Déclaration de l’Unsa-Education au CTA Normandie (11-12/10)

Les 11 et 12 octobre 2022 se tenaient les CTA de Rouen et de Caen, en présence de Mme la Rectrice de l'Académie de Normandie. A l'ordre du jour plusieurs points, notamment le bilan de la rentrée. Voici la Déclaration liminaire de l'UNSA-Education.

Madame la Rectrice, mesdames et messieurs les membres du CTA.

Une rentrée sereine ? vraiment ?

Nous sommes réunis aujourd’hui pour le traditionnel CTA de rentrée.  Selon vos propos, Madame la rectrice , il s’agit d’une rentrée « belle et sereine ».   Tout est relatif.  Une rentrée moins crispée dans le domaine sanitaire sans doute, même si les inquiétudes persistent.  Moins de pénuries d’enseignants qu’ailleurs ? Certes, il y a toujours pire ailleurs.  Mais quand on questionne les collègues, le bilan est beaucoup plus nuancé.  Ils évoquent les gros problèmes sur l’affectation des stagiaires ; les difficultés croissantes sur le remplacement de personnels, et pas seulement des enseignants ; le manque encore patent d’AESH.  Bref, la sérénité n’est pas le mot qui convient et nous aurons l’occasion, lors  de ce CTA, d’échanger à ce sujet.  D’autant que les annonces ministérielles sont loin d’être apaisantes.

En juin dernier, au lendemain de l’élection présidentielle, l’UNSA-Éducation demandait des réponses concrètes au défi de l’attractivité de nos métiers et la mise en œuvre d’une politique éducative ambitieuse.  Nous ne pouvons que réitérer nos demandes.

Une revalorisation bien incertaine

Le récent rapport de l’OCDE a souligné la faible rémunération des enseignants français, notamment des professeurs des Écoles.  Ce constat  vaut également pour les personnels autres qu’enseignants.  Nos métiers ne sont plus attractifs, que ce soit en termes de carrière, de salaire, d’opportunités ou de conditions de travail.  Or, la présentation récente du Projet de loi de finances 2023 montre que les réponses envisagées ne sont pas à la hauteur des attentes des personnels.

Certes, il y a des points positifs.  L’UNSA-Éducation se félicite que 74 millions soient prévus au budget 2023 pour élargir les bénéficiaires des indemnités REP : en 2021 nous avions en effet porté l’affaire en justice pour que TOUS les personnels en perçoivent l’intégralité.

Mais après des années de gel du point d’indice et dans un contexte de forte inflation, l’enveloppe revalorisation prévue pour 2023 (sans visibilité, sans programmation au-delà) est nettement insuffisante.  On est bien loin des promesses de « +10% ou +20%  pour tous » formulées lors de l’élection présidentielle.  La parole politique ne cesse de se fragiliser.  En revanche, les contreparties ou nouvelles missions évoquées par le président restent sur la table, et l’on envisage à nouveau de supprimer des milliers de postes d’enseignants.  Avec une telle approche, il est difficile d’être crédible quand on prétend respecter les personnels, se soucier de la question de leur charge de travail et de leurs conditions d’exercice et, plus généralement, quand on prétend relever le défi de l’attractivité.

Des exigences pour la filière administrative

Concernant la filière administrative, le Ministre se dit prêt à continuer de travailler pour qu’elle soit mieux reconnue, dans la suite de ce qui avait été engagé par son prédécesseur avec le protocole du 10 septembre 2021. C’est ce protocole demandé, négocié et obtenu par A&I UNSA qui a permis en 2021 et 2022 les augmentations significatives du régime indemnitaire (IFSE), du nombre de promotions de grade et de corps ainsi que du nombre des requalifications d’emplois. Elles se poursuivront dès 2023.

Mais au-delà de ces axes corporatifs, l’institution devra se saisir d’une dimension nouvelle et complexe, celle de la Qualité de Vie au Travail.

Pour sa part, A&I UNSA a commandé en collaboration avec la Casden une étude sur « la QVT, le moral, la santé et l’avenir professionnel des personnels administratifs.  Avec plus de 8400 réponses sur les 50000 agents concernés, c’est dans tous les cas l’enquête la plus représentative de toutes celles qui ont jamais été menées sur les « invisibles du système éducatif ».

Les personnels peuvent compter sur A&I UNSA pour être vus et entendus.  Enfin, l’examen des « bleus budgétaires » pour la rentrée 2023 fait apparaître un maintien des emplois administratifs au niveau national. Les services rectoraux de l’académie de Normandie étant toujours en transition, il est nécessaire que les emplois du BOP214 soient maintenus, indépendamment des mesures de redéploiement.

Des annonces multiples, sources de tensions : retraites, voie pro

Au-delà des questions de la revalorisation et des conditions de travail, l’UNSA-Education souhaite manifester sa vive inquiétude au sujet de deux annonces du gouvernement.

La question des retraites tout d’abord.  En effet, à défaut d’augmenter réellement le salaire de ses personnels, le gouvernement envisage d’augmenter l’âge de leur départ à la retraite, comme celui de tous les Français.  L’UNSA y est fermement opposée et l’a fait savoir.  Nous aurons sans doute, malheureusement, l’occasion de revenir dans quelques semaines en détail sur ce point.

Autre source d’inquiétude : les annonces, depuis 3 mois, du président de la République et de sa ministre Carole Grandjean concernant la réforme de la voie professionnelle. Une voie qui vient déjà de subir une réforme d’ampleur, une réforme déstabilisante.  Les audiences nationales que nous avons eues n’ont laissé entrevoir aucune ouverture de discussions susceptible de rassurer les personnels.

L’objectif affiché est d’augmenter l’insertion professionnelle en transformant les formations scolaires pour les calquer sur le modèle de l’apprentissage, tout en adaptant la carte des formations en fonction des besoins immédiats des entreprises.

Pour l’Unsa-Éducation, ériger l’apprentissage comme l’alpha et l’oméga de la formation professionnelle est à la fois irréaliste et inacceptable. L’apprentissage est une modalité de formation sélective et exigeante, inadaptée à la majorité des jeunes en voie professionnelle qui n’ont pas les réseaux et les codes nécessaires pour intégrer des entreprises dans ce cadre. Et les entreprises n’ont pas la capacité d’accueillir massivement ces jeunes qui se destinent à une formation professionnelle.

L’alignement de la voie pro scolaire avec l’apprentissage pourrait aussi entraîner une annualisation du temps de travail des PLP, une dégradation de leurs conditions de travail et des suppressions de postes en nombre. Nous refusons toute dégradation du statut des PLP !

L’augmentation annoncée de 50 % de la durée des PFMP, réduirait de façon drastique les enseignements généraux et professionnels, au détriment des élèves qui en ont le plus besoin et des poursuites d’études. La voie pro scolaire doit s’attacher à former de futurs citoyens et non uniquement des salariés.

Des cartes de formation adaptées aux simples besoins locaux, créeraient pour les élèves des discriminations territoriales d’accès aux formations.  Et les réductions de certaines filières jugées insuffisamment efficaces en termes d’insertion  provoqueraient, pour nombre de PLP, mutations forcées et reconversions.  Nous défendons un aménagement des territoires équilibré avec une carte des formations qui puisse à la fois répondre à la demande sociale et aux nécessaires évolutions des métiers.

Le SE-Unsa et sa Fédération appellent donc les personnels de la voie professionnelle à se mobiliser contre ce projet et à se mettre en grève mardi 18 octobre, dans le cadre intersyndical, pour défendre les lycées professionnels, les personnels et l’enseignement dispensé à leurs élèves.

Le CNR, une énième opération de communication ?   

 Après avoir évoqué l’appel du 18, il est logique de dire un mot du CNR.  Le Conseil National de la Refondation.   Le CNR éducation entend créer l’École de demain.  Le Grenelle n’a manifestement pas suffi. C’est ambitieux, mais la mise en œuvre de l’idée présidentielle peine encore à trouver une cohérence de fond : l’École irait mal, tout en allant bien mieux qu’avant  (mais n’est-ce pas le collège qui est désigné comme « l’homme malade » ?) ; il est urgent d’agir en profondeur, MAIS l’enveloppe se réduit à 150 millions pour 2023 ; il faut réduire les inégalités,  MAIS seuls quelques établissements sont mobilisés ; les projets existent déjà, MAIS il faut d’autres projets !   Le tout sera porté, nous promet-on, par une méthode révolutionnaire : l’impulsion du terrain, la « concertation locale », perçues comme créatrices de dynamique, d’innovations et de synergies.

Tout cela nous laisse un peu perplexe.  Certes, il n’est pas exclu que certaines démarches produisent des effets positifs.  Toutefois de nombreux collègues voient très bien se profiler la charge de travail en plus (encadrement, préparation, suivi des dossiers, réunions…),  beaucoup moins nettement les résultats possibles.

Dans les faits, une verticalité persistante

Mme la Rectrice, il est urgent de lever les contradictions entre les discours et les actes. Si ce sont les équipes éducatives qui sont la clé d’une révolution copernicienne (le mot est du président), peut-être faudrait-il commencer par écouter ce qu’elles disent et réclament par l’intermédiaire des représentants du personnel ? (Cela s’appelle la démocratie).   Si c’est le terrain qui est porteur d’une expertise, il faut entendre les communautés éducatives quand  elles crient haut et fort que la fermeture de tel collège est une bien mauvaise idée !  Nous pensons évidemment au cas du collège Val de Vire et à la manifestation prévue le 15 octobre prochain contre sa fermeture.  Manifestation que nous soutenons pleinement. Si la logique est que des acteurs locaux responsables portent et façonnent les projets, il ne faut pas qu’ils découvrent par voie de presse à la rentrée qu’ils sont « pôle d’innovation » ou « collège d’avenir » (cas d’une dizaine de collèges dans le Calvados).   Si les professionnels savent de quoi ils parlent, il faut les entendre quand ils s’expriment sur les programmes ou le calendrier des enseignements de spécialités.

Madame la rectrice, si l’École de demain doit être autre chose qu’une campagne de communication, il faudra rompre avec des habitudes de pilotage vertical profondément ancrées, en finir avec les suppressions de postes et la dégradation des conditions de travail, et proposer autre chose qu’une revalorisation en trompe l’œil.