Analyses et décryptages

Service National Universel: toujours à marche forcée !

Après deux expérimentations, la troisième s'organise pour une nouvelle vague de séjours de cohésion annoncée du 13 au 25 février 2022. L'INJEP vient de publier son rapport d'évaluation sur les séjours 2021. Le SNU n'a toujours rien de national et encore moins d'universel, tant il passe à côté de l'objectif de mixité sociale qu'il s'est fixé. Et les personnels chargés de l'organisation sont toujours sous pression, les nombreux problèmes soulevés dès 2019 peinent à trouver des solutions pérennes. Notre analyse.

Lancé en 2019 dans 13 départements à titre d’expérimentation, le Service National Universel se donne pour ambition de renforcer la cohésion nationale, de développer une culture de l’engagement, d’accompagner dans l’insertion sociale et professionnelle et d’accompagner les jeunes dans la prise de conscience des enjeux de défense et de sécurité. Aujourd’hui ouvert aux seuls volontaires, il s’agit à terme (d’ici à 2024, date initialement prévue) de convoquer tous les jeunes de 15 à 16 ans pour un SNU en 3 étapes : le séjour de cohésion de 12 jours, la mission d’intérêt général (84 h dans une association ou une collectivité territoriale, un établissement public ou un corps en uniforme) et une étape facultative d’engagement volontaire.
Le rapport de l’INJEP paru en janvier 2022, propose de faire un bilan des conditions de mise en œuvre, et de dégager, à la lumière des pratiques les plus pertinentes, les axes d’amélioration du dispositif désormais généralisé à tout le territoire.
Évidemment, la crise sanitaire a largement compliqué les débuts de ce dispositif, mais il semble aujourd’hui que l’organisation globale du SNU pose question au regard de la volonté de l’étendre à tous les jeunes de 15 à 16 ans, soit 800 000 jeunes par an. Jusqu’ici le SNU n’a rien de national et encore moins d’universel, tant il passe à côté de l’objectif de mixité sociale.
En effet, la constitution des équipes encadrantes, si elles présentent “une mixité de cultures professionnelles” comme l’indique le rapport de l’INJEP, n’est pas encadrée au niveau national, et laissée, dans chaque territoire, à la responsabilité des responsables locaux. De fait, il n’existe pas non plus, en amont de la prise en charge des jeunes par ces encadrants, de formation qui permettrait de garantir l’harmonisation des contenus proposés à tous les jeunes. Comment garantir qu’un ancien gradé ou un réserviste de l’armée française et un professionnel de l’éducation populaire tiennent spontanément un discours harmonisé sur l’égalité homme femme ou ait les compétences nécessaires pour accompagner des jeunes dans leur parcours professionnel et personnel ? Les nombreux signalements pour propos racistes ou sexistes de la part de certains encadrants disent à quel point le besoin de cadrage et de formation est important.
Outre ce problème de contenu, c’est également l’impact sur les services des rectorats qui n’a pas été pensé ni construit. Christine Dubois, membre du bureau national du SEP UNSA (Syndicat de l’Education Populaire) souligne la difficulté et la lourdeur de la gestion de ce dispositif pour des personnels qui doivent gérer, sans véritable cadre, un dispositif peu clair en terme juridique (il fonctionne aujourd’hui sur la base légale d’un accueil collectif de mineurs). Le recrutement des encadrants, leur paiement de leur rémunération, le suivi de ces personnels s’ajoute pour l’instant aux personnels en charge d’autres missions. Sans parler du recrutement des jeunes volontaires, qui incombe aujourd’hui le plus souvent aux CPE des lycées.
Bien que 80 postes de responsables aient été créés sur le territoire national pour assurer le développement du SNU, aujourd’hui, à moins de 15 jours du séjour de février, tous ne sont pas effectivement pourvus.
Pour l’UNSA, la situation actuelle ne permet pas, loin s’en faut, d’envisager une généralisation du dispositif à tous les jeunes de 15 à 16 ans. Alors même que les difficultés se multiplient, la mise en marche forcée d’un tel dispositif ne peut déboucher que sur un dispositif insatisfaisant, voire contre-productif.
L’objectif annoncé de mixité sociale doit en priorité se réaliser sur le temps scolaire, et c’est avant tout au système éducatif qu’il faut en donner les moyens. La responsabilité éducative, d’encadrement et de sécurité que représente l’accueil de ces jeunes nécessite d’être davantage prise en compte.
C’est pourquoi l’UNSA Education demande que le SNU ne soit envisageable que sur la base du volontariat avec un accord des familles, que l’investissement des jeunes dans ce dispositif soit reconnu dans son parcours, que ce dispositif s’inscrive dans le respect du principe de laïcité et que ses objectifs soient éducatifs et non militaires. Pour cela, il est impératif que les encadrants soient formés aux problématiques de la gestion de groupe, aux valeurs de la République, aux enjeux de la mixité sociale, de genre et d’inclusion.
L’inadéquation actuelle entre les ambitions et les moyens ne peut pas aboutir à une mise en place satisfaisante du SNU.

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