Concertation sur l’enseignement français à l’étranger : points de consensus et sujets de vigilance
Nous avons représenté l’UNSA Éducation lors de la journée de concertation consacrée au plan de développement de l’enseignement français à l’étranger (EFE). Ce séminaire d’une journée était organisé par le ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères le 20 Mai 2019.
Notre appréciation générale sur le contenu et les conclusions de cette journée est de la juger plutôt réussie, en ce qu’elle a permis de dégager un consensus majeur sur la question des moyens publics : l’ensemble des acteurs qui se sont exprimés sont favorables à un financement complémentaire du réseau et jugent l’emploi de fonctionnaires formés comme l’alpha et l’omega du développement de demain.
Nous ne sommes cependant pas naïfs : l’absence remarquée des représentants du ministère des finances à ce séminaire montre que les arbitrages se passeront ailleurs. Il reviendra au Président de la République de faire des annonces budgétaires à la hauteur après qu’il ait tracé une ambition élevée pour l’enseignement français à l’étranger avec le doublement des effectifs.
Organisations et partenaires présents :
Les principales organisations syndicales, les parents (FAPEE, FCPE) , les élus (sénateurs, députés des français de l’étrangers), des représentants de l’AEFE, de la DGM et de la MLF, des partenaires privés, des investisseurs, des experts du MEN et du MEAE.
Déroulé de la journée et interventions de l’UNSA Éducation :
L’introduction a été faite par le secrétaire d’état Jean-Baptiste Lemoyne qui après avoir repris les principaux éléments de la feuille de route de la réforme, a indiqué que le problème des renouvellements de détachement était presque résolu. Une annonce que nous avons jugée surprenante puisqu’il reste une vingtaine de dossiers de détachement en souffrance au niveau du ministère.
Élément plus positif en revanche, nous avions pu nous exprimer le 6 mai dernier lors d’une concertation avec le secrétaire d’État pour rappeler nos lignes rouges, comme sur la gouvernance parentale qui ne peut déborder sur certains sujets (Recrutements, immobilier), ce que le ministre semble avoir intégré dans son propos du jour.
S’en est suivi une présentation de l’organisation des travaux par Laurence Auer (Direction de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau). L’objectif annoncé clairement était d’intégrer de nouvelles idées et de faire des propositions complémentaires à celles présentes dans le rapport des Inspecteurs généraux et dans la feuille de route.
Rappelons les intitulés des quatre ateliers proposés :
- Conduire l’expansion d’une offre éducative de qualité
- Consolider le rôle de l’AEFE en matière d’appui au développement du réseau
- Valoriser le modèle de l’enseignement français à l’étranger en renforçant l’attractivité de l’offre pédagogique
- Adapter le développement aux enjeux locaux et aux besoins des familles
Notre fédération était représentée dans les deux premiers ateliers.
Dans le premier atelier, 3 axes de réflexion ont été abordés :
- modèle des établissements
- pilotage stratégique du développement du réseau
- une ressource humaine limitée
Sur ce dernier point, l’ensemble des participants ont rappelé l’importance de disposer d’enseignants titulaires.
Pour l’Unsa, il est nécessaire de veiller au respect du statut des fonctionnaires et il n’est pas acceptable que ces personnels souffrent dans certains pays de conditions sociales moins bonnes qu’en France.
Il y a également convergence sur la nécessité d’une charte de bonne conduite entre les établissements sur un même bassin pour ne pas piller la ressource humaine et destabiliser des établissements existants.
La question des moyens a été soulevée clairement par l’inspectrice générale Maryse Bossière, le réseau ne pouvant s’accroître qu’avec une ressource humaine suffisante. Le sénateur Yung a en particulier rappelé que doubler le nombre d’élèves devait passer par un doublement du nombre de titulaires. Il faut également accompagner le développement immobilier par des moyens publics et privés au sein de ce réseau qui est essentiellement auto-financé.
Les représentants du MEN ont indiqué que l’élargissement du réseau passait aussi par le développement des filières technologiques et professionnelles en s’appuyant sur les quelques expériences existantes.
Dans l’atelier 1,
nous avons rappelé la nécessité d’associer les organisations syndicales dans les choix stratégiques de l’AEFE et des établissements car nous connaissons le réseau.
Nous avons insisté sur notre refus d’une homologation au rabais sous quelque forme que ce soit. Nous avons émis aussi un avis négatif contre une homologation probatoire.
Il est également pour nous inacceptable que des investisseurs privés dans l’éducation demandent des facilitations et des garanties pour réduire les risques financiers. Les risques doivent être assumés par les groupes privés comme dans tout projet économique.
Nous avons également mis en garde contre le recours à des contractuels formés spécifiquement pour l’EFE. Le fonctionnariat reste pour notre fédération de syndicats de l’éducation une priorité.
Voici les recommandations formulées par ce premier atelier :
- Préserver le réseau existant des EGD et des conventionnés qui doit pouvoir assurer sa part de développement de l’EFE
- Donner de la souplesse aux EGD dont ils ne disposent pas actuellement
- Les établissements partenaires doivent pourvoir disposer de plus de visibilité et de transparence de la part de l’État
- Le Pilotage stratégique doit tenir compte des contextes locaux
- Réguler la concurrence en terme de RH (via une sorte de Gentleman Agreement-)
- permettre un développement de l’immobilier par un dispositif ANEFE ou analogue
Nous avons insisté sur la prise en compte du problème des pensions civiles qui plombe le budget de l’agence et empêche potentiellement tout développement futur si ce sujet majeur est éludé.
Si des points de consensus ont émergé, si nos réserves sont affichées dans la clarté sur certains sujets majeurs, une ambiguïté demeure au terme d’une journée riche et particulièrement suivie par l’ensemble des acteurs de l’enseignement français à l’étranger :
Est-ce réellement les nouveaux élèves des filières françaises à l’étranger qui seront décomptés au titre de l’objectif du doublement d’élèves ? Ou alors l’élargissement de « l’assiette » de décompte intégrera t-elle simplement les élèves dans les filières bi-bac (Abibac, Bachibac,… ) dans les lycées étrangers des pays concernés pour augmenter les chiffres ?
Les artifices de communication ne peuvent tromper personne, c’est d’un réel effort de moyens publics au service d’un objectif éducatif ambitieux dont nous avons besoin.