Sait-on éduquer à la démocratie ? Entretien avec Guillaume Caron et Laurent Fillion

Guillaume Caron et Laurent Fillion sont professeurs et co-auteurs de « Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée » (ESFéditeur), ils répondent à nos questions sur l’axe démocratique que l’on peut donner à ce choix pédagogique.

En quoi la classe coopérative que vous pratiquez participe-t-elle de l’éducation à la démocratie ?

L’apprentissage de la démocratie comporte essentiellement deux volets :
– la mise en œuvre concrète de celle-ci au sein de la classe,
– des apprentissages variés qui permettent la formation de citoyens émancipés aptes à être acteurs éclairés d’une démocratie
Dans une classe coopérative, les élèves sont co-gestionnaires du fonctionnement. Avec les adultes, ils construisent ensemble les moyens d’apprendre par une coopération instituée et organisée. En ce sens, une partie du pouvoir est donc donnée aux élèves. Mais ils doivent apprendre à s’en servir pour créer des institutions de classe permettant de mieux apprendre ensemble. Le conseil coopératif est l’institution centrale d’une classe coopérative. C’est un temps de régulation, de discussion et de prise de décision. Les élèves vivent alors une forme de démocratie : ils constituent un ensemble de mini citoyens (démos) qui ont une partie du pouvoir (kratos). L’écoute mutuelle, la prise en compte de l’intérêt général, l’argumentation, l’empathie sont autant d’habiletés développées en classe coopérative. Toutefois, cette « mini société » a bien pour objectif central de mieux apprendre ensemble. Les apprentissages participent à la formation de citoyens émancipés. De part la diversité des situations proposées en classe coopérative (travail collaboratif, marché de connaissances, travail individualisé, projets, publications …), chacun parvient à trouver sa place et progresser bien au delà du trop simpliste « lire, écrire, compter, respecter autrui ».

 Vous différenciez dans votre pratique professionnelle individualisation et personnalisation des apprentissages. Pouvez vous préciser si cette différence impacte l’éducation du futur citoyen?
L’individualisation est un mode d’organisation pédagogique dans lequel chacun a un travail spécifique en fonction de ses acquis et de ses besoins. Elle est utile pour mieux faire progresser l’ensemble des élèves. Mais en faire un système qui régit la classe est d’une part peu viable mais c’est aussi un système qui présente de vrais écueils : risque d’adaptations permanentes, de tâches morcelées, baisse des exigences pour certains. Tout cela peut contribuer à creuser les inégalités, cantonner des élèves dans leur statut d’élèves en difficulté et favoriser des logiques de comparaisons et de compétition. C’est pourquoi, nous nous orientons davantage vers la personnalisation comme processus recouvrant plusieurs démarches. L’individualisation est l’une d’entre elles mais elle se complète avec des situations collectives et de la coopération. Pour schématiser, la personnalisation permet aux élèves d’apprendre dans un environnement social. C’est un enjeu majeur. Nous souffrons aujourd’hui d’un excès d’individualisme. Ce n’est pas pour rien que l’approche Montessori a le vent en poupe, elle est centrée sur l’individualisation. Nos influences sont plus proches de Freinet ou Oury pour lesquels la dimension sociale des apprentissages est capitale.

 Peut-on évaluer des compétences démocratiques ? Comment ? Quelle est votre expérience dans ce domaine ?
La question de l’évaluation des compétences sociales est complexe. Tout dépend de ce que l’on entend par évaluation. S’il s’agit d’être normatif, alors c’est une erreur. D’une part parce que vouloir « normer » des comportements n’aurait rien de démocratique, d’autre part parce que ces compétences ne sont pas mesurables. Ce sont aussi les limites des évaluations standardisées qui ne peuvent se limiter qu’à des capacités évaluables à grande échelle, faisant courir le risque que l’enseignement finisse par se réduire à cela. Mais dans une optique de rétroaction afin de mieux communiquer de manière non violente, d’argumenter, de savoir écouter, de coopérer alors l’évaluation formative a toute sa place. Nous utilisons, par exemple, des ceintures de coopération pour mieux aider les élèves à progresser dans ce domaine.
L’observation est souvent le moyen le plus simple et le plus adéquat pour évaluer ces compétences. Observation du professeur et des pairs. La co-évaluation voire l’autoévaluation sont en effet des pistes intéressantes.

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Guillaume Caron et Laurent Fillion sont professeurs et co-auteurs de « Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée » (ESFéditeur), ils répondent à nos questions sur l’axe démocratique que l’on peut donner à ce choix pédagogique.

En quoi la classe coopérative que vous pratiquez participe-t-elle de l’éducation à la démocratie ?

L’apprentissage de la démocratie comporte essentiellement deux volets :
– la mise en œuvre concrète de celle-ci au sein de la classe,
– des apprentissages variés qui permettent la formation de citoyens émancipés aptes à être acteurs éclairés d’une démocratie
Dans une classe coopérative, les élèves sont co-gestionnaires du fonctionnement. Avec les adultes, ils construisent ensemble les moyens d’apprendre par une coopération instituée et organisée. En ce sens, une partie du pouvoir est donc donnée aux élèves. Mais ils doivent apprendre à s’en servir pour créer des institutions de classe permettant de mieux apprendre ensemble. Le conseil coopératif est l’institution centrale d’une classe coopérative. C’est un temps de régulation, de discussion et de prise de décision. Les élèves vivent alors une forme de démocratie : ils constituent un ensemble de mini citoyens (démos) qui ont une partie du pouvoir (kratos). L’écoute mutuelle, la prise en compte de l’intérêt général, l’argumentation, l’empathie sont autant d’habiletés développées en classe coopérative. Toutefois, cette « mini société » a bien pour objectif central de mieux apprendre ensemble. Les apprentissages participent à la formation de citoyens émancipés. De part la diversité des situations proposées en classe coopérative (travail collaboratif, marché de connaissances, travail individualisé, projets, publications …), chacun parvient à trouver sa place et progresser bien au delà du trop simpliste « lire, écrire, compter, respecter autrui ».

 Vous différenciez dans votre pratique professionnelle individualisation et personnalisation des apprentissages. Pouvez vous préciser si cette différence impacte l’éducation du futur citoyen?
L’individualisation est un mode d’organisation pédagogique dans lequel chacun a un travail spécifique en fonction de ses acquis et de ses besoins. Elle est utile pour mieux faire progresser l’ensemble des élèves. Mais en faire un système qui régit la classe est d’une part peu viable mais c’est aussi un système qui présente de vrais écueils : risque d’adaptations permanentes, de tâches morcelées, baisse des exigences pour certains. Tout cela peut contribuer à creuser les inégalités, cantonner des élèves dans leur statut d’élèves en difficulté et favoriser des logiques de comparaisons et de compétition. C’est pourquoi, nous nous orientons davantage vers la personnalisation comme processus recouvrant plusieurs démarches. L’individualisation est l’une d’entre elles mais elle se complète avec des situations collectives et de la coopération. Pour schématiser, la personnalisation permet aux élèves d’apprendre dans un environnement social. C’est un enjeu majeur. Nous souffrons aujourd’hui d’un excès d’individualisme. Ce n’est pas pour rien que l’approche Montessori a le vent en poupe, elle est centrée sur l’individualisation. Nos influences sont plus proches de Freinet ou Oury pour lesquels la dimension sociale des apprentissages est capitale.

 Peut-on évaluer des compétences démocratiques ? Comment ? Quelle est votre expérience dans ce domaine ?
La question de l’évaluation des compétences sociales est complexe. Tout dépend de ce que l’on entend par évaluation. S’il s’agit d’être normatif, alors c’est une erreur. D’une part parce que vouloir « normer » des comportements n’aurait rien de démocratique, d’autre part parce que ces compétences ne sont pas mesurables. Ce sont aussi les limites des évaluations standardisées qui ne peuvent se limiter qu’à des capacités évaluables à grande échelle, faisant courir le risque que l’enseignement finisse par se réduire à cela. Mais dans une optique de rétroaction afin de mieux communiquer de manière non violente, d’argumenter, de savoir écouter, de coopérer alors l’évaluation formative a toute sa place. Nous utilisons, par exemple, des ceintures de coopération pour mieux aider les élèves à progresser dans ce domaine.
L’observation est souvent le moyen le plus simple et le plus adéquat pour évaluer ces compétences. Observation du professeur et des pairs. La co-évaluation voire l’autoévaluation sont en effet des pistes intéressantes.