Enquêtes suicides de Seine Saint Denis et de Seine et Marne

Le 7 juillet 2021, le CHSCT Académique a pu prendre connaissance des rapports confidentiels des deux enquêtes suicide menées par les membres des CHSCT de Seine Saint Denis et de Seine et Marne. Ces enquêtes ont eu lieu suite aux suicides de nos deux collègue, l'une directrice d’école dans le 93 et l'autre gestionnaire dans le 77. Des facteurs contribuants et précipitants dans l’organisation du travail ont été mis en lumière ce qui a permis d’élaborer des outils de prévention. Restons vigilants pour que ceux-ci ne restent pas des incantations. Ci-dessous la déclaration commune de la FSU, l'UNSA et la CGT.

Monsieur le Recteur, Mesdames,

Messieurs les membres du CHSCTA, Mesdames,

Messieurs les acteurs de la prévention des risques professionnels, 

 

Nous présentons aujourd’hui deux rapports d’enquête produits par des délégations paritaires concernant deux suicides de personnels de notre académie. L’un concerne une directrice d’école, l’autre une adjointe gestionnaire. Ce ne sont malheureusement pas les premiers et nous avons en tête les enquêtes qui ont eu lieu en 2017 et 2018 ayant déjà donné lieu à des préconisations en vue d’améliorer les conditions de travail dans notre académie, d’identifier et de traiter les causes de souffrance au travail et d’éviter que des actes suicidaires ne se reproduisent 

 

La santé mentale au travail est une construction collective dépendant d’une organisation du travail. Elle prend en compte les réalités du terrain exprimées par les personnels, experts de leur habileté professionnelle. 

 Christophe Dejours, psychiatre et psychologue du travail, lors de sa déposition au procès de France télécom le 10 mai 2019 a déclaré et nous nous permettons de reprendre ses propos qui ont tout leur sens dans les situations examinées ce jour : 

Un suicide, un seul suicide sur les lieux du travail est tellement grave. Un suicide, à lui seul, signe à la vérité la déstructuration de tout le tissu humain du travail. Il ne constitue pas seulement un acte individuel. Il signifie que tout le milieu humain du travail environnant est fissuré, voire détruit. Un suicide sur le lieu du travail témoigne de ce que la nouvelle organisation du travail a déjà détruit le tissu humain du travail, qu’il n’y a plus de prévenance, plus d’entraide, plus de soutien, plus de solidarité. Le grand nombre de suicides exigé par certains statisticiens pour affirmer le lien entre travail et suicide est une absurdité. Si ce grand nombre est au rendez-vous, c’est encore plus accablant, c’est tout. Mais un seul suicide sur les lieux du travail signifie que toute la collectivité proximale est en danger au plan psychologique. Un seul suicide mériterait qu’on arrête la production immédiatement pour s’attaquer à l’analyse et à la transformation de l’organisation du travail pour conjurer le risque d’une autre catastrophe du même genre.

 

On constate aujourd’hui que les préconisations suite aux enquêtes précédentes et les avis des CHSCT émis à cette époque n’ont pas été pour la plupart suivies d’une véritable interrogation sur les organisations de travail. 

 

Pour rappel votre refus d’accorder une expertise ? sur les conditions de travail des stagiaires suite à un acte suicidaire d’une stagiaire dans le 94.  La précarité s’intensifie, l’individualisation se généralise et la charge de travail ne cesse d’augmenter. L’année prochaine, les directrices et directeurs verront leur temps de décharge assuré par un étudiant master 2 en alternance. Et les directrices et directeurs totalement déchargés seront détachés sur un emploi fonctionnel leur donnant autorité sur des décisions qui jusque-là émanait du collectif que forme le conseil des maîtres. Ces décisions ne règlent rien des problèmes des directeurs. Plusieurs consultations ont montré que les professeurs des écoles sont hostiles à ces évolutions. Ce qu’ils demandent c’est une augmentation des décharges et de l’aide administrative. Demandes largement exprimées par les directrices et directeurs dans les groupes de travail organisé après le suicide de Christine Renon.  

 

Grâce à notre engagement de représentants du personnel en CHSCT, grâce aux formations réglementaires et syndicales que nous avons reçues, nous pouvons interroger le travail réel et mesurer la nuisance occasionnée par le travail empêché.

 

Notre objectif d’améliorer les conditions de l’activité des travailleurs, se réalise, au moins en partie, lors de nos travaux paritaires d’investigation.  Pour ne citer qu’un exemple, les entretiens que nous réalisons, de manière paritaire, lors des visites du CHSCT, permettent aux agents de mettre une parole sur leur activité et d’envisager des transformations. 

 

Après analyse, nous proposons ensuite nos préconisations principales sous forme d’avis en CHSCT : c’est, pour nous, le point de départ d’un travail de prévention. A cette occasion, nous rappelons notre attachement au maintien des CHSCT et de toutes leurs prérogatives. 

 

 Les mesures envisagées dans les plans de prévention, circulaires santé et sécurité au travail, protocoles, guides de bonnes pratiques, ne doivent pas se limiter à des incantations pour garder bonne conscience. A l’échelle de l’unité de travail, des moments de réflexion organisés sur le temps de travail, autour d’une élaboration collective des risques RPS dans le DUERP, est pour nous une priorité.

 

Nous allons présenter des avis suite à l’étude des résultats de ces deux nouvelles enquêtes. Ceux-ci doivent être suivis d’engagement de la part de notre employeur et d’un questionnement sincère sur le travail comme cause de souffrance des personnels. 

 

Les fédérations FSU, UNSA, CGT vous demandent, Monsieur le Recteur, de porter toute l’attention nécessaire sur ces affaires qui touchent l’ensemble de la profession depuis déjà trop longtemps et pour une mise en œuvre concrète et courageuse de dispositions supprimant les organisations  pathogènes du travail.