Des loisirs qui éduquent (quand même) mais pas seulement

Il est des termes que l’on utilise comme des évidences, sans les interroger, et qui pourtant ne vont pas forcément de soi. Ainsi en est-il –ou devrait-il en être- de la notion de loisirs éducatifs. Certes, il faut du temps libre pour pouvoir s’instruire et c’est certainement cette nécessité qui a conduit à construire à partir de la même racine étymologique les mots « loisir » et « école ».

Il est des termes que l’on utilise comme des évidences, sans les interroger, et qui pourtant ne vont pas forcément de soi. Ainsi en est-il –ou devrait-il en être- de la notion de loisirs éducatifs. Certes, il faut du temps libre pour pouvoir s’instruire et c’est certainement cette nécessité qui a conduit à construire à partir de la même racine étymologique les mots « loisir » et « école ».

Pour autant, aujourd’hui, c’est dans le temps non contraint que se déroulent les loisirs et pour « les enfants de la scolarité obligatoire », c’est lorsqu’ils quittent leurs « habits d’élèves ». Alors peuvent débuter les activités dites de loisirs. Parmi celles-ci, il faudrait reconnaitre le droit de ne rien faire. Mais, force est de constater, que pour beaucoup d’enfants, c’est plutôt une surenchère d’occupations qui les mobilisent alors : activités culturelles et sportives, animation socioculturelle…

Un autre constat s’impose d’ailleurs lorsque l’on analyse les rapports entre l’école et l’animation. Durant toute une période, certainement débutée sous le Front populaire, prolongée à la Libération et dont la dernière étape fut –même si cette fin mériterait d’être affinée- le Ministère du Temps libre du début des années 1980, les démarches initiées par les mouvements d’éducation populaire ont irriguées l’école. De nombreux instituteurs, militants associatifs, directeurs de colonies de vacances, formateurs d’animateurs utilisaient dans leurs classes des approches actives découvertes dès l’école normale et expérimentées en dehors du champ scolaire.

Presque inversement, ces dernières années sont marquées par une sorte de « scolarisation » des loisirs des enfants. De plus en plus nourris de la culture scolaire, nombre d’animateurs agissent en transmetteur de savoirs. Mais surtout, mobilisé par la lutte contre l’échec scolaire, le temps de loisirs est sollicité –et parfois sommé- de participer au rattrapage des retards dans les acquisitions. Cela se traduit par de l’aide au devoir, du soutien, des « manières d’apprendre en s’amusant » (qui ne sont pas toujours si amusantes que cela…).

Est-ce à dire que le loisir ne devrait pas être éducatif ?

Joffre Dumazedier, père de la sociologie des loisirs et cofondateur du mouvement d’éducation populaire Peuple et culture, identifiait trois fonctions des loisirs, qui se traduisent par les trois D de délassement, divertissement et développement. Temps libre pour la détente des corps et des esprits, le loisir est également une disponibilité pour des découvertes, des rencontres, des émerveillements, des enrichissements intellectuels et sensibles. Cela concerne chacun et pas seulement les enfants.

Les pratiques d’échanges et de mise en réseau, favorisées par les outils numériques et corollées aux difficultés économique, ont également fait du temps libéré, un moment privilégié pour bricoler, construire, cuisiner, créer…en échangeant ses bonnes recettes, ses conseils pratiques, ses « petits trucs »… Autant de partages –souvent réciproques- de savoirs.

Aussi, nous faut-il certainement faire la distinction entre ce, qu’en langage international, on nomme éducation formelle et éducation informelle.
La première a pour objectifs affichés, volonté affirmée et démarche identifiée, le fait d’éduquer. Elle est une institution à la mission éducative reconnue.
Dans la seconde, l’éducation est un plus, un effet induit. Il n’est pas systématiquement recherché, mais est un supplément bienvenu.

Il y a vraisemblablement dans les loisirs de l’éducation formelle et de l’éducation informelle. Nier l’un ou l’autre serait s’enfermer dans une approche sclérosée.
Uniquement éducatifs, les loisirs deviennent une contrainte et un carcan.
Mais ne pas reconnaître leurs apports éducatifs, reviendrait à se priver d’une compréhension de la construction de nos cultures, de nos savoirs, de ce que nous sommes.

Alors que va débuter la période des « grandes vacances », temps de loisirs par excellence, autant s’en inspirer, pour vivre à plein ces moments qui éduquent –quand même- mais pas uniquement.

 

Denis Adam, le 24 juin 2015

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Il est des termes que l’on utilise comme des évidences, sans les interroger, et qui pourtant ne vont pas forcément de soi. Ainsi en est-il –ou devrait-il en être- de la notion de loisirs éducatifs. Certes, il faut du temps libre pour pouvoir s’instruire et c’est certainement cette nécessité qui a conduit à construire à partir de la même racine étymologique les mots « loisir » et « école ».

Pour autant, aujourd’hui, c’est dans le temps non contraint que se déroulent les loisirs et pour « les enfants de la scolarité obligatoire », c’est lorsqu’ils quittent leurs « habits d’élèves ». Alors peuvent débuter les activités dites de loisirs. Parmi celles-ci, il faudrait reconnaitre le droit de ne rien faire. Mais, force est de constater, que pour beaucoup d’enfants, c’est plutôt une surenchère d’occupations qui les mobilisent alors : activités culturelles et sportives, animation socioculturelle…

Un autre constat s’impose d’ailleurs lorsque l’on analyse les rapports entre l’école et l’animation. Durant toute une période, certainement débutée sous le Front populaire, prolongée à la Libération et dont la dernière étape fut –même si cette fin mériterait d’être affinée- le Ministère du Temps libre du début des années 1980, les démarches initiées par les mouvements d’éducation populaire ont irriguées l’école. De nombreux instituteurs, militants associatifs, directeurs de colonies de vacances, formateurs d’animateurs utilisaient dans leurs classes des approches actives découvertes dès l’école normale et expérimentées en dehors du champ scolaire.

Presque inversement, ces dernières années sont marquées par une sorte de « scolarisation » des loisirs des enfants. De plus en plus nourris de la culture scolaire, nombre d’animateurs agissent en transmetteur de savoirs. Mais surtout, mobilisé par la lutte contre l’échec scolaire, le temps de loisirs est sollicité –et parfois sommé- de participer au rattrapage des retards dans les acquisitions. Cela se traduit par de l’aide au devoir, du soutien, des « manières d’apprendre en s’amusant » (qui ne sont pas toujours si amusantes que cela…).

Est-ce à dire que le loisir ne devrait pas être éducatif ?

Joffre Dumazedier, père de la sociologie des loisirs et cofondateur du mouvement d’éducation populaire Peuple et culture, identifiait trois fonctions des loisirs, qui se traduisent par les trois D de délassement, divertissement et développement. Temps libre pour la détente des corps et des esprits, le loisir est également une disponibilité pour des découvertes, des rencontres, des émerveillements, des enrichissements intellectuels et sensibles. Cela concerne chacun et pas seulement les enfants.

Les pratiques d’échanges et de mise en réseau, favorisées par les outils numériques et corollées aux difficultés économique, ont également fait du temps libéré, un moment privilégié pour bricoler, construire, cuisiner, créer…en échangeant ses bonnes recettes, ses conseils pratiques, ses « petits trucs »… Autant de partages –souvent réciproques- de savoirs.

Aussi, nous faut-il certainement faire la distinction entre ce, qu’en langage international, on nomme éducation formelle et éducation informelle.
La première a pour objectifs affichés, volonté affirmée et démarche identifiée, le fait d’éduquer. Elle est une institution à la mission éducative reconnue.
Dans la seconde, l’éducation est un plus, un effet induit. Il n’est pas systématiquement recherché, mais est un supplément bienvenu.

Il y a vraisemblablement dans les loisirs de l’éducation formelle et de l’éducation informelle. Nier l’un ou l’autre serait s’enfermer dans une approche sclérosée.
Uniquement éducatifs, les loisirs deviennent une contrainte et un carcan.
Mais ne pas reconnaître leurs apports éducatifs, reviendrait à se priver d’une compréhension de la construction de nos cultures, de nos savoirs, de ce que nous sommes.

Alors que va débuter la période des « grandes vacances », temps de loisirs par excellence, autant s’en inspirer, pour vivre à plein ces moments qui éduquent –quand même- mais pas uniquement.

 

Denis Adam, le 24 juin 2015