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Agir au Proche-Orient par l’Éducation

Les massacres et les prises d’otages perpétrés par l’organisation terroriste Hamas le 7 octobre 23 ont été le point de départ d’une escalade dont le Proche-Orient n’arrive pas à sortir. Régulièrement hors des conventions du droit des conflits armés et du droit humain international, l’armée israélienne, en réponse aux horreurs du 7 octobre, a attaqué sans discernement la bande de Gaza. On y dénombre désormais avec effroi plus de 33 000 morts et 77 000 blessés [1] . Ces victimes sont très majoritairement des civils.

Après plus d’un an de ce conflit armé, le système d’éducation et d’enseignement supérieur de la bande de Gaza est totalement dévasté. Selon les Nations Unies et ses experts, dès avril dernier, près de 80% des écoles de Gaza étaient considérées comme détruites ou endommagées [2]. Les 12 universités de l’enclave palestinienne ont été très durement touchées, voire totalement détruites, et au moins 3 de leur président et une centaine de leurs doyens ont été tués [3].

Face à ces faits, les Nations Unies évoquent un scholasticide, terme qui désigne la destruction générale et volontaire du système éducatif d’une région ou d’un pays. Ainsi, les actes de destruction de l’armée israélienne, sous la responsabilité politique directe du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu, sont constitutifs des “six graves violations” identifiées par la résolution de 1999 des Nations Unies portant sur les enfants et conflits armés.

L’action politique et diplomatique de l’Union Européenne, et au premier rang, celle de la France, doit être à la hauteur de la gravité de la situation. Il est urgent, d’une part, d’obtenir enfin un cessez-le-feu et d’éviter l’embrasement généralisé du Proche-Orient et, d’autre part, de ramener les belligérants sur la voie de la paix et de la solution à deux États. Dans ce contexte, l’Europe ne peut qu’admettre son impuissance actuelle à peser sur les négociations. Ce constat alarmant doit être à la base d’une nouvelle stratégie diplomatique et d’une volonté accrue d’agir.

À ce jour, il va de soi que la première des actions est de rendre pleine et effective l’aide humanitaire à l’intérieur de la bande de Gaza. Elle seule peut dans l’urgence garantir la prise en compte des besoins fondamentaux des enfants. Si leur éducation peut sembler annexe tant l’accès à la nourriture et aux soins sont des priorités évidentes, nous affirmons aussi que les enfants d’un pays en guerre ne peuvent attendre la paix et la reconstruction pour avoir accès à l’école.

Ainsi, pour l’UNSA Éducation, au Proche-Orient comme partout dans le monde, l’Éducation reste la clé de tout futur désirable. Sans Éducation, les fascistes et les fondamentalistes religieux, trouveront toujours un terreau de ressentiment et de haine pour les nourrir. L’Union Européenne pourrait donc agir en privilégiant et orientant ses actions diplomatiques en faveur du droit à l’éducation de tous les peuples du Proche- et Moyen-Orient. La jeunesse gazaouie doit indiscutablement être la priorité et les actions doivent être envisagées en deux phases, celle de l’urgence et celle du long terme.

Dans l’immédiat, l’Europe et la France pourraient donc permettre à tous les étudiantes et étudiants de la bande de Gaza de trouver refuge en étant accueillis dans les universités européennes et françaises le temps que durera la reconstruction de Gaza. Avant le conflit, on dénombrait près de 90 000 étudiantes et étudiants dans la bande de Gaza. Les alliances européennes d’universités [4] seraient à elles seules largement en capacité d’admettre ces jeunes dans leurs cursus afin qu’ils y poursuivent leur formation. En effet, une répartition homogène sur les 560 établissements de ces alliances, en considérant tous les étudiantes et étudiants gazaouis, conduirait à recevoir moins de 200 jeunes par établissement. Les pays européens sont de leur côté en capacité matérielle de proposer des solutions d’hébergement et de bourses pour accueillir ces jeunes qui ne seraient que quelques milliers dans chaque État. La même démarche doit être entreprise pour les personnels des universités et leur famille afin qu’ils puissent rejoindre l’Europe et poursuivre leurs activités au sein de nos établissements. Les conditions administratives pour faire venir en Europe l’ensemble de ces Palestiniennes et Palestiniens devront être assouplies pour tenir compte de la situation actuelle de la bande de Gaza dont toute l’infrastructure administrative a été détruite.

S’il est possible d’envisager de faire sortir les étudiant·es du territoire de la bande de Gaza, ce n’est évidemment pas le cas pour les enfants. Des solutions nouvelles doivent donc être imaginées pour leur permettre d’avoir accès à l’éducation. Sur le modèle des bateaux-hôpitaux, des navires aménagés en écoles pourraient par exemple être déployés sur les côtes afin de pouvoir y accueillir les enfants gazaouis, ne serait-ce que quelques heures dans la semaine. Des structures préfabriquées et modulaires, transportées depuis l’Europe, pourraient aussi être mises en œuvre sur le terrain pour rebâtir au plus vite des lieux d’enseignement. Des équipes internationales d’enseignant·es peuvent en outre être constituées pour venir en aide aux enseignant·es gazaouis dont beaucoup sont blessés ou ont été tués dans les bombardements israéliens.

Dans le même temps, et de façon évidente, l’Europe et la France ont à préserver et renforcer leurs relations avec les forces progressistes et pacifistes d’Israël. Celles-ci subissent aussi les dérives extrémistes et fondamentalistes du gouvernement de Netanyahu. L’Europe doit donc maintenir et resserrer les liens avec les universités israéliennes qui s’engagent pour la paix et le vivre ensemble, comme par exemple l’université d’Haïfa [5]. Ceci contribuera à juguler la montée de l’antisémitisme sous couvert de solidarité avec la Palestine et ses effets parfois cachés sous le terme d’antisionisme. Se préoccuper de la paix, c’est donc aussi agir contre l’antisémitisme et ses effets de plus en plus violents. En ce sens, en France, les sensibilisations à l’antisémitisme doivent également être renforcées dans les écoles, des temps dédiés doivent être organisées pour mieux expliquer les racines du conflit et actualiser les connaissances des élèves. Notre État devra donner les moyens aux établissements scolaires et universitaires pour faire de la semaine contre le racisme et l’antisémitisme une manifestation phare dans l’année.

Sur un temps plus long, et elle a elle-même à y gagner, l’Union Européenne doit devenir le premier acteur international de la reconstruction de ce qui devra être l’État palestinien. Pour cela, rebâtir l’ensemble du système éducatif représente une priorité absolue. Cela passera bien sûr par une forte aide matérielle, logistique mais aussi humaine afin de reconstruire les bâtiments, les réseaux, rééquiper enseignant·es, élèves et étudiant·es, etc. Cela pourra se concrétiser aussi par un accompagnement des personnels éducatifs, des projets universitaires et de recherche en commun avec l’Union Européenne et tout autre action de coopération entre les communautés éducatives européenne et palestinienne.

Sans nier l’extrême complexité du conflit israélo-palestinien ni faire preuve de naïveté quant aux moyens d’y apporter des solutions, l’UNSA Éducation estime que l’Europe, mais aussi la France, ne font actuellement pas assez. Les drames qui se jouent au Proche-Orient nous obligent à davantage d’actes. Agir avec force pour le système éducatif serait ainsi, non seulement un moyen de contribuer concrètement à la construction d’un futur pacifié, mais aussi permettrait à notre continent de consolider positivement sa place dans le concert des Nations.

[1] https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/countries/opt/20241106-Gaza-Update-Report-OPT.pdf

[2] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2024/04/un-experts-deeply-concerned-over-scholasticide-gaza

[3] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/06/les-douze-universites-de-gaza-detruites-ou-endommagees-par-l-armee-israelienne-c-est-une-guerre-contre-l-education_6220463_3210.html

[4] https://education.ec.europa.eu/education-levels/higher-education/european-universities-initiative

[5] https://www.tdg.ch/mouna-maroun-contre-le-boycott-des-universites-israeliennes-176305135741

 

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