2S2C : la question des rythmes éducatifs (mal) reposée
Nouveau dispositif au goût de déjà vu, 2S2C (Sport Santé Culture Civisme) peine à se diffuser. Et pour cause, il tente de recréer la complémentarité des temps éducatifs par la force des choses. Sans accorder le temps de la réflexion aux acteurs éducatifs, il suscite plus de polémiques et de craintes que d’adhésion. Annoncé sans concertation, il crée des attentes et ajoute de la pression sur les équipes.
2S2C : de quoi s’agit-il ?
Annoncé publiquement par Jean-Michel Blanquer, le 21 avril dernier, le dispositif Sport Santé Culture Civisme, est inscrit dans la circulaire du 4 mai relative à la réouverture des écoles et établissements et aux conditions de poursuite des apprentissages. Son objectif affiché est d’assurer l’accueil des enfants sur le temps scolaire lorsque ces derniers ne peuvent pas être en présence de leur professeur compte tenu des mesures de distanciation à respecter en raison de l’épidémie de Covid-19.
Discutée au sein des ministères mais jamais avec les acteurs de l’Éducation nationale, sa mise en œuvre dans le champ des activités physiques et sportives est cadrée depuis le 9 mai par une circulaire interministérielle. Et depuis le 19 mai pour les activités culturelles, par une autre circulaire conjointe avec le Ministère de la Culture.
Le cadre pose la nécessité d’une convention entre l’IA-Dasen et chaque maire volontaire.
Cette convention dite relative à la continuité scolaire et la réalisation d’activités sportives et culturelles sur le temps scolaire exige, entre autres, que :
• les activités proposées s’inscrivent dans le prolongement des apprentissages et en complémentarité avec l’enseignement présentiel ou à distance et respectent les principes de neutralité et de laïcité
• les modalités d’intervention des personnels employés au sein du 2S2C soient fixées en concertation avec l’équipe éducative (types d’activités, temps, lieux, …)
• la participation des enfants à cet accueil soit gratuite et laissée à l’appréciation des familles
• les activités proposées se déroulent dans le cadre des règles sanitaires applicables (ex : groupe limité à 15)
• les services déconcentrés du ministère des Sports veillent, avec les membres du Groupe d’appui départemental, les fédérations sportives scolaires (USEP, UNSS) et le mouvement olympique, à recenser les clubs et éducateurs sportifs volontaires pour proposer des activités à destination des élèves et vérifier l’honorabilité des intervenants sportifs en relation avec les IA-Dasen (carte professionnelle, casier judiciaire, neutralité, …). Il en est de même, côté culture, pour les DRAC qui mettent en lien des intervenants artistes avec des projets EAC.
2S2C : le dispositif avant la réflexion de fond !
Nouveau nom, mais quand même un sentiment de déjà vu. Ce dispositif 2S2C a des airs de la complémentarité des temps éducatifs recherchée dans la réforme des rythmes scolaires initiée à la rentrée 2013. L’ambition de cette réforme était d’agir non seulement sur le temps scolaire mais également sur le temps périscolaire. Elle a allégé le temps scolaire quotidien des enfants en le répartissant différemment sur la semaine. Ce qui laissait présager, en réduisant le risque de fatigabilité, des effets positifs sur la disponibilité des élèves aux apprentissages scolaires. De plus, elle permettait à tous les enfants un accès à des activités périscolaires. Avec cette réforme, la complémentarité des temps et des actions éducatives dans et hors l’École prenait enfin sens. On connait le délitement progressif qu’a connu cette réforme, un épisode difficile et parfois traumatisant qui n’a pas résisté aux changements politiques. Néanmoins, il demeure que le PEDT (Plan Educatif de Territoire) est toujours le cadre des politiques éducatives des communes ou de leurs regroupements. Lorsqu’ils n’ont pas été vidés de leurs contenus, ils sont bien le cadre légitime pour penser l’accueil des enfants et des jeunes en collectif, sur tous les temps.
Une fois de plus, -le dispositif 2S2C va en faire encore la preuve-, c’est lorsque des habitudes de travail en partenariat sont installées entre collectivités territoriales, administrations déconcentrées, structures associatives que les complémentarités éducatives s’articulent efficacement. Rien ne sert de créer un dispositif s’il n’y a pas de porteurs de projets en face, prêts à le déployer. Voilà pourquoi, 2S2C pour l’instant c’est « un bidule » de plus, mis en place par 2% des communes !
Alors que la crise sanitaire impose de repenser les modalités d’accueil en collectivité des enfants et des jeunes, on aurait bien besoin de pouvoir compter sur différentes compétences éducatives, celles des acteurs culturels, des acteurs sportifs, des acteurs associatifs de l’éducation populaire, aux côtés et en complémentarité des acteurs de l’éducation nationale. Les rivalités ne sont pas de mise, l’alliance éducative est nécessaire pour redonner sens au vivre ensemble, le goût d’apprendre ensemble, et d’apprendre de différentes manières, dans différents contextes.