À côté de la plaque

Ils ne sont pas forcément à l’honneur, mais –ces derniers temps- les territoires font l’actualité. Dotée dorénavant de treize « super-régions », la France métropolitaine est une fois de plus confrontée à l’empilement des différentes strates (le fameux millefeuille) auquel il lui faut donner du sens, ce qui devrait être l’objectif de la loi NOTRe actuellement en débat.

Ils ne sont pas forcément à l’honneur, mais –ces derniers temps- les territoires font l’actualité. Dotée dorénavant de treize « super-régions », la France métropolitaine est une fois de plus confrontée à l’empilement des différentes strates (le fameux millefeuille) auquel il lui faut donner du sens, ce qui devrait être l’objectif de la loi NOTRe actuellement en débat. La définition des compétences respectives des territoires est d’autant plus urgente que nous nous situons en pleines élections départementales. Faute d’une véritable clarification, ce sont davantage les enjeux nationaux et politiciens qui ont mobilisé, plus que le rôle des futures élues et futurs élus dans les assemblées départementales.

Étrange ce détournement nationale d’élections locales ? Plutôt signe de la vigueur-toujours très forte- du jacobinisme franco-français.

Or au cœur des sujets dont il est toujours compliqué de s’extraire du seul cadre national, se trouve l’Éducation. Elle n’est certes pas en première ligne des débats publics et médiatiques, mais elle nécessite quelques réflexions dès à présent, afin d’éviter tout loupé et de se retrouver « à côté de la plaque ».

Il fut –en effet- un temps (que les moins de vingt ans… vous connaissez la chanson…) où l’on apprenait par chœur en classe les noms des départements, leur numéro, leur préfecture, et même –mais c’est encore plus ancien- leurs sous-préfectures. Il fut aussi un temps –plus récent mais en train de disparaître- où le numéro de département faisait partie intégrante de l’immatriculation de nos véhicules. Aujourd’hui, il peut y figurer –avec le logo des régions d’ailleurs- à titre indicatif, à côté de l’immatriculation officielle, juste sur le côté de la plaque, presque à côté de la plaque…
Une manière de gommer les territoires ?

Symbole en tout cas contradictoire dans un contexte de grande évolution dans laquelle décentralisation, réorganisation des services de l’État et mission des collectivités territoriales sont à repenser et, même mieux, à harmoniser.

Pour ce qui concerne le domaine de l’Éducation, les choses ont largement commencé et depuis longtemps. Pour autant, elles sont en train de s’accélérer et risquent de -profondément et durablement- modifier le paysage éducatif.

Au-delà de la traditionnelle répartition pour la gestion, l’entretien et la construction des bâtiments scolaires qui ne devrait pas être modifiée, sauf dans les métropoles. Les collectivités se positionnent de plus en plus en acteurs-partenaires des politiques éducatives.

Prenons trois exemples parmi d’autres.

La généralisation des PEDT, induite de fait par les conditions d’attribution du fonds d’amorçage des nouveaux rythmes, donne une nouvelle place aux communes et communautés de communes dans le domaine éducatif. Même les élus qui sont entrés dans le dispositif à reculons, voient aujourd’hui –sous la pression des parents, mais aussi comme une nouvelle responsabilité qui leur incombe- la nécessité de donner du sens à une politique éducative de territoire. Ils sont de plus en plus nombreux à solliciter les services de l’État (en particulier les IEN et les CEPJ) pour avancer sur des organisations, des contenus, des complémentarités cohérentes et enrichissantes. Loin de déléguer leur responsabilité, ils entendent l’exercer mais cela nécessite pour eux un accompagnement et elle les installe dans un nouveau rôle alors qu’ils se sentaient confinés jusqu’alors au seul rôle technique de financeurs des locaux des écoles. Comment articuler les différents temps, actions et acteurs éducatifs dans et hors l’école qui agissent sur un même territoire mais surtout travaillent avec les mêmes enfants et jeunes ? Cette question est un véritable enjeu qu’il faut dorénavant faire avancer avec les décideurs locaux.

La place des collèges pose également de nombreuses questions. Administrativement et techniquement leur gestion demeure au niveau des départements. Pédagogiquement la logique du socle commun les amène à travailler de plus en plus en continuité et en cohérence avec les écoles primaires. Les nouveaux élus seront-ils en capacité d’intégrer cette dimension pour construire, là encore, des logiques d’acquisitions et de territoires ? Sauront-ils, par exemple, prendre en compte la nécessité d’une mixité scolaire qui impose de repenser la carte scolaire pour en faire un levier de diversité, d’enrichissement, de solidarité et de lutte contre les inégalités. ?

Le pilotage par les régions de la carte des formations a été acté par la loi de Refondation, avant le nouveau découpage des régions. La nouvelle donne modifiera-t-elle la donne ? Comment les schémas de développement des territoires incluront les lycées ? Quels seront les implications pour l’Enseignement supérieur et la Recherche ?

Il faudrait également interroger les compétences élargies des métropoles, le maintien (ou non) de la clause de compétence générale dans les domaines de l’éducation, de la culture, du sport, de la jeunesse, ainsi que la nouvelle organisation des services de l’État sur les territoires.

En posant ces questions, il ne s’agit ni de camper sur une intransigeance centralisatrice d’un autre âge, ni de prôner une territorialisation à tout crin, mais bien de s’engager dans une réflexion de fond sur le « qui fait quoi », sur les responsabilités de chaque niveau institutionnel, sur la manière dont se construisent les partenariats, sur la rédaction de conventions multipartites… en claire de reconstruire une politique éducative cohérente avec toutes les parties prenantes.

Sans cela, les évolutions ne seront que des bricolages peu durables, incohérents et pour l’essentiel à côté de la plaque.

 

Denis ADAM, le 25 mars 2015

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Ils ne sont pas forcément à l’honneur, mais –ces derniers temps- les territoires font l’actualité. Dotée dorénavant de treize « super-régions », la France métropolitaine est une fois de plus confrontée à l’empilement des différentes strates (le fameux millefeuille) auquel il lui faut donner du sens, ce qui devrait être l’objectif de la loi NOTRe actuellement en débat. La définition des compétences respectives des territoires est d’autant plus urgente que nous nous situons en pleines élections départementales. Faute d’une véritable clarification, ce sont davantage les enjeux nationaux et politiciens qui ont mobilisé, plus que le rôle des futures élues et futurs élus dans les assemblées départementales.

Étrange ce détournement nationale d’élections locales ? Plutôt signe de la vigueur-toujours très forte- du jacobinisme franco-français.

Or au cœur des sujets dont il est toujours compliqué de s’extraire du seul cadre national, se trouve l’Éducation. Elle n’est certes pas en première ligne des débats publics et médiatiques, mais elle nécessite quelques réflexions dès à présent, afin d’éviter tout loupé et de se retrouver « à côté de la plaque ».

Il fut –en effet- un temps (que les moins de vingt ans… vous connaissez la chanson…) où l’on apprenait par chœur en classe les noms des départements, leur numéro, leur préfecture, et même –mais c’est encore plus ancien- leurs sous-préfectures. Il fut aussi un temps –plus récent mais en train de disparaître- où le numéro de département faisait partie intégrante de l’immatriculation de nos véhicules. Aujourd’hui, il peut y figurer –avec le logo des régions d’ailleurs- à titre indicatif, à côté de l’immatriculation officielle, juste sur le côté de la plaque, presque à côté de la plaque…
Une manière de gommer les territoires ?

Symbole en tout cas contradictoire dans un contexte de grande évolution dans laquelle décentralisation, réorganisation des services de l’État et mission des collectivités territoriales sont à repenser et, même mieux, à harmoniser.

Pour ce qui concerne le domaine de l’Éducation, les choses ont largement commencé et depuis longtemps. Pour autant, elles sont en train de s’accélérer et risquent de -profondément et durablement- modifier le paysage éducatif.

Au-delà de la traditionnelle répartition pour la gestion, l’entretien et la construction des bâtiments scolaires qui ne devrait pas être modifiée, sauf dans les métropoles. Les collectivités se positionnent de plus en plus en acteurs-partenaires des politiques éducatives.

Prenons trois exemples parmi d’autres.

La généralisation des PEDT, induite de fait par les conditions d’attribution du fonds d’amorçage des nouveaux rythmes, donne une nouvelle place aux communes et communautés de communes dans le domaine éducatif. Même les élus qui sont entrés dans le dispositif à reculons, voient aujourd’hui –sous la pression des parents, mais aussi comme une nouvelle responsabilité qui leur incombe- la nécessité de donner du sens à une politique éducative de territoire. Ils sont de plus en plus nombreux à solliciter les services de l’État (en particulier les IEN et les CEPJ) pour avancer sur des organisations, des contenus, des complémentarités cohérentes et enrichissantes. Loin de déléguer leur responsabilité, ils entendent l’exercer mais cela nécessite pour eux un accompagnement et elle les installe dans un nouveau rôle alors qu’ils se sentaient confinés jusqu’alors au seul rôle technique de financeurs des locaux des écoles. Comment articuler les différents temps, actions et acteurs éducatifs dans et hors l’école qui agissent sur un même territoire mais surtout travaillent avec les mêmes enfants et jeunes ? Cette question est un véritable enjeu qu’il faut dorénavant faire avancer avec les décideurs locaux.

La place des collèges pose également de nombreuses questions. Administrativement et techniquement leur gestion demeure au niveau des départements. Pédagogiquement la logique du socle commun les amène à travailler de plus en plus en continuité et en cohérence avec les écoles primaires. Les nouveaux élus seront-ils en capacité d’intégrer cette dimension pour construire, là encore, des logiques d’acquisitions et de territoires ? Sauront-ils, par exemple, prendre en compte la nécessité d’une mixité scolaire qui impose de repenser la carte scolaire pour en faire un levier de diversité, d’enrichissement, de solidarité et de lutte contre les inégalités. ?

Le pilotage par les régions de la carte des formations a été acté par la loi de Refondation, avant le nouveau découpage des régions. La nouvelle donne modifiera-t-elle la donne ? Comment les schémas de développement des territoires incluront les lycées ? Quels seront les implications pour l’Enseignement supérieur et la Recherche ?

Il faudrait également interroger les compétences élargies des métropoles, le maintien (ou non) de la clause de compétence générale dans les domaines de l’éducation, de la culture, du sport, de la jeunesse, ainsi que la nouvelle organisation des services de l’État sur les territoires.

En posant ces questions, il ne s’agit ni de camper sur une intransigeance centralisatrice d’un autre âge, ni de prôner une territorialisation à tout crin, mais bien de s’engager dans une réflexion de fond sur le « qui fait quoi », sur les responsabilités de chaque niveau institutionnel, sur la manière dont se construisent les partenariats, sur la rédaction de conventions multipartites… en claire de reconstruire une politique éducative cohérente avec toutes les parties prenantes.

Sans cela, les évolutions ne seront que des bricolages peu durables, incohérents et pour l’essentiel à côté de la plaque.

 

Denis ADAM, le 25 mars 2015