COP28, une édition historique… vraiment ?
Le début de la fin des énergies fossiles ?
L’inclusion pour la première fois dans l’histoire des négociations climatiques, d’un appel à « abandonner progressivement les énergies fossiles » (transitioning away, en anglais) dans l’accord final est l’un des faits marquants de la COP28. Bien que moins ambitieux que la sortie complète prônée par une majorité des pays présents, cet engagement représente un pas significatif vers la transition vers des sources d’énergie plus durables. Soulignons l’absence d’un vocabulaire contraignant, cela reste toutefois plus ambitieux que la formulation proposée dans l’avant-dernière version du projet de texte qui mentionnait « une réduction” uniquement. Les pays en développement appellent à une sortie plus rapide des pays développés, soulignant la nécessité d’un leadership exemplaire. Un premier test de cet engagement aura lieu à la COP30 prévue pour 2025 au Brésil lors de la révision des contributions nationales déterminées.
L’accent mis sur les énergies renouvelables, mais…
En corrélation avec l’abandon progressif des énergies fossiles, la COP28 a également acté une augmentation substantielle des capacités d’énergies renouvelables (ENR). Bien que sans objectifs chiffrés, l’accord évoque le triplement des capacités d’ENR et le doublement de l’efficacité énergétique (c’est-à-dire consommer moins d’énergie pour obtenir le même résultat) d’ici 2030. Cependant, on doit noter l’absence de la Chine et de l’Inde, pourtant deux pays bons élèves des ENR, dans la coalition de 123 pays qui se sont engagés sur les ENR et l’efficacité énergétique. Cette absence, en raison de l’usage important du charbon par ces deux pays, vient souligner les défis persistants dans la transition énergétique mondiale.
La concrétisation du fonds pertes et dommages
Une surprise positive de la COP28 a été l’opérationnalisation du fonds “pertes et dommages”, établi lors de la COP27. Ce fonds qui doit aider les pays les plus vulnérables à affronter les dégâts irréversibles du changement climatique doit être opérationnel en 2024. Une victoire pour les pays du Sud qui le réclamaient depuis trente ans. Cependant, bien que des promesses de dons aient été faites, les montants restent largement insuffisants pour répondre aux besoins réels. Le manque de financements dans divers domaines climatiques, comme la transition énergétique, l’adaptation et les pertes et dommages, reste une lacune majeure de cet accord.
L’alimentation au menu des négociations, enfin !
Pour la première fois, l’accord final de la COP28 mentionne l’alimentation et l’agriculture. Lors des négociations une avancée significative a été d’inclure au programme d’une journée ce sujet majeur. Il faut savoir qu’environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) est causé par les systèmes alimentaires. Ainsi, 158 pays ont signé la Déclaration alimentaire des Émirats, s’engageant à intégrer les émissions de ce secteur dans leurs contributions nationales déterminées d’ici la COP30 au Brésil. Cependant, malgré les financements promis et la feuille de route proposée par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) pour aligner le secteur sur l’objectif 1,5°C, des critiques subsistent quant à l’absence de mesures sur la réduction de la consommation de viande et de produits laitiers, misant plutôt sur des solutions technologiques.
L’échec d’un accord sur les marchés carbone
Malgré les espoirs, la COP28 n’a pas abouti à un accord sur les règles encadrant les marchés carbone conformément à l’article 6 de l’Accord de Paris instaurés lors de la COP21. Les marchés carbone sont censés permettre l’échange de crédits carbone entre deux pays ou entre un pays et une entreprise. Dans le premier cas, un pays qui a dépassé ses objectifs de réduction d’émissions de GES pourrait vendre son excédent à un pays qui n’y est pas parvenu. Dans le second cas, un porteur de projet de compensation carbone soumettra sa candidature à l’organe de contrôle des Nations-Unies. Si le projet est jugé conforme, ces crédits carbone dits « autorisés » pourront être vendus à un autre pays, une entreprise ou une personne pour compenser ses émissions de GES.
Les États-Unis, le groupe LMDC (Like Minded-Group of Developing Countries, c’est-à-dire un groupe de pays qui s’unissent lors des négociations et qui représente environ 50% de la population mondiale, avec entre autres la Chine, l’Inde, la Bolivie et les pays arabes), et d’autres ont conduit au rejet du texte en le vidant de tout aspect contraignant. Les options sur la table n’étaient plus assez ambitieuses. Plusieurs pays et acteurs du secteur privé misent déjà sur ces marchés carbone et ont déjà conclu des accords préliminaires. Il faudra attendre a minima l’année prochaine et la COP29 prévue en Azerbaïdjan pour espérer trouver un terrain d’entente sur le sujet.
En conclusion, la COP28 a abouti à un accord historique visant à abandonner progressivement les énergies fossiles, mais des lacunes importantes subsistent, notamment en matière de financement et d’objectifs chiffrés. L’UNSA Éducation partage le bilan en demi-teinte du secrétaire général de l’ONU, António Guterres. À l’issue de la COP28, ce dernier a tenu à tancer “ceux qui se sont opposés à une référence claire à l’élimination progressive des combustibles fossiles dans le texte de la COP28, je tiens à dire qu’une élimination progressive des combustibles fossiles est inévitable, qu’ils le veuillent ou non. Espérons que cela n’arrive pas trop tard”.
Nous l’espérons aussi, car l’urgence climatique est là, mais malheureusement la prise de conscience collective n’est pas partagée par l’ensemble des habitant·es de la Terre. Notre fédération milite pour une transition écologique soutenable et juste, c’est pourquoi informer et former sur ces sujets est essentiel.
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