Elections municipales : des élus acteurs de politique éducative

Le second tour des élections municipales aura lieu le 28 juin 2020, en bousculant les habitudes de campagne. C’est donc un retour médiatique et numérique de la question du choix des équipes qui conduiront les politiques éducatives locales.  Si le cadre est national, les maires et leurs conseillers ont de grandes responsabilités en la matière. Interview de l’un d’entre eux qui termine son mandat et prend sa retraite, Dominique Gros, maire de Metz, Moselle.
  Comment un élu s’empare-t –il de questions d’éducation ?
Dominique Gros : La situation de l’élu est particulière parce qu’il s’occupe de tout, tout en devant faire confiance aux différents acteurs. Dans le domaine de la culture l’élu est un facilitateur et dans le domaine de l’éducation aussi.
L’Éducation évidemment c’est l’Éducation nationale, mais c’est aussi un moment où l’on regroupe tous les enfants dans un lieu déterminé par la ville pour un temps donné durant lequel les enfants peuvent découvrir d’autres choses, alors que les parents travaillent ou ne sont pas disponibles.
Le projet politique de la ville de Metz est lié à la culture d’une part et singulièrement à la culture liée à l’Éducation.
Sur le champ éducatif, est-ce qu’en tant que maire d’une ville comme Metz, vous avez vous la main sur la mixité sociale dans l’éducatif ?
Dominique Gros : C’est extrêmement complexe. Parce que la politique du logement consiste à aider les gens qui ont un peu de moyens à s’en sortir, c’est-à-dire à quitter les quartiers où ils sont. Ne reste donc que les plus démunis. Le revenu par habitant a diminué dans les quartiers « politique de la ville » depuis 10 ans. Cette concentration se traduit aussi dans les écoles. Les gens un peu informés choisissent d’autres écoles (le privé ou des dérogations). Le système scolaire idéal qui émancipe et règle tous les problèmes est loin d’être simple. Malgré des réussites et un travail formidable de la part d’enseignants, c’est le système, le fonctionnement urbain qui concentre les difficultés. Nous avons quelques vieux quartiers de réelle mixité sociale, Tous les programmes immobiliers depuis 12 ans contiennent au moins 30 % de logements sociaux. Pour créer la mixité sociale, la politique d’urbanisme est essentielle. Mais évidemment les parents étant de mieux en mieux informés, l’évitement scolaire existe.
Vous semble-t-il qu’aujourd’hui un élu local a plus de responsabilité éducative, voire pédagogique,  qu’il y a 15 ou 20 ans ?
Dominique Gros : Je pense que oui, parce que l’État se retire sur la pointe des pieds de tout ce qui n’est pas strictement son boulot, mais continue à inciter, voire à imposer. C’est le cas des cantines à 1 euro. En phase avec notre politique de justice sociale, ce dispositif facilite et garantit l’accès des élèves à un repas équilibré et de qualité dans nos équipements. Il s’inscrit dans les mesures déjà prises afin d’accroître la fréquentation de la restauration scolaire, la pause méridienne étant d’ailleurs un temps propice à l’éducation culturelle. C’est aussi le cas du dédoublement des classes de CP, CE1. Nous sommes obligés de trouver des locaux, mais on ne se plaint pas parce que c’est mieux pour les enseignants et pour les élèves. Globalement nos responsabilités sont de plus en plus grandes. Une ville peut faire un travail de fond en termes de mixité sociale, de développement culturel : en un mot, faire un travail politique.
Par rapport à l’école, nous n’avons pas une responsabilité pédagogique directe, mais nous tâchons d’accompagner au mieux et de faciliter le fonctionnement des écoles. Une ville peut faire juste le minimum vital. Ce n’est pas notre cas, nous avons construit des cantines pour éviter les déplacements pour aller déjeuner. Nous mettons à disposition les équipements sportifs, les équipements culturels. Nous organisons le périscolaire et l’aide aux devoirs… autour de l’école, une municipalité peut réellement faire vivre son projet global et c’est essentiel. Mais notre action éducative se prolonge aussi pour les jeunes sur des activités sportives, culturelles, éducatives, de loisirs, mais aussi de prévention avec des éducateurs.
La ville de Metz est aussi originale dans son choix de rester à 4,5 jours de classe par semaine ?
Dominique Gros : En devenant professeurs des écoles – ce qui est légitime car éduquer un jeune enfant c’est aussi difficile qu’enseigner à un collégien – les enseignants n’ont plus été astreints à habiter à proximité de leurs écoles, ils se sont installés plus loin. C’est l’étalement urbain, pour eux comme pour tout le monde. Avec le Président Sarkozy, ils ont gagné la suppression du samedi matin de classe. Et supprimer le mercredi matin correspond à la même logique d’éviter des déplacements. Donc le corps enseignant fait pression sur les parents d’élèves pour revendiquer les 4 jours. Cela conduit, avec 144 jours de classe à être le pays du monde où il y en a le moins. Mais parlez-moi du classement PISA…pour les résultats on est mal, très mal classé. Avoir 5 matinées de travail c’est mieux et pour les plus défavorisés c’est encore plus important. Avec 4 jours, ce sont eux qui sont perdants. Le choix se fait par rapport à l’intérêt des enseignants ou des parents, alors que l’essentiel c’est l’enfant. Revenir à 4 jours est une faute collective qui hypothèque l’avenir du pays.
Interview réalisée en juillet 2019 pour le numéro 4 de la revue [R], revue du Centre de recherche de l’UNSA Education à retrouver dans son intégralité ici : centrehenriaigueperse.com

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  Comment un élu s’empare-t –il de questions d’éducation ?
Dominique Gros : La situation de l’élu est particulière parce qu’il s’occupe de tout, tout en devant faire confiance aux différents acteurs. Dans le domaine de la culture l’élu est un facilitateur et dans le domaine de l’éducation aussi.
L’Éducation évidemment c’est l’Éducation nationale, mais c’est aussi un moment où l’on regroupe tous les enfants dans un lieu déterminé par la ville pour un temps donné durant lequel les enfants peuvent découvrir d’autres choses, alors que les parents travaillent ou ne sont pas disponibles.
Le projet politique de la ville de Metz est lié à la culture d’une part et singulièrement à la culture liée à l’Éducation.
Sur le champ éducatif, est-ce qu’en tant que maire d’une ville comme Metz, vous avez vous la main sur la mixité sociale dans l’éducatif ?
Dominique Gros : C’est extrêmement complexe. Parce que la politique du logement consiste à aider les gens qui ont un peu de moyens à s’en sortir, c’est-à-dire à quitter les quartiers où ils sont. Ne reste donc que les plus démunis. Le revenu par habitant a diminué dans les quartiers « politique de la ville » depuis 10 ans. Cette concentration se traduit aussi dans les écoles. Les gens un peu informés choisissent d’autres écoles (le privé ou des dérogations). Le système scolaire idéal qui émancipe et règle tous les problèmes est loin d’être simple. Malgré des réussites et un travail formidable de la part d’enseignants, c’est le système, le fonctionnement urbain qui concentre les difficultés. Nous avons quelques vieux quartiers de réelle mixité sociale, Tous les programmes immobiliers depuis 12 ans contiennent au moins 30 % de logements sociaux. Pour créer la mixité sociale, la politique d’urbanisme est essentielle. Mais évidemment les parents étant de mieux en mieux informés, l’évitement scolaire existe.
Vous semble-t-il qu’aujourd’hui un élu local a plus de responsabilité éducative, voire pédagogique,  qu’il y a 15 ou 20 ans ?
Dominique Gros : Je pense que oui, parce que l’État se retire sur la pointe des pieds de tout ce qui n’est pas strictement son boulot, mais continue à inciter, voire à imposer. C’est le cas des cantines à 1 euro. En phase avec notre politique de justice sociale, ce dispositif facilite et garantit l’accès des élèves à un repas équilibré et de qualité dans nos équipements. Il s’inscrit dans les mesures déjà prises afin d’accroître la fréquentation de la restauration scolaire, la pause méridienne étant d’ailleurs un temps propice à l’éducation culturelle. C’est aussi le cas du dédoublement des classes de CP, CE1. Nous sommes obligés de trouver des locaux, mais on ne se plaint pas parce que c’est mieux pour les enseignants et pour les élèves. Globalement nos responsabilités sont de plus en plus grandes. Une ville peut faire un travail de fond en termes de mixité sociale, de développement culturel : en un mot, faire un travail politique.
Par rapport à l’école, nous n’avons pas une responsabilité pédagogique directe, mais nous tâchons d’accompagner au mieux et de faciliter le fonctionnement des écoles. Une ville peut faire juste le minimum vital. Ce n’est pas notre cas, nous avons construit des cantines pour éviter les déplacements pour aller déjeuner. Nous mettons à disposition les équipements sportifs, les équipements culturels. Nous organisons le périscolaire et l’aide aux devoirs… autour de l’école, une municipalité peut réellement faire vivre son projet global et c’est essentiel. Mais notre action éducative se prolonge aussi pour les jeunes sur des activités sportives, culturelles, éducatives, de loisirs, mais aussi de prévention avec des éducateurs.
La ville de Metz est aussi originale dans son choix de rester à 4,5 jours de classe par semaine ?
Dominique Gros : En devenant professeurs des écoles – ce qui est légitime car éduquer un jeune enfant c’est aussi difficile qu’enseigner à un collégien – les enseignants n’ont plus été astreints à habiter à proximité de leurs écoles, ils se sont installés plus loin. C’est l’étalement urbain, pour eux comme pour tout le monde. Avec le Président Sarkozy, ils ont gagné la suppression du samedi matin de classe. Et supprimer le mercredi matin correspond à la même logique d’éviter des déplacements. Donc le corps enseignant fait pression sur les parents d’élèves pour revendiquer les 4 jours. Cela conduit, avec 144 jours de classe à être le pays du monde où il y en a le moins. Mais parlez-moi du classement PISA…pour les résultats on est mal, très mal classé. Avoir 5 matinées de travail c’est mieux et pour les plus défavorisés c’est encore plus important. Avec 4 jours, ce sont eux qui sont perdants. Le choix se fait par rapport à l’intérêt des enseignants ou des parents, alors que l’essentiel c’est l’enfant. Revenir à 4 jours est une faute collective qui hypothèque l’avenir du pays.
Interview réalisée en juillet 2019 pour le numéro 4 de la revue [R], revue du Centre de recherche de l’UNSA Education à retrouver dans son intégralité ici : centrehenriaigueperse.com