Sois jeune et civique à la fois

Il est, face aux situations tragiques -et que l’on espère exceptionnelles- telles que nous les avons vécues ces derniers mois, une recherche de la bonne solution un peu désespérée. Il faudrait tirer de son chapeau la formule magique, qui a moindre coût et avec un maximum d’efficacité recréerait du lien social, de l’envie de mieux vivre ensemble sa citoyenneté et de construire l’avenir. Difficile, dans une société qui subit la multiplication des crises.

Il est, face aux situations tragiques -et que l’on espère exceptionnelles- telles que nous les avons vécues ces derniers mois, une recherche de la bonne solution un peu désespérée. Il faudrait tirer de son chapeau la formule magique, qui a moindre coût et avec un maximum d’efficacité recréerait du lien social, de l’envie de mieux vivre ensemble sa citoyenneté et de construire l’avenir. Difficile, dans une société qui subit la multiplication des crises.

Dernière bonne idée en recyclage, l’extension, à défaut de sa généralisation, du service civique. Pourquoi pas ? Mais pas à n’importe quelles conditions !

Depuis la suppression du service militaire, par Jacques Chirac en mai 1996, voici bientôt 20 ans que nos responsables politiques et associatifs tentent de « tricoter » un dispositif qui allie – quadrature du cercle- à la fois un acte symbolique d’appartenance à la nation (notre société manque de rites institués), un temps d’engagement au service de l’intérêt collectif (pour développer l’idée de « faire société ») et un sas d’entrée dans la vie professionnelle (chômage massif des jeunes oblige). La forme actuelle, vendu par Martin Hirsch à Nicolas Sarkozy s’inscrit dans le compromis du volontariat… ni vraiment pour tous, mais pas non plus pour une petite élite (même issue de la discrimination positive). De sa généralisation (promesse de campagne du candidat Hollande), le Président de la République en vient à proposer une extension avec triplement des financements… mais seulement pour 2018 !

En soi, le service civique n’est pas un mauvais dispositif. De là à en faire la panacée de l’engagement citoyen, il y a une marche peut-être un peu trop facilement franchie.

Tout d’abord, parce qu’il ne faut pas se mentir sur le risque de substitution d’emploi. Combien d’étudiants, finissant leurs études, ne se voit proposer que des services civiques comme premiers postes ? La dérive vers de nouveaux contrats de travail déguisés et réservés aux jeunes n’est pas impossible. Elle a même déjà parfois lieu. D’autant plus que, si par nature aider les associations revient à contribuer à l’exercice de la citoyenneté, nombreux de ces postes proposés ne relèvent ni d’une action au service du collectif, ni d’une mission ponctuelle. De véritables emplois, concernant de vrais métiers qualifiés peuvent ainsi être détournés. Pourquoi pas ? Ce peut être le tremplin d’une première expérience professionnelle comme le furent pour beaucoup les « emploi jeune » à leur époque. Mais payé 570 euros par mois, à peine plus qu’en stage universitaire, est-ce acceptable ? C’est ce débat sur la place des jeunes dans le monde professionnel qui est ici posé et dont il faudrait s’emparer.

De même, la notion d’engagement, le fait de participer à une démarche citoyenne partagée, de s’investir dans une action utile au service de la collectivité mériterait d’être creusée. Continuant de relever d’un acte volontaire et limitée en nombre, puisqu’au mieux ce sont 350 000 jeunes qui à terme chaque année pourrait en bénéficier, soit un jeune sur deux environ, comment une telle démarche peut-elle créer du sens commun et durable ? Se pose alors la place et la formation du citoyen… jeune, moins jeune et pas jeune du tout. Autre débat d’importance qui ne peut trouver une réponse dans l’urgence et l’émotion suscitée par les drames vécues en 2015. Mais qui ne peut pas non plus être escamoté au profit de la mise en place d’un seul dispositif, d’un livret de l’engagement ou de l’allongement à une semaine de la journée défense et citoyenneté.

Entrer dans une citoyenneté active s’accompagne et s’éduque. Nous avons même, depuis le milieu du XIXème siècle mis en œuvre une démarche nommée « éducation populaire » dont c’est l’essentielle raison d’être. Certes, elle ne doit pas rester enfermée dans les approches d’hier. Elle ne peut, pas davantage, se suffire à elle-même et nécessite d’être inscrite dans une vision large qui repense les politiques publiques et la place des citoyens. Avec l’éducation familiale et l’éducation scolaire, elle construit une complémentarité d’approches et de contenus. Si elle s’adresse prioritairement aux jeunes parce qu’ils sont des entrants dans la vie économique, sociale, citoyenne, affective, culturelle, autonome, elle concerne chacun et surtout le collectif.

Aujourd’hui c’est cette politique de citoyenneté, donc d’éducation populaire, qu’il est urgent de refonder. Nul doute que le service civique peut y trouver toute sa place surtout lorsqu’il est accompagné par les conseillers pédagogiques et des associations d’éducation populaire. Il en est une brique, mais pas la totalité de la maison commune qui reste à construire.

 

Denis ADAM, le 13 janvier 2016

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Il est, face aux situations tragiques -et que l’on espère exceptionnelles- telles que nous les avons vécues ces derniers mois, une recherche de la bonne solution un peu désespérée. Il faudrait tirer de son chapeau la formule magique, qui a moindre coût et avec un maximum d’efficacité recréerait du lien social, de l’envie de mieux vivre ensemble sa citoyenneté et de construire l’avenir. Difficile, dans une société qui subit la multiplication des crises.

Dernière bonne idée en recyclage, l’extension, à défaut de sa généralisation, du service civique. Pourquoi pas ? Mais pas à n’importe quelles conditions !

Depuis la suppression du service militaire, par Jacques Chirac en mai 1996, voici bientôt 20 ans que nos responsables politiques et associatifs tentent de « tricoter » un dispositif qui allie – quadrature du cercle- à la fois un acte symbolique d’appartenance à la nation (notre société manque de rites institués), un temps d’engagement au service de l’intérêt collectif (pour développer l’idée de « faire société ») et un sas d’entrée dans la vie professionnelle (chômage massif des jeunes oblige). La forme actuelle, vendu par Martin Hirsch à Nicolas Sarkozy s’inscrit dans le compromis du volontariat… ni vraiment pour tous, mais pas non plus pour une petite élite (même issue de la discrimination positive). De sa généralisation (promesse de campagne du candidat Hollande), le Président de la République en vient à proposer une extension avec triplement des financements… mais seulement pour 2018 !

En soi, le service civique n’est pas un mauvais dispositif. De là à en faire la panacée de l’engagement citoyen, il y a une marche peut-être un peu trop facilement franchie.

Tout d’abord, parce qu’il ne faut pas se mentir sur le risque de substitution d’emploi. Combien d’étudiants, finissant leurs études, ne se voit proposer que des services civiques comme premiers postes ? La dérive vers de nouveaux contrats de travail déguisés et réservés aux jeunes n’est pas impossible. Elle a même déjà parfois lieu. D’autant plus que, si par nature aider les associations revient à contribuer à l’exercice de la citoyenneté, nombreux de ces postes proposés ne relèvent ni d’une action au service du collectif, ni d’une mission ponctuelle. De véritables emplois, concernant de vrais métiers qualifiés peuvent ainsi être détournés. Pourquoi pas ? Ce peut être le tremplin d’une première expérience professionnelle comme le furent pour beaucoup les « emploi jeune » à leur époque. Mais payé 570 euros par mois, à peine plus qu’en stage universitaire, est-ce acceptable ? C’est ce débat sur la place des jeunes dans le monde professionnel qui est ici posé et dont il faudrait s’emparer.

De même, la notion d’engagement, le fait de participer à une démarche citoyenne partagée, de s’investir dans une action utile au service de la collectivité mériterait d’être creusée. Continuant de relever d’un acte volontaire et limitée en nombre, puisqu’au mieux ce sont 350 000 jeunes qui à terme chaque année pourrait en bénéficier, soit un jeune sur deux environ, comment une telle démarche peut-elle créer du sens commun et durable ? Se pose alors la place et la formation du citoyen… jeune, moins jeune et pas jeune du tout. Autre débat d’importance qui ne peut trouver une réponse dans l’urgence et l’émotion suscitée par les drames vécues en 2015. Mais qui ne peut pas non plus être escamoté au profit de la mise en place d’un seul dispositif, d’un livret de l’engagement ou de l’allongement à une semaine de la journée défense et citoyenneté.

Entrer dans une citoyenneté active s’accompagne et s’éduque. Nous avons même, depuis le milieu du XIXème siècle mis en œuvre une démarche nommée « éducation populaire » dont c’est l’essentielle raison d’être. Certes, elle ne doit pas rester enfermée dans les approches d’hier. Elle ne peut, pas davantage, se suffire à elle-même et nécessite d’être inscrite dans une vision large qui repense les politiques publiques et la place des citoyens. Avec l’éducation familiale et l’éducation scolaire, elle construit une complémentarité d’approches et de contenus. Si elle s’adresse prioritairement aux jeunes parce qu’ils sont des entrants dans la vie économique, sociale, citoyenne, affective, culturelle, autonome, elle concerne chacun et surtout le collectif.

Aujourd’hui c’est cette politique de citoyenneté, donc d’éducation populaire, qu’il est urgent de refonder. Nul doute que le service civique peut y trouver toute sa place surtout lorsqu’il est accompagné par les conseillers pédagogiques et des associations d’éducation populaire. Il en est une brique, mais pas la totalité de la maison commune qui reste à construire.

 

Denis ADAM, le 13 janvier 2016