Criminalité dans le porno : le rapport accablant du HCE
Une industrie qui baigne dans l’illégalité
Dans son rapport remis le 27 septembre 2023 à Bérangère Couillard, ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, le HCE rappelle et prouve que dans la pornographie, « des femmes et des filles sont massivement victimes de violences physiques et sexuelles » le plus souvent non consenties. Les actrices subissent des traitements dégradants, aux antipodes de la dignité humaine et même de la loi. Le rapport relève ainsi toutes les infractions visibles dans les vidéos pornographiques disponibles gratuitement sur les quatre méga- plateformes du X : Pornhub, XVideos, Xnxx, Xhamster.
Ainsi 90% des vidéos visionnées montrent des violences physiques, verbales et sexuelles pénalement répréhensibles. Ce chiffre s’explique par le modèle économique de ces plateformes : elles dépendent de la publicité donc des « vues », une course aux clics s’engage et les incite à aller de plus en plus loin dans de telles pratiques. Celles-ci vont du sadisme (humiliation) jusqu’aux actes de torture et de barbarie (viols, souvent en réunion).
La haine est assumée et libérée dans le monde du porno : contre les femmes et contre les minorités. Au nom de la liberté d’expression et de la création artistique, c’est un flot de sexisme (femmes présentées comme des « salopes », classées en catégories « gros seins », « gros cul », soumises à des actes atroces), de racisme (« beurette », « racial domination » sont des mots clés recherchés) et de LGBTphobie (appropriation masculine de la sexualité lesbienne par exemple). Outre les contenus proposés, les commentaires sont à l’avenant, ceux qui regardent prennent du plaisir à voir ces personnes humiliées ou violentées.
Les mineur.es sont aussi les victimes de l’industrie pornographique. En tant que spectateurs et spectatrices d’abord, alors que, depuis 1994, l’exposition des mineur.es à la pornographie est interdite. Depuis 5 ans, cette exposition est passée de 19 à 28%. Selon l’Arcom, le premier visionnage, souvent involontaire, a lieu à 10 ans. On estime que 51% des garçons de 12 ans et plus consomment régulièrement des vidéos pornographiques. Or une consommation excessive a des effets délétères sur ces jeunes en construction : désensibilisation à la violence, rupture empathique, dysfonctionnement sexuels, normes irréalistes pesant sur le corps, etc. De plus, elle « renforce la culture du viol, banalise et augmente la violence sexuelle », ainsi 47% des garçons interrogés estiment que les filles s’attendent à une agression physique pendant un rapport sexuel et 42% qu’elles les apprécient. Et les adolescentes qui regardent du porno sont moins choquées par les violences qu’elles ont tendance à minimiser.
Ensuite et c’est le plus accablant, la pédocriminalité se diffuse facilement sur ces plateformes, notamment via le streaming et la possibilité, pour ceux qui paient, de « commander » des scènes. Le HCE parle d’« explosion d’images et de vidéos pédocriminelle : +6000% en 10 ans.» Or, si tous ceux qui visionnent ce genre d’image ne passent pas forcément à l’acte dans la réalité, tous ceux qui sont passés à l’acte, ont vu ce genre de scène.
Des recommandations pour lutter contre l’impunité
Notre droit pénal condamne sans ambages l’incitation à la haine, la traite d’être humain et la pédocriminalité. Pourtant les plateformes pornographiques ne sont jamais inquiétées alors qu’elles sont parmi les plus visitées. Le rapport pointe les dysfonctionnements qui explique cet état de fait.
Le HCE a fait des tests auprès de la plateforme Pharos, censée lutter contre les contenus illicites sur internet. Aucun des 35 signalements effectués n’a été suivi d’effet. Le HCE insiste aussi sur le fait que l’industrie du porno a développé « une sémantique qui organise le déni sociétal », ce ne serait que du cinéma, de la fiction. Elle met en avant les porno stars qui vantent à tour de médias le bonheur qu’ils et elles ont à tourner des films
Actant le fait que « la législation est ineffective ou inadéquate », avec une « absence totale d’attention aux préjudices causés aux victimes », le HCE fait donc des recommandations.
On vous en cite ici quelques-unes.
- Réaffirmer l’interdiction de la marchandisation de la sexualité.
- Donner le pouvoir à l’ARCOM de bloquer les sites pornographiques ne mettant pas en place un contrôle de l’âge effectif.
- Imposer de lourdes sanctions financières en cas de non-respect de cette obligation.
- Définir de façon claire la pédopornographie. Instaurer d’un droit de retrait simple d’une vidéo X à toute personne victime qui le sollicite.
- Garantir la tenue des trois séances à l’éducation sexuelle affective prévues par l’Éducation nationale, afin de pouvoir aborder des notions comme le consentement.
L’UNSA Éducation soutient les recommandations du HCE. Il n’est pas question de remettre en cause le droit de regarder de la pornographie (sauf pour les mineur.es) mais bien de dénoncer la violence encore très marquée de nombreux contenus. La pornographie reste un marché fait par et pour les hommes : les femmes y sont souvent humiliées, violentées et objectivées. Cela n’est évidemment pas acceptable et tant qu’un porno « éthique » n’existe pas, l’UNSA Éducation rejoint les conclusions du HCE : l’impunité doit cesser et des mesures vraiment coercitives doivent être mises en place afin de protéger les plus fragiles.