Enseignement du racisme vs éducation antiraciste ?

Un article intéressant qui interroge l'enseignement du racisme en le situant historiquement et en proposant des pistes pour sortir de la subjectivité : un blog du Monde par Emmanuel Debono, historien qui travaille sur le racisme et l'antiracisme dans la France contemporaine.

Situant historiquement l’arrivée progressive de l’enseignement du racisme en France, Emmanuel Debono interroge l’approche trop subjective et le manque de conceptualisation de la question raciste dans l’enseignement.

Il propose de questionner les faits avec des concepts précis pour « prémunir contre une trop grande subjectivité » et construire des repères communs.

http://antiracisme.blog.lemonde.fr/2014/09/11/enseignement-du-racisme-vs-education-antiraciste/

La loi Marchandeau de 1939, contre la diffamation raciale marque une première préoccupation des pouvoirs publics en matière de racisme à une époque où le racisme s’exprime très librement dans la société française. Des prémices de réflexion pour que la question du racisme intègre les manuels scolaires commencent à s’exprimer.

A l’initiative du MRAP, un colloque « débouche sur la création d’un Comité de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (CLEPR). Symboliquement fort, son ancrage en 1960 à l’Institut pédagogique national (qui se transformera en partie en Institut national de la recherche pédagogique, actuel Institut français de l’éducation à l’ENS de Lyon) témoigne de l’aboutissement d’un processus d’institutionnalisation de l’antiracisme à l’œuvre depuis les années 1930, un processus qui va continuer de s’affirmer les décennies suivantes. »

Mais si aujourd’hui, pour Emmanuel Debono, la question du racisme traverse, en effet, les programmes du primaire au lycée, elle est « insuffisamment conceptualisée » :

« A l’heure … où l’on parle de communautarismes et de crispations identitaires, de « libération » et de « radicalisation » de la parole raciste, alors que l’on mesure les insuffisances de l’action pédagogique qui ne vaccine ni contre les conceptions erronées ni contre les préjugés, il serait opportun de dresser un état des lieux relatif à l’inscription du sujet dans le cadre scolaire. Il conduirait très probablement à constater les carences de l’outillage intellectuel et à repenser certaines orientations pédagogiques : envisager par exemple un enseignement à part entière du sujet ; préférer les outils de réflexion et d’analyse à une approche sensible et intuitive, dont on sait qu’elle peut se montrer volontiers moralisante et culpabilisante ; favoriser une approche comparatiste pour éviter les jugements monolithiques et définitifs…

En travaillant au questionnement des faits et à l’acquisition de concepts précis, l’école peut prémunir contre une trop grande subjectivité dans un domaine qui cible l’humain et ses relations aux autres. Elle privilégierait ainsi la réflexion sur les anathèmes et les cris, freinant la perte des repères communs et l’absurdité d’une situation où les uns démasquent du racisme partout quand d’autres n’en discernent nulle part. »

http://antiracisme.blog.lemonde.fr/2014/09/11/enseignement-du-racisme-vs-education-antiraciste/

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Situant historiquement l’arrivée progressive de l’enseignement du racisme en France, Emmanuel Debono interroge l’approche trop subjective et le manque de conceptualisation de la question raciste dans l’enseignement.

Il propose de questionner les faits avec des concepts précis pour « prémunir contre une trop grande subjectivité » et construire des repères communs.

http://antiracisme.blog.lemonde.fr/2014/09/11/enseignement-du-racisme-vs-education-antiraciste/

La loi Marchandeau de 1939, contre la diffamation raciale marque une première préoccupation des pouvoirs publics en matière de racisme à une époque où le racisme s’exprime très librement dans la société française. Des prémices de réflexion pour que la question du racisme intègre les manuels scolaires commencent à s’exprimer.

A l’initiative du MRAP, un colloque « débouche sur la création d’un Comité de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (CLEPR). Symboliquement fort, son ancrage en 1960 à l’Institut pédagogique national (qui se transformera en partie en Institut national de la recherche pédagogique, actuel Institut français de l’éducation à l’ENS de Lyon) témoigne de l’aboutissement d’un processus d’institutionnalisation de l’antiracisme à l’œuvre depuis les années 1930, un processus qui va continuer de s’affirmer les décennies suivantes. »

Mais si aujourd’hui, pour Emmanuel Debono, la question du racisme traverse, en effet, les programmes du primaire au lycée, elle est « insuffisamment conceptualisée » :

« A l’heure … où l’on parle de communautarismes et de crispations identitaires, de « libération » et de « radicalisation » de la parole raciste, alors que l’on mesure les insuffisances de l’action pédagogique qui ne vaccine ni contre les conceptions erronées ni contre les préjugés, il serait opportun de dresser un état des lieux relatif à l’inscription du sujet dans le cadre scolaire. Il conduirait très probablement à constater les carences de l’outillage intellectuel et à repenser certaines orientations pédagogiques : envisager par exemple un enseignement à part entière du sujet ; préférer les outils de réflexion et d’analyse à une approche sensible et intuitive, dont on sait qu’elle peut se montrer volontiers moralisante et culpabilisante ; favoriser une approche comparatiste pour éviter les jugements monolithiques et définitifs…

En travaillant au questionnement des faits et à l’acquisition de concepts précis, l’école peut prémunir contre une trop grande subjectivité dans un domaine qui cible l’humain et ses relations aux autres. Elle privilégierait ainsi la réflexion sur les anathèmes et les cris, freinant la perte des repères communs et l’absurdité d’une situation où les uns démasquent du racisme partout quand d’autres n’en discernent nulle part. »

http://antiracisme.blog.lemonde.fr/2014/09/11/enseignement-du-racisme-vs-education-antiraciste/