Climat scolaire : l’IGESR met en évidence une nécessité de formation des personnels pour apporter une réponse plus efficace

Les chiffres sont têtus. Le climat scolaire se dégrade au regard des statistiques. D’autant que les enquêtes nationales mises en place depuis 2011 dans les écoles et établissements scolaires ont permis « de faire progresser la connaissance de la réalité des faits de violence ». Les micro-violences (harcèlement et cyberharcèlement, insultes, discriminations) gagnent chaque année du terrain ; ce sont désormais 50 % des filles et 35 % des garçons au collège qui se disent victimes d’ostracisme, et 34 % des collégiens se sentent moqués pour leur comportement ou leur travail en classe selon l’enquête de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) de 2022. Et les données de l’enquête Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire (SIVIS) indiquent un doublement des faits graves et un triplement des faits d’une extrême gravité en cinq ans.
Pour autant, des mesures ont été prises, notamment à travers le déploiement du programme pHARe. Celui-ci est estimé comme étant « un dispositif peu lisible mais dont l’action est appréciée et l’efficacité perfectible » note l’inspection générale, qui reconnaît dans la volonté d’agir contre les violences scolaires « une tension entre une approche de fermeté et la nécessité de proposer une réponse éducative équilibrée misant sur la prévention ».
Le rapport propose ainsi plusieurs tableaux où sont répertoriés des taux d’efficacité perçus par les répondants quant à la prévention et au traitement des incidents, données tirées d’une enquête auprès de plus de 1033 personnels ressources harcèlement des 1er et 2nd degrés dans 6 académies de mars à mai 2024.
Pour ce qui est de la prévention, ce sont 20 actions répertoriées : « la veille/le dialogue scolaire » demeure la solution les plus efficace (utilisée à 80 % et estimée efficace ou très efficace à près de 86%) alors que « la sensibilisation des élèves avec leurs parents au harcèlement et à ses enjeux », utilisée à 63 %, apparaît moyennement efficace dans 44 % des cas (la sensibilisation des élèves seuls apparaît plus efficace de 10 points).
La formation des élèves à des méthodes d’auto-défense verbale, la formation d’élèves sentinelles et le jeu d’évasion harcèlement (Escape game) sont peu utilisés (moins de 13 %) mais jugés relativement efficaces de 53 % à 67 %.
La création d’affiches est fortement utilisée (74 %) mais jugée moyennement efficace (44 %) ; le théâtre forum, à l’inverse, est peu mis en œuvre (23 % des cas) mais produit de bons résultats (61 % d’efficacité). Parmi les autres bons taux d’efficacité, sont citées les méthodes suivantes : l’animation d’un espace de parole (72 %), les référents adultes à qui parler (67 %), le témoignage d’élèves et d’anciens élèves harcelés (66%).
La médiation par les pairs est également appréciée (60 % d’efficacité) tout comme les formations des élèves à la communication non violente et aux compétences psycho-sociales (58 % d’efficacité).
Concernant le traitement des situations, le rapport de l’inspection générale distingue deux cas de figure : les situations de (cyber)harcèlement récentes (quelques semaines) et celles existant depuis plusieurs mois. A comparer les données des deux tableaux, il s’avère que, lorsque l’incident est traité au plus près de son déclenchement, il est systématiquement plus efficace.
Les traitements les plus efficaces auprès des personnels sondés sont : l’écoute active uniquement avec la victime (91 % d’efficacité), l’écoute active avec chaque protagoniste (85 %), le cercle de justice restaurative (84%), l’écoute active uniquement avec les témoins (80 %), la méthode de préoccupation partagée (80%). Les moins efficaces sont : la punition/sanction (61%), la commission éducative (55%), la boîte aux lettres avec entretien (48%).
Outre le volet harcèlement, la mission d’inspection générale s’est attardée à l’insécurité psychologique des collégiens et lycéens, en capitalisant sur les nombreux entretiens réalisés avec des groupes d’élèves lors des visites d’établissement. Si aucune statistique ne vient caractériser le rendu de ces temps de parole, l’inspection générale apporte plusieurs éléments de ressenti. Ainsi, la question de l’évaluation est posée, encore majoritairement « associée [par les élèves] à une forme de pression, de sanction et non comme un moyen de progresser », malgré l’évolution des pratiques de très nombreux enseignants.
« Or, ce rapport des élèves à l’évaluation devient plus difficile encore, car plus anxiogène, lorsque vient s’ajouter l’enjeu de l’orientation. Les lycéens rencontrés, notamment ceux scolarisés en voie générale ou technologique, témoignent d’un stress permanent en lien avec les notes », indique l’inspection générale. Qui ajoute encore que « plusieurs élèves ont confié se sentir « addicts » à ProNote ».
Du côté du sentiment d’insécurité des enseignants, le rapport évoque « une appréhension d’aller au travail [qui] se développe chez un nombre croissant d’entre eux » du fait de l’accroissement des agressions verbales de parents, de la dégradation du climat scolaire et d’une augmentation des contestations d’enseignements, notamment pour des motifs confessionnels. Selon une enquête Ifop réalisée en décembre 2022 auprès d’un échantillon de 1000 enseignants des 1er et 2nd degrés, l’autocensure enseignante est passée de 36 % en 2020 à 56 %. Une note de la DEPP de mars 2023 « confirme que 27,3 % des directeurs d’école et des enseignants du 1er degré déclarent avoir été victimes de refus ou de contestation d’enseignement » (dont 78 % par des parents d’élèves).
En fin de rapport, l’inspection générale propose quatre priorités d’action pour installer un climat relationnel de confiance et de sécurité :
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Faire de l’éducation au respect une priorité absolue
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Renforcer le soutien aux équipes éducatives
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Favoriser l’engagement des élèves et des équipes dans des dynamiques collaboratives et renforcer le sentiment d’appartenance
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Développer une double alliance éducative, avec les élèves comme avec les parents
Ce sont 16 recommandations précises qui en découlent, qu’on peut catégoriser ainsi :
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un travail renforcé sur l’information législative, depuis les textes officiels et leur information jusqu’à des chartes intérieures à élaborer
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le développement d’outils de traitement du harcèlement déjà expérimentés qui ont fait leur preuve (comme la méthode de préoccupation partagée)
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en matière préventive et pédagogique, le développement de groupes de parole, d’activités collaboratives autour du théâtre, des compétences langagières etc…
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la formation des personnels et parents, qu’il s’agisse d’une meilleure connaissance du phénomène de violence scolaire et des pratiques permettant de s’en tenir éloigné, de la veille et de la détection des incidents, de l’écoute active et du dialogue avec les adolescents, de l’instauration de pédagogies collaboratives, de l’accompagnement au niveau managérial par les Perdir (5 recommandations pour ce seul item de la formation).
L’UNSA Éducation prend acte de ce rapport panoramique sur les violences et l’insécurité scolaires et admet la nécessité d’une réponse rapidement améliorée des actions de prévention et de traitement des situations afin d’assurer à toutes et tous, élèves, personnels éducatifs et non éducatifs au sein des écoles et établissements un climat apaisé et serein favorisant les apprentissages. Sans ce contexte propice au vivre et apprendre ensemble, les conditions d’égalité des chances d’une éducation qui s’adresse à chacun·e ne peuvent être pleinement assurées.
Toutefois, pour que cette ambition proclamée soit suivie d’effets et de résultats, il semble plus qu’urgent de rendre possible l’effort de formation préconisé par un quart des recommandations de l’inspection générale. Les collectifs de formation comme les initiatives de formation individuelle sur ce sujet du climat scolaire ne doivent donc souffrir d’aucun frein ni blocage, au regard d’autres dispositifs qui les contraignent et les empêchent actuellement (groupes de niveau, plan math-français, remplacement de courte durée). L’amélioration du climat scolaire est un enjeu national, rappelle le titre du rapport de mission. Pour l’UNSA Éducation, cet enjeu est donc une priorité absolue.