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Enfances de classe
Publié le 1 septembre 2020
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«Enfances de classe» est un ouvrage collectif de sociologues, sous la direction de Bernard Lahire. Il nous plonge dans le quotidien de 35 enfants de 5 ans choisis dans trois classes sociales: populaire (voire précaire), moyenne et supérieure. A travers la même trame d’enquête, il révèle et rend concrètes les inégalités entre enfants. Quelles sont les conséquences d’une coupure avec l’école pour eux? Comment réduire le fossé qui sépare les enfants dès le plus jeune âge?

Entretien avec Bernard Lahire (accordé au SIEN UNSA):


Comme vous le savez, les parents ont dû assurer le suivi de l’école à domicile. En quoi ce mode d’enseignement à distance a-t-il pu renforcer les inégalités sociales que vous décrivez dans l’ouvrage collectif?


Bernard LAHIRE: Il faut bien comprendre que « l’école à la maison » est une expression inégalement pertinente selon le milieu social de la famille. L’école, au sens précis du terme, c’est plus que des manuels scolaires et des exercices écrits donnés à des enfants. Ce qui s’est inventé depuis le Collège d’Ancien Régime jusqu’à nos jours, c’est tout un dispositif pédagogique qui s’appuie sur des espaces, et notamment la salle de classe, sur un mobilier et des objets tels que les tableaux, les craies, les chaises, etc., des documents écrits tels que des manuels ou des fiches polycopiées, des cahiers et des crayons (des plumes, des stylos), sur des formes de relations entre enseignants et élèves, et sur une organisation très rationnelle du temps journalier, hebdomadaire, trimestriel et annuel. Tout cela ne peut se transporter, comme par miracle, dans un tout autre contexte que celui de la salle de classe.


Le confinement et la fermeture des écoles ont eu pour effet d’enfermer chaque enfant dans son cadre familial. Or, celui-ci est plus ou moins éloigné du contexte scolaire. Plus le volume de capital scolaire détenu par les parents diminue et plus les milieux familiaux s’éloignent de la forme scolaire et de ses attendus. Les parents n’ont pas tous les compétences et les manières de faire adéquates, ils ne comprennent pas toujours les enjeux scolaires et ont, pour une partie d’entre eux, des difficultés de maîtrise du français. Il faut ajouter à cela le fait que certaines familles n’ont pas d’ordinateur ou n’ont pas un accès à Internet que certaines peuvent avoir un seul ordinateur dont l’usage est plus restreint s’il doit être partagé par plusieurs enfants, et que l’espace domestique doit être lui aussi parfois partagé, l’enfant ne disposant pas toujours d’un espace de travail propre, suffisamment silencieux.

Bref, la vision technologique de la continuité pédagogique est une vision désincarnée, hors-sol, qui empêche de voir ce qui s’est joué concrètement dans la période que nous avons traversée. Cette période de confinement a braqué le projecteur sur les inégalités de classe les plus crues, inégalités économiques et culturelles, des inégalités qui n’étaient plus atténuées scolairement par des mécanismes correcteurs. Pendant toute cette période, l’école n’a plus été en mesure de jouer son rôle de correction (même mineur) des lois implacables de la reproduction sociale des inégalités. Chacun a été renvoyé purement et simplement à sa condition de classe.


S’il est globalement contestable de parler de « continuité pédagogique », il est clairement question pour les élèves les plus éloignés des logiques scolaires d’une discontinuité pédagogique. La crise sanitaire a donc engendré un creusement des inégalités qu’on ne pourra mesurer que progressivement. Tout va dépendre du temps de confinement et de non-scolarité vécu par les enfants. À chaque rentrée scolaire, les enseignants ont l’impression que certains élèves ont «tout oublié», notamment ceux dont les familles n’ont pas les moyens culturels et pédagogiques de leur faire faire des cahiers de vacances ou de stimuler leur curiosité en matière de lecture, d’écriture, de calcul et de savoirs divers et variés… Or, plus certains élèves auront été éloignés des réalités scolaires, plus ils risqueront d’avoir perdu des habitudes difficiles à remettre en route. Et plus les enfants sont petits, plus la situation est problématique. Pensez aux enfants de Grande section de maternelle (ceux que nous avons étudiés dans notre recherche) ou aux premières années d’école primaire. Pour eux, c’est l’appropriation des fondamentaux en matière de lecture, d’écriture et de calcul qui ne s’est pas faite correctement. Certains parents ont compensé l’absence d’école et leurs enfants s’en sortiront plutôt bien, mais pour tous ceux qui n’en avaient pas les moyens, leurs enfants auront pris un retard important qui risque de les marquer durablement tout au long de leur scolarité.


Nous savons que l’école ne peut pas tout, quelles seraient selon vous les priorités à considérer sur le plan d’une politique globale pour réduire le fossé entre ces vies diminuées et ces vies augmentées dont vous parlez?


Bernard Lahire: Comme je l’ai souvent dit, et c’est ce que montre bien Enfances de classe, tout dans les difficultés scolaires ne relève pas de la responsabilité de l’école et des enseignants. Il y a des conditions économiques et sociales qui rendent difficiles de bonnes scolarités. Pour prendre à bras-le-corps les inégalités scolaires, il faudrait mettre en œuvre une politique multi-factorielle d’augmentation des revenus, d’aide au logement, de soutiens alimentaire, culturel, sportif, etc.

Les inégalités ont été criantes durant toute la période que nous venons de traverser. Être confiné dans des petits logements sans pouvoir sortir dans l’espace public pendant que d’autres témoignaient de leur confinement dans des résidences secondaires spacieuses et confortables, ne plus pouvoir travailler dans certains cas avec des baisses de revenu importantes, des difficultés inégales à poursuivre les apprentissages scolaires « à distance » quand on est dépourvu de capital scolaire, tout cela a évidemment sauté aux yeux de beaucoup d’observateurs. Avec Enfances de classe, nous avions souhaité mettre au jour très concrètement, à partir d’études de cas détaillées, les inégalités en matières de revenu, de logement, d’alimentation, de santé, de loisirs, de pratiques culturelles, langagières, éducatives, etc. Les lecteurs et les lectrices de l’ouvrage pouvaient assez facilement imaginer toutes les inégalités que le confinement contribuerait à aggraver.


Dans l’état actuel des choses, seul l’État dispose des leviers financiers et politiques pour combattre toutes les formes d’inégalité. Scolairement, il faudrait mettre en œuvre un grand programme de soutien dès la rentrée, recruter de nombreux enseignants et diminuer drastiquement le nombre d’élèves par classe. Et plus généralement, nous aurions besoin d’une politique ambitieuse de lutte contre les inégalités économiques, culturelles, scolaires, sanitaires, etc.
Dans une société qui prône des valeurs démocratiques, la lutte contre les inégalités devrait être une obsession permanente de chaque ministère. Or, on sait bien que les impératifs d’efficacité, de rentabilité ou d’austérité ont fait abandonner toute ambition démocratique. On peut espérer que la crise sanitaire et sociale que nous avons traversée, et qui n’est pas encore totalement derrière nous, permettra une remontée politique de l’exigence de lutte contre toutes les inégalités.

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