Conflit au Moyen-Orient : ni remise en question de la liberté académique dans les universités, ni instrumentalisations politiques

Parti de l’Université de Columbia, un mouvement étudiant s’installe dans les universités européennes et françaises pour protester contre la guerre entre Israël et le Hamas. Parmi les établissements français, Sciences-Po Paris est celui où ces manifestations ont été les plus médiatisées, notamment à cause des interventions directes du Premier ministre et de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Plusieurs paramètres rendent la période confuse. Tout d'abord, la complexité propre à la géopolitique du Moyen Orient ; ensuite les spécificités de franchises universitaires et de liberté académique qui sont souvent mal comprises. À cela se superpose un opportunisme déplacé de certaines femmes et hommes politiques mais aussi des dérives antisémites et racistes.

L’UNSA Éducation souhaite donc rappeler le fondement de certains principes qui soutiennent l’enseignement supérieur pour mieux les défendre, mais aussi redire son intransigeance absolue face à l’antisémitisme et au racisme.

La liberté académique n’est pas un totem ni un principe d’immunité arbitraire qui conférerait aux universitaires la possibilité de déroger d’une manière excessive au droit. La liberté académique est garantie comme principe fondamental par le Conseil constitutionnel qui affirme dans sa décision du 20 janvier 1984 que “par leur nature même, les fonctions d’enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables”. C’est parce que les activités de recherche et d’enseignement requièrent la liberté d’être conduites par les universitaires indépendamment de toute influence externe que la liberté académique est un principe essentiel. Par ce principe, la société s’assure ainsi, dans son propre intérêt et pour son propre bénéfice, que la recherche sera optimale. Pour autant, la liberté académique est bordée, à la fois par la loi mais aussi par la déontologie et l’intégrité scientifique. Fort logiquement, les universitaires ont, notamment, à répondre devant la loi s’ils tiennent des propos racistes, antisémites, révisionnistes ou diffamants. La franchise universitaire, qui consiste à encadrer de façon plus stricte l’intervention et/ou la présence des forces de l’ordre, est à rapprocher de cette assurance de liberté donnée aux universitaires pour mener leurs activités comme la science le commande. Par cette franchise universitaire, les forces de l’ordre ne peuvent pénétrer l’enceinte d’un établissement sans l’accord de sa présidence.

La liberté académique est pourtant régulièrement questionnée, voire attaquée. En particulier, et de plus en plus, lorsque les universitaires souhaitent débattre et exposer le résultat de leurs travaux en lien avec des sujets politiques sensibles ; et le conflit israélo-palestinnien en est un éminent. Ainsi, ces derniers mois, on a par exemple pu voir, d’un côté, l’annulation dans des universités de conférences de scientifiques en lien avec la situation géopolitique du Moyen Orient, de l’autre, une proposition récente de résolution de député·es (groupe Horizons et apparentés) pour demander une commission d’enquête relative au respect des valeurs de la République et du pluralisme dans l’enseignement supérieur afin de lutter contre le wokisme dans les universités. Il est normal que le débat scientifique puisse bousculer les opinions et déranger par les faits qu’il met en lumière. La science n’avance d’ailleurs que dans une confrontation des travaux des chercheur·es. Cependant, on ne peut opposer des opinions aux résultats de la recherche, quand bien même ils dérangent. La contradiction ne peut se faire qu’au même niveau de rigueur et d’exigences scientifiques. Il est donc nécessaire que les débats scientifiques se tiennent et que des conférences de chercheur·es puissent avoir lieu, quel que soit le sujet dès lors que les obligations déontologiques et d’intégrité scientifique sont respectées.

Malgré cela, il est illusoire de penser l’Université complètement étanche aux maux de la société et racisme et antisémitisme s’y manifestent actuellement. L’UNSA Éducation considère comme totalement inconcevable, dans une récupération idéologique bien éloignée de la science, que des faits ou des propos relevant de l’antisémitisme puissent se tenir au sein des établissements. L’UNSA Éducation condamnera toujours, et avec la plus grande des fermetés, toutes manifestations d’antisémitisme et de racisme dans notre société et, a fortiori, dans l’enseignement supérieur.

L’UNSA Éducation se voit également dans l’obligation de dénoncer fermement les appels aux boycotts qui viseraient l’ensemble des universités israéliennes sans aucune nuance, sans aucune distinction. On peut juger comme juste de cesser toutes coopérations avec des établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui soutiendraient directement le complexe militaro-industriel israélien ou de la politique du gouvernement Netanyahu, mais le boycott généralisé et absolu des universités, au seul motif qu’elles sont israéliennes, n’a strictement aucun sens. Comment prôner d’un côté le rôle central des universités pour l’émancipation des peuples (elles étaient d’ailleurs le fer de lance de l’opposition à Netanyahu), pour leur apport à la compréhension de la complexité du monde et pour les possibilités de mixité et de vivre ensemble qu’elles incarnent, en particulier en Israël, et de l’autre vouloir indistinctement les marginaliser ?

Plus que jamais, la coopération scientifique et universitaire internationale doit être soutenue et encouragée.

Cela implique aussi la condamnation la plus sévère de la destruction des écoles et universités de Gaza par l’armée israélienne, en violation totale du droit international. La destruction du système éducatif gazaoui, en plus de relever d’un crime de guerre, ne peut que renforcer l’obscurantisme du Hamas. La communauté internationale, notamment les pays européens et la France tout particulièrement, doivent accueillir en urgence les personnels universitaires gazaouis en exil. De même, ces pays doivent non seulement autoriser, mais également favoriser et accompagner, la poursuite d’études de tous les étudiantes et étudiants des établissements de Gaza qui en manifesteront le besoin.

 

 

 

 

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