4 questions à Philippe Watrelot
Philippe Watrelot, professeur agrégé de SES et président du CRAP-Cahiers pédagogiques pendant ces huit dernières années, a répondu à nos questions quelques semaines avant de passer le relais.
Pourquoi et comment devient-on président du CRAP-Cahiers pédagogiques ?
Le militantisme… Je suis tombé dedans très tôt. J’ai d’abord milité aux CEMÉA, un mouvement d’éducation populaire qui agit dans la formation des animateurs de centres de vacances. Je suis devenu enseignant (et syndiqué !), j’ai milité aussi dans une association disciplinaire. Et puis, j’ai rencontré le CRAP et j’ai été séduit par la qualité de la réflexion mais aussi par l’aspect très concret de l’action : il faut produire une revue chaque mois !
Après en avoir été secrétaire général, j’en suis devenu le président en 2007. Je finis mon deuxième mandat en 2015. Ce qui m’anime depuis tout ce temps, c’est une indignation et une volonté. L’indignation devant les inégalités créées ou amplifiées par l’École et la volonté de changer l’École sans attendre.
Quel temps fort retenez-vous de ces années à la tête des Cahiers pédagogiques ?
C’est d’abord un ensemble de moments liés à notre développement interne : le premier numéro vendu en pdf, les hors-séries numériques, l’évolution du site… Le développement du numérique et des réseaux sociaux ont marqué ce début du siècle. Et les enseignants s’inscrivent eux aussi dans cette évolution. Aujourd’hui, comme les autres, ils s’informent et échangent par les réseaux sociaux et les listes de discussion. Il nous a fallu aller les chercher là où ils sont et nous y avons développé notre présence. Non seulement pour informer de nos publications mais aussi et surtout pour créer du lien, de la discussion entre des enseignants souvent isolés dans leurs établissements. Aujourd’hui, beaucoup d’entre-eux découvrent notre existence et nos activités par les réseaux sociaux. J’ai essayé d’accompagner et d’anticiper cette double évolution en faisant évoluer les Cahiers Pédagogiques et c’est un motif de fierté.
Les autres temps forts sont plus politiques. D’abord les « assises de la pédagogie » que nous avons organisées tous les deux ans et en particulier celle de 2011 avant les présidentielles et intitulées « Pour une école plus juste et plus efficace », un slogan toujours pertinent ! Et puis la journée organisée à l’occasion de la sortie du n°500 de notre revue, inaugurée par Vincent Peillon.
Quel regard portez-vous sur les récentes évolutions dans l’Éducation ?
J’ai l’optimisme du militant et je veux donc surtout retenir la refondation de l’École et la volonté de redonner une perspective à notre système éducatif. Car il faut bien reconnaître que celui-ci reste très inégalitaire. La dernière enquête PISA, si peu prise en compte, montre même que la France est un des pays où l’origine sociale joue le plus dans l’accès aux diplômes.
Mais la séquence récente sur la réforme du Collège m’inquiète avec ses crispations sur le « nivellement par le bas » et la défense du mythe de l’élitisme républicain car on y voit les résistances à l’œuvre tant dans le monde enseignant que dans l’ensemble de la société française.
Quel pourrait être le prochain chantier à mettre en œuvre pour améliorer le système éducatif français ?
C’est un oubli de la refondation : la gouvernance du système éducatif. Notre École reste très bureaucratique et centralisée. Or, pour répondre aux défis de la lutte contre les inégalités, la principale mesure serait de desserrer les contraintes et redonner plus d’autonomie aux équipes enseignantes dans les établissements pour innover et trouver les réponses appropriées aux difficultés des élèves qu’ils ont en face d’eux. Il faut sortir des inspections/notations individuelles, avoir une vraie politique de formation continue (obligatoire), proposer des programmes plus souples et en même temps fixer des objectifs plus précis. Les établissements devraient être évalués sur leur capacité à lutter contre les inégalités et sur leur action pour former leurs personnels et mutualiser les actions.
Je crois plus aux réformes « à bas bruit » et qui partent de la confiance dans le pouvoir d’agir des enseignants. Pour reprendre une conclusion d’un de nos derniers colloques : Quand on peut, on veut !