Confiance et bienveillance

Tel est le titre et les mots clés du rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour l’année 2015 qui vient de paraître. Cette demande de confiance et de bienveillance constitue pour lui « deux « matériaux » qui contribuent au ciment de l’École et à la reconnaissance de la qualité de son service à la Nation ». Ils émanent tant de ses réflexions (celles en fait du médiateur national, de ses collaborateurs et de l’ensemble des 49 médiateurs académiques) que des saisines qui lui ont été adressées.

Tel est le titre et les mots clés du rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour l’année 2015 qui vient de paraître. Cette demande de confiance et de bienveillance constitue pour lui « deux « matériaux » qui contribuent au ciment de l’École et à la reconnaissance de la qualité de son service à la Nation ». Ils émanent tant de ses réflexions (celles en fait du médiateur national, de ses collaborateurs et de l’ensemble des 49 médiateurs académiques) que des saisines qui lui ont été adressées.


Il n’est pas neutre que ce soient ces deux notions qui retiennent l’attention de l’univers scolaire, alors le système éducatif montre ses limites et ses incapacités à remplir ses missions et que ses usagers –les élèves et leurs familles- comme les professionnels de l’Éducation s’interrogent.


Sans vouloir jouer les cassandres, ni participer à la curée de ceux qui sont toujours plus prompts à dénoncer qu’à proposer et à critiquer qu’à construire, force est de constater que trop souvent encore l’école, l’université, le système scolaire et universitaire souffre d’un défaut de confiance et de bienveillance.


Prenons comme exemple ce qui vient de se passer ces derniers jours pour l’académie de Guyane. À grand renfort de communication il a été annoncé que l’ensemble du territoire guyanais -à l’exception d’un collège- au vue de la situation sociale, économique, culturelle, scolaire, serait entièrement classé en éducation prioritaire renforcée (REP +) à la rentrée 2016. Tout avait été travaillé (des dotations des établissements en heures d’enseignements à l’affichage des postes dans le mouvement intra…). Or l’arrivée d’un nouveau recteur s’appuyant sur la cartographie nationale des REP et REP + arrêtée en 2014, est venue tout remettre en cause, décrivant la nouvelle stratégie par ces mots : « Contrairement à ce qui a été annoncé…. ». Ainsi la parole d’un recteur pourrait, deux ans après, remettre en question la parole du recteur précédent. Ces hauts fonctionnaires n’engagent-il pas le ministère et donc la ministre de l’éducation nationale dans leurs décisions, surtout lorsque celles-ci ne sont à aucun cas démenties ou réinterrogées ? Durant tout un temps, il a semblé que non. Quelle confiance alors faire aux annonces ministérielles ? Quelle bienveillance trouver dans la manière de mal traité un territoire déjà si fragilisé ? Il aura fallu l’intervention des élus, la mobilisation des familles, l’intervention de l’intersyndicale UNSA Education – FSU – SGEN CFDT, pour qu’enfin la ministre annonce hier soir devant la représentation nationale l’application des mesures portées par le premier recteur et donc le classement en REP + de l’ensemble de la Guyane.


Il était temps.


Pourquoi avoir tant hésité, laissé monter la pression, permettre au doute de s’instaurer, faire la place belle au sentiment de malveillance ?

Cette attitude est d’autant plus paradoxale qu’elle est à contre-courant de l’esprit qui anime la refondation de l’Ecole de la République et qui postule confiance et bienveillance en faveur des élèves comme des personnels.


12 % des requêtes adressées au médiateur par les personnels concerne l’organisation du travail et les relations professionnelles. « Le sujet n’est pas mineur » constate le rapport de manière euphémistique qui voit là un indicateur qui clignote « comme une alerte et témoigne d’incompréhensions sinon de mal-être » et qui poursuit « ceux sur lesquels s’appuie l’École pour faire « grandir » les élèves doivent avoir confiance en elle et se sentir sécurisés. L’École doit savoir écouter la souffrance qu’induit l’exercice d’un métier d’autant plus difficile qu’il subit de profondes mutations, en rupture avec la culture scolaire qui imprègne ceux qui l’exercent. Il faut admettre qu’à côté de réussites remarquables et enthousiasmantes, des maux douloureux ne trouveront leur guérison que dans une écoute attentive et un accompagnement soutenu. »


Cela est d’autant plus important qu’aucun changement profond n’aura lieu dans l’Ecole sans l’adhésion, et au-delà sans l’implication des personnels, de tous les personnels.


« La bienveillance que l’École doit à ses élèves, elle la doit aussi à ses agents », affirme le médiateur. Ajoutons que la confiance que l’École met dans l’éducabilité de tous les élèves, elle doit aussi la développer dans la reconnaissance du professionnalisme de tous ses personnels. Ce sont là des conditions indispensables pour rénover l’École et lui donner la capacité de répondre à sa mission d’émancipation de toutes et tous.


Le rapport insiste sur l’affectation des personnels et les risques psycho sociaux, mais précise que cela « ne peut pas être lu comme une limitation des champs de progrès en matière de GRH à ces deux seuls objets ». Il interroge également la question du remplacement des professeurs absents et celle de la formation en ESPé dont la place du concours.


Si de véritables soucis pèsent sur la gestion des enseignants, c’est plus globalement l’ensemble de la politique de GRH de tous les personnels que le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur doit moderniser, adapter, développer afin de mieux mettre en œuvre la confiance et la bienveillance qu’il doit à tous ses personnels.


Il reste encore dans ce domaine bien du chemin à parcourir.


Denis ADAM, le 25 mai 2016

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Tel est le titre et les mots clés du rapport du médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour l’année 2015 qui vient de paraître. Cette demande de confiance et de bienveillance constitue pour lui « deux « matériaux » qui contribuent au ciment de l’École et à la reconnaissance de la qualité de son service à la Nation ». Ils émanent tant de ses réflexions (celles en fait du médiateur national, de ses collaborateurs et de l’ensemble des 49 médiateurs académiques) que des saisines qui lui ont été adressées.


Il n’est pas neutre que ce soient ces deux notions qui retiennent l’attention de l’univers scolaire, alors le système éducatif montre ses limites et ses incapacités à remplir ses missions et que ses usagers –les élèves et leurs familles- comme les professionnels de l’Éducation s’interrogent.


Sans vouloir jouer les cassandres, ni participer à la curée de ceux qui sont toujours plus prompts à dénoncer qu’à proposer et à critiquer qu’à construire, force est de constater que trop souvent encore l’école, l’université, le système scolaire et universitaire souffre d’un défaut de confiance et de bienveillance.


Prenons comme exemple ce qui vient de se passer ces derniers jours pour l’académie de Guyane. À grand renfort de communication il a été annoncé que l’ensemble du territoire guyanais -à l’exception d’un collège- au vue de la situation sociale, économique, culturelle, scolaire, serait entièrement classé en éducation prioritaire renforcée (REP +) à la rentrée 2016. Tout avait été travaillé (des dotations des établissements en heures d’enseignements à l’affichage des postes dans le mouvement intra…). Or l’arrivée d’un nouveau recteur s’appuyant sur la cartographie nationale des REP et REP + arrêtée en 2014, est venue tout remettre en cause, décrivant la nouvelle stratégie par ces mots : « Contrairement à ce qui a été annoncé…. ». Ainsi la parole d’un recteur pourrait, deux ans après, remettre en question la parole du recteur précédent. Ces hauts fonctionnaires n’engagent-il pas le ministère et donc la ministre de l’éducation nationale dans leurs décisions, surtout lorsque celles-ci ne sont à aucun cas démenties ou réinterrogées ? Durant tout un temps, il a semblé que non. Quelle confiance alors faire aux annonces ministérielles ? Quelle bienveillance trouver dans la manière de mal traité un territoire déjà si fragilisé ? Il aura fallu l’intervention des élus, la mobilisation des familles, l’intervention de l’intersyndicale UNSA Education – FSU – SGEN CFDT, pour qu’enfin la ministre annonce hier soir devant la représentation nationale l’application des mesures portées par le premier recteur et donc le classement en REP + de l’ensemble de la Guyane.


Il était temps.


Pourquoi avoir tant hésité, laissé monter la pression, permettre au doute de s’instaurer, faire la place belle au sentiment de malveillance ?

Cette attitude est d’autant plus paradoxale qu’elle est à contre-courant de l’esprit qui anime la refondation de l’Ecole de la République et qui postule confiance et bienveillance en faveur des élèves comme des personnels.


12 % des requêtes adressées au médiateur par les personnels concerne l’organisation du travail et les relations professionnelles. « Le sujet n’est pas mineur » constate le rapport de manière euphémistique qui voit là un indicateur qui clignote « comme une alerte et témoigne d’incompréhensions sinon de mal-être » et qui poursuit « ceux sur lesquels s’appuie l’École pour faire « grandir » les élèves doivent avoir confiance en elle et se sentir sécurisés. L’École doit savoir écouter la souffrance qu’induit l’exercice d’un métier d’autant plus difficile qu’il subit de profondes mutations, en rupture avec la culture scolaire qui imprègne ceux qui l’exercent. Il faut admettre qu’à côté de réussites remarquables et enthousiasmantes, des maux douloureux ne trouveront leur guérison que dans une écoute attentive et un accompagnement soutenu. »


Cela est d’autant plus important qu’aucun changement profond n’aura lieu dans l’Ecole sans l’adhésion, et au-delà sans l’implication des personnels, de tous les personnels.


« La bienveillance que l’École doit à ses élèves, elle la doit aussi à ses agents », affirme le médiateur. Ajoutons que la confiance que l’École met dans l’éducabilité de tous les élèves, elle doit aussi la développer dans la reconnaissance du professionnalisme de tous ses personnels. Ce sont là des conditions indispensables pour rénover l’École et lui donner la capacité de répondre à sa mission d’émancipation de toutes et tous.


Le rapport insiste sur l’affectation des personnels et les risques psycho sociaux, mais précise que cela « ne peut pas être lu comme une limitation des champs de progrès en matière de GRH à ces deux seuls objets ». Il interroge également la question du remplacement des professeurs absents et celle de la formation en ESPé dont la place du concours.


Si de véritables soucis pèsent sur la gestion des enseignants, c’est plus globalement l’ensemble de la politique de GRH de tous les personnels que le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur doit moderniser, adapter, développer afin de mieux mettre en œuvre la confiance et la bienveillance qu’il doit à tous ses personnels.


Il reste encore dans ce domaine bien du chemin à parcourir.


Denis ADAM, le 25 mai 2016