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Rassemblement national : changement radical ?

Les nouveaux élu.es du Rassemblement national qui siègent à l’Assemblée nationale sont-ils la face visible de la « normalisation » du parti de Marine Le Pen ? Bien habillé.es, assidu.es, peu enclin.es au « clash » comme leurs collègues de la France insoumise, le RN a-t-il brûlé les oripeaux de l’extrême-droite ? Le think tank Terra Nova a étudié à la loupe les nouveaux parlementaires du RN à l’Assemblée nationale dans sa revue en ligne, La grande conversation. Celle-ci contredit la petite musique lancinante que l’on entend de plus en plus : non, le RN n’est pas seulement une "droite autoritaire, nationale et populaire". L’UNSA-Éducation vous résume ce qu’il faut en retenir

Un parti de débutant.es ?

En juin 2022, 89 député.es RN sont rentré.es à l’Assemblée nationale soit 15% des sièges, de quoi, pour la première fois, former un groupe parlementaire.
Les élu.es RN sont un peu plus jeunes que la moyenne des député.es (46 ans contre 49) et moins féminisé.es (36% contre 37,3%). Loin de représenter la France populaire comme le RN le prétend, il s’agit plutôt d’une représentationpolitique classique : 64% des député.es sont issu.es des rangs des cadres et professions intellectuelles supérieures.
Avec 83 primo-députés sur 89, on pouvait s’attendre à des novices en politique. Et bien non : 73 des 89 députés (80%) sont « soit des professionnel.les confirmé.es de la politique soit des responsables en voie de professionnalisation » (trésorier de campagne, assistant parlementaire, militant.es, etc.), sans compter que 19% ont des lien familiaux avec des figures du parti ou d’autres formations politiques. On est donc très loin d’un parti « d’outsiders ».
Or cette professionnalisation des effectifs RN se concrétise avec une armée de plus de 300 collaborateurset collaboratrices. On y trouve les militant.es qui sont ainsi récompensé.es de leur fidélité et de leur engagement, mais aussi toute la palette de l’extrême-droite pas vraiment compétente: activistes proches des réseaux identitaires, royalistes, Manif pour tous et même néo-nazis,. Aussi, moyennant des salaires élevés, le RN a réussi à attirer à lui des collaborateurs.trices expérimenté.es, à la compétence éprouvée, issus des grandes écoles et/ou des partis de droite afin« d’accumuler un capital de matière grise et d’expertise qui (…) lui fait encore souvent défaut ».  

 

Un parti plus impliqué et sérieux ?

Le parti lepéniste souhaite apparaître comme la première force d’opposition et la seule alternative politique possible Son activité parlementaire doit servir cet objectif.
Tout d’abord, le groupe cherche à « sortir de la situation de quarantaine » dans laquelle il se trouve quitte à voter avec ses adversaire. Pour cela, il n’hésite pas à rallier tantôt la Nupes, tantôt les LR. Il n’y a aucune limite tant que les grandes lignes du programme sont respectées, au contraire, cela montrerait l’esprit d’ouverture du parti de Marine Le Pen. Cela permet surtout de laisser l’outrance à LFI dont le RN se plaît à dénoncer « les excès ». Ce dernier apparaît alors comme une « force tempérée, bienséante et polie ».
Autres moyens d’acquérir de la respectabilité,  le parti ne boude aucune de missions proposées : vice-présidence, commissions, groupes d’études, le RN est partout. Il compte également des député.es dans 80% des 154 groupes d’amitié parlementaire, sans surprise avec les pays « conservateurs » (Hongrie ou Pologne en tête) mais aussi avec l’Algérie… Rappelons enfin que Sébastien Chenu, vice-président de l’Assemblée nationale, préside certaines séances : le protocole parlementaire sert lui-même les ambitions de respectabilité du parti.
Cet investissement maximal dans les instances devrait donc se retrouver, en toute logique,  dans le travail législatif. Or si l’assiduité des député.es RN ne fait aucun doute, elle n’est pas synonyme d’efficacité. En effet, l’essentiel de la loi s’élabore dans les commissions permanentes dans lesquelles ses élu.es « semblent manquer d’assises et restent (…) discrets », (le RN est le 2e groupe parlementaire en nombre mais le 4e pour les interventions en commissions), il faut dire qu’ils ou elles réservent l’essentiel de leurs interventions aux séances publiques. De même, le groupe amende peu les textes de loi (7,8%, ce qui est inférieur au groupe PS : 8,6%) et les amendements RN sont les moins adoptés. C’est d’ailleurs la même chose pour les propositions de loi : sur les 66 proposées, aucune n’a été adoptée, preuve que le « cordon sanitaire » fonctionne encore. Toutefois, le but du RN semble moins d’obtenir des résultats législatifs que de soigner les clientèles électorales (boulangers, ruralité, etc.)

 

Un virage idéologique ?

Le RN aurait changé. Il n’aurait plus rien à voir avec l’extrême-droite, l’extrémiste, c’est Zemmour ! Le RN semble, lui, avoir laissé tomber ce qui faisait sa substance : antisémitisme, homophobie, catholicisme intégriste, nostalgie de l’Algérie française, antiparlementarisme, etc. Il est vrai qu’il a parcouru un long chemin idéologique depuis le début des années 1980 mais il subsiste des fondamentaux inchangés : la préférence nationale, la lutte contre l’immigration et l’Islam et la souveraineté nationale. Cela prouve bien que « l’idée qu’il aurait complétement intégré l’arc républicain des partis politiques, touche vite ses limites ».
Comme ces fondamentaux sont parfaitement identifiés par les électeurs, le RN n’a pas besoin de les rappeler sans cesse et peut se sentir libre de s’aventurer sur d’autres thématiques au risque d’exhiber son amateurisme. Il en va ainsi de l’Europe ou de l’écologie, deux domaines où le parti est au mieux très ambigu (l’Europe) au pire non concerné (l’écologie).
De plus, si Marine Le Pen a tenté d’effacer le passé antirépublicain de son parti, ce n’est pas le cas de tous les membres du groupe Enfin elle se démarque de son père qui vouait une haine tenace à De Gaulle, là où le RN le cite sans cesse pour justifier « une redéfinition des alliances » ou l’utilisation du référendum au risque de tordre la réalité historique. Il y a donc « l’histoire qu’on assume et celle qu’on escamote », remisés les relents sulfureux de la vieille extrême-droite et place à des « acrobaties idéologiques » afin de mieux capter l’air du temps.
Finalement on constate que le RN  n’est pas si éloigné du Front national : « quelques boulets en moins, l’art de la dissimulation en plus » conclut l’article.

 

L’UNSA Éducation rejoint les remarques pointées par les auteurs de cet article très étayé.  « L’extrême-droite, ça ne s’essaie pas » était le mot d’ordre de notre fédération pour appeler au vote contre l’extrême-droite aux élections de 2022. Le RN s’est certes « relooké» en surface mais conserve son cœur de doctrine : la préférence nationale, l’agitation d’un effondrement « civilisationnel » et la peur de la « submersion migratoire ». Il reste bien loin des valeurs d’humanisme, de respect des droits humains et d’égalité prônées par nos syndicats. C’est pourquoi l’UNSA éducation cherchera toujours à contrer la menace que représente l’extrême-droite pour notre pays.

Article de Terra nova

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