(Tu as) copié, (tu es) collé.

Il est vraisemblable que depuis qu’il existe des évaluations, il existe des tricheurs. Par peur de se tromper, de ne pas savoir ou pour donner l’illusion d’avoir réussi, d’être le plus fort, la tentation de tricher est grande. Sans, bien entendu faire l’apologie de la tricherie, il faut reconnaître que bien souvent elle nécessite de mettre en œuvre de nombreuses compétences, parfois même au-delà de celles attendues et sollicités par l’exercice d’évaluation.

Prenons comme point de départ de notre réflexion, le problème complexe de la tricherie qui consiste à copier-coller tout ou partie des réponses élaborées par d’autres et en particulier trouvées sur le net. Si cette manière de copier et de piller des sources non citée et rendue encore plus facile –affirme-t-on parfois- avec les technologies numériques, elle vient empoisonner nombre de situations d’évaluation de l’école à l’université.

Mais que nous apprennent généralement les analyses de ces situations ?

– Tout d’abord que l’exercice d’évaluation proposé rendait possible ce co-pillage…. C’est-à-dire que la réponse à trouver était déjà disponible, qu’elle faisait partie d’un savoir constitué ou d’un exercice traditionnel, déjà corrigé quelque part.

– Le travail demandé relevait donc d’une restitution de connaissance davantage que d’une recherche, d’un effort d’imagination ou de personnalisation dans la réponse.

– L’apprenant n’avait –semble-t-il- pas la connaissance de la bonne réponse, c’est pourquoi il l’a copiée. Pas si sûr ! La réponse qu’il a recherchée et copiée, est-elle la bonne ? Si oui c’est qu’il a donc été en capacité de la chercher et de la choisir (peut-être au hasard, mais vraisemblablement parce qu’elle correspondait à ce qu’il savait, se rappelait, ou croyait être la bonne réponse) dans une grande quantité de réponses possibles.

– L’évaluation qui risque de le condamner comme tricheur (en lui collant un zéro et/ou quelques heures de colle), rendra-t-elle compte de sa capacité à rechercher et trouver la bonne information correspondant à ce qui lui avait été demandé ?

– Dans de nombreux cas, c’est la pression mise en œuvre dans une démarche de compétition-sanction qui entraîne la tricherie –même chez les bons élèves comme le fait remarquer Pierre Merle- par crainte de se tromper ou de ne pas avoir la meilleure note…

Imaginons ce même travail dans une démarche de recherche ou d’enquête avec accès aux documents et pourquoi pas –soyons fous- au réseau internet. Les élèves devraient expliquer comment et pourquoi ils ont retenu et éliminé les réponses, citer leurs sources, expliciter leur démarche. Cela conduirait à n’avoir aucun copieur-tricheur, permettrait de valider des compétences c’est-à-dire des connaissances mobilisées et mise en œuvre et de s’inscrire dans une démarche de formation et non de sanction. Cela aurait également un impact sur la suite des apprentissages, mettant en évidence le besoin –pour certains élèves- d’apprendre à chercher, pour d’autres de sélectionner leurs sources, pour d’autres encore de faire preuve d’esprit critique… et pour tous, de mobiliser leurs savoirs à bon escient.

Certes, toutes les évaluations ne peuvent prendre cette forme exigeante, souvent lourde et chronophage. Certes éduquer consiste aussi à poser des règles, à veiller à ce qu’elles soient respectées et à sanctionner ceux qui les enfreignent. Certes le co-pillage demeure une mauvaise manie qui ne rend ni compte de la démarche de recherche ni de la propriété des auteurs cités.

Reste à s’interroger sur ce que l’on cherche réellement à évaluer et donc plus globalement à transmettre en éduquant : préfère¬-t-on mesurer des têtes bien pleines d’un savoir constitué et appris par cœur ou former des têtes bien faites capables de se retrouver dans le dédales des connaissances, y faire des choix et pouvoir les justifier ?

Reste aussi à remercier toute une longue lignée de penseurs en éducation –trop nombreux pour être tous cités- et qui de Montaigne (*) à Pierre Merle (**) et Nathalie Mons (***), ont mis en évidence les enjeux éducatif (et citoyens) d’une évaluation formative. S’ils n’ont pas été « copiés-collés » ici, ils ont pourtant largement inspiré cette chronique.

 

Denis ADAM, le 15 avril 20

 

(*) Michel de Montaigne dans les Essais : « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.»
(**) « Pour augmenter ou seulement assurer leurs résultats, même les bons élèves sont parfois amenés à tricher (Guibert et Michaut, 2009). Un système d’évaluation, source de tricherie en raison de la peur de l’échec et/ou de la vénération des premières places, pose manifestement problème pour l’école. » Pierre Merle, Faut-il en finir avec les notes ?, http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20141202-evaluationdef-2.pdf
(***) Les effets théoriques et réels de l’évaluation standardisée par Nathalie Mons, http://www.ac-grenoble.fr/ien.annecy3/IMG/pdf/resume_du_rapport_de_N-Mons.pdf

 

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Il est vraisemblable que depuis qu’il existe des évaluations, il existe des tricheurs. Par peur de se tromper, de ne pas savoir ou pour donner l’illusion d’avoir réussi, d’être le plus fort, la tentation de tricher est grande. Sans, bien entendu faire l’apologie de la tricherie, il faut reconnaître que bien souvent elle nécessite de mettre en œuvre de nombreuses compétences, parfois même au-delà de celles attendues et sollicités par l’exercice d’évaluation.

Prenons comme point de départ de notre réflexion, le problème complexe de la tricherie qui consiste à copier-coller tout ou partie des réponses élaborées par d’autres et en particulier trouvées sur le net. Si cette manière de copier et de piller des sources non citée et rendue encore plus facile –affirme-t-on parfois- avec les technologies numériques, elle vient empoisonner nombre de situations d’évaluation de l’école à l’université.

Mais que nous apprennent généralement les analyses de ces situations ?

– Tout d’abord que l’exercice d’évaluation proposé rendait possible ce co-pillage…. C’est-à-dire que la réponse à trouver était déjà disponible, qu’elle faisait partie d’un savoir constitué ou d’un exercice traditionnel, déjà corrigé quelque part.

– Le travail demandé relevait donc d’une restitution de connaissance davantage que d’une recherche, d’un effort d’imagination ou de personnalisation dans la réponse.

– L’apprenant n’avait –semble-t-il- pas la connaissance de la bonne réponse, c’est pourquoi il l’a copiée. Pas si sûr ! La réponse qu’il a recherchée et copiée, est-elle la bonne ? Si oui c’est qu’il a donc été en capacité de la chercher et de la choisir (peut-être au hasard, mais vraisemblablement parce qu’elle correspondait à ce qu’il savait, se rappelait, ou croyait être la bonne réponse) dans une grande quantité de réponses possibles.

– L’évaluation qui risque de le condamner comme tricheur (en lui collant un zéro et/ou quelques heures de colle), rendra-t-elle compte de sa capacité à rechercher et trouver la bonne information correspondant à ce qui lui avait été demandé ?

– Dans de nombreux cas, c’est la pression mise en œuvre dans une démarche de compétition-sanction qui entraîne la tricherie –même chez les bons élèves comme le fait remarquer Pierre Merle- par crainte de se tromper ou de ne pas avoir la meilleure note…

Imaginons ce même travail dans une démarche de recherche ou d’enquête avec accès aux documents et pourquoi pas –soyons fous- au réseau internet. Les élèves devraient expliquer comment et pourquoi ils ont retenu et éliminé les réponses, citer leurs sources, expliciter leur démarche. Cela conduirait à n’avoir aucun copieur-tricheur, permettrait de valider des compétences c’est-à-dire des connaissances mobilisées et mise en œuvre et de s’inscrire dans une démarche de formation et non de sanction. Cela aurait également un impact sur la suite des apprentissages, mettant en évidence le besoin –pour certains élèves- d’apprendre à chercher, pour d’autres de sélectionner leurs sources, pour d’autres encore de faire preuve d’esprit critique… et pour tous, de mobiliser leurs savoirs à bon escient.

Certes, toutes les évaluations ne peuvent prendre cette forme exigeante, souvent lourde et chronophage. Certes éduquer consiste aussi à poser des règles, à veiller à ce qu’elles soient respectées et à sanctionner ceux qui les enfreignent. Certes le co-pillage demeure une mauvaise manie qui ne rend ni compte de la démarche de recherche ni de la propriété des auteurs cités.

Reste à s’interroger sur ce que l’on cherche réellement à évaluer et donc plus globalement à transmettre en éduquant : préfère¬-t-on mesurer des têtes bien pleines d’un savoir constitué et appris par cœur ou former des têtes bien faites capables de se retrouver dans le dédales des connaissances, y faire des choix et pouvoir les justifier ?

Reste aussi à remercier toute une longue lignée de penseurs en éducation –trop nombreux pour être tous cités- et qui de Montaigne (*) à Pierre Merle (**) et Nathalie Mons (***), ont mis en évidence les enjeux éducatif (et citoyens) d’une évaluation formative. S’ils n’ont pas été « copiés-collés » ici, ils ont pourtant largement inspiré cette chronique.

 

Denis ADAM, le 15 avril 20

 

(*) Michel de Montaigne dans les Essais : « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.»
(**) « Pour augmenter ou seulement assurer leurs résultats, même les bons élèves sont parfois amenés à tricher (Guibert et Michaut, 2009). Un système d’évaluation, source de tricherie en raison de la peur de l’échec et/ou de la vénération des premières places, pose manifestement problème pour l’école. » Pierre Merle, Faut-il en finir avec les notes ?, http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20141202-evaluationdef-2.pdf
(***) Les effets théoriques et réels de l’évaluation standardisée par Nathalie Mons, http://www.ac-grenoble.fr/ien.annecy3/IMG/pdf/resume_du_rapport_de_N-Mons.pdf