revient trop souvent à valoir zéro !)


Le second enseignement –qui n’est d’ailleurs que la confirmation de ce que disent l’ensemble des études sur le sujet est bien entendu la subjectivité de la note chiffrée. Et là encore l’illustration en est évidente : le même commentaire n’entraîne pas la même note chez des membres différents d’un jury ou inversement la même note peut correspondre à des appréciations très différentes.


Enfin, le fait même de noter en dit parfois –et même souvent autant sur la chose évaluée que sur le notateur. Il y a une part de soi, de son rapport au savoir, à la norme, à l’excellence… dans la manière d’évaluer.


C’est pourquoi le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale de juillet 2013 sur la notation et l’évaluation des élèves mettait en évidence que le plus important était moins le choix du mode d’évaluation que sa cohérence avec la démarche pédagogique mise en œuvre dans les apprentissages. Cela est essentiel dans le cadre d’une évaluation continue. Elle prend alors un caractère formatif et prend toute sa place dans la démarche d’acquisition.


Il en va tout autrement lorsque les candidats, élèves, étudiants ou joueurs-télévisuels, sont confrontés à la notation sanction d’un examen ou concours terminal, souvent conduit par des jurys extérieurs à leurs éducateurs habituels et qui détermine leur avenir (avec plus d’importance pour les élèves et les étudiant que pour les joueurs-télévisuels, bien entendu !).


Dans ce cas, l’évaluation risque de n’avoir qu’un caractère normatif. Loin de se concentrer alors sur le contenu ou sur ce que l’évaluation peut permettre d’apprendre, chacun risque alors seulement de se demander, de sa place d’évalué ou d’évaluateur : « est-ce bien noté ? ».