Sagesse et ouverture d’esprit

Demain, troisième jeudi de novembre, est la journée mondiale de la philosophie, telle que l’a instituée l’UNESCO depuis 2005. Cette célébration de l’ « amour de la sagesse » est l’occasion de valoriser une réflexion critique et argumentée sur le monde et la place que l’homme y occupe.

Pour l’organisation onusienne pour l’éducation, la science et la culture, la philosophie permet de poser les bases de la démocratie et de la paix, puisqu’elle favorise la prise de conscience que nous appartenons tous à une même humanité.

C’est dans cette logique que l’UNESCO invite à développer et renforcer l’enseignement de la philosophie afin d’impulser et de nourrir « une réflexion critique, une pensée autonome et une attitude responsable ».

Notre système éducatif fait une bien maigre place à cet enseignement philosophique, puisqu’il est limité aux classes de terminale de l’enseignement général. Pourtant, de nombreuses expériences se développent pour introduire avec des enfants bien plus jeunes, une réflexion critique sur la vie, le monde, les relations à soi et aux autres.

Ainsi l’ESPé de Nantes a ouvert en octobre le premier diplôme français conduisant « à l’animation d’ateliers de philosophie avec les enfants et les adolescents à l’école et dans la cité ».

A l’université d’Amiens, Johanna Hawken donne un cours intitulé « la philosophie pour enfants et la réinvention d’une éducation de l’esprit ». Interrogée par ToutEduc, elle explique comment ses travaux la conduisent à mettre en évidence que si -jusqu’à peu- les chercheurs estimaient que la logique abstraite ne pouvait être accessible avant 12-15 ans, dorénavant c’est le postulat que tout le monde à des prédisposition philosophiques, même les enfants, qui domine.

S’appuyant sur les démonstrations du chercheur américain Matthew Lipman et les siennes, elle reconnait qu’il est impossible « d’établir de façon ferme et assurée les ingrédients nécessaires et suffisants pour philosopher avec des enfants ». Mais elle montre que les raisonnements, déductions, syllogismes peuvent être mobilisés à un bien plus jeune âge et qu’ainsi la philosophie, comme élaboration de la pensée, pourrait être envisagée dès les apprentissages de la moyenne section de maternelle. Cela ne peut se faire que dans le respect de l’évolution de l’esprit, du raisonnement et de la concentration de l’enfant. Mais aussi, et surtout, dans la qualité des interactions établies au sein des groupes. C’est en effet la confiance et la richesse des échanges qui permettent d’ouvrir l’esprit aux thèmes abordés, aux sujets partagés.

Globalement, il est d’ailleurs à constater que la philosophie se définit davantage aujourd’hui par sa capacité à aider à penser les enjeux de notre société en termes politiques, sociaux, moraux, juridiques, existentiels plutôt que de se structurer autour de ses maîtres à penser que des enjeux.

En 2015, le magazine sciences humaines introduisait ainsi le numéro spécial qui lui était consacré : « Plus éclatée, moins soumise à l’exégèse ou au recours à la filiation, la philosophie en France se veut désormais au carrefour des disciplines. En son sein même, les frontières se brouillent : la métaphysique renoue avec le réalisme, la philosophie sociale se mêle de politique, les philosophes moraux débattent sur la question du droit des animaux ; la conscience est interrogée à l’aune des neurosciences et des nouvelles technologies. Quant à la démocratie libérale, elle fait l’objet d’une vigie inquiète de la part d’une nouvelle génération de philosophes politiques qui cherche à la réenchanter.

S’immisçant dans les débats portés par les sciences humaines, comme le genre, ou la biologie et le vivant, la philosophie sait aussi parler au grand nombre quand elle prétend nous aider à mieux vivre. Loin des amphis, elle se déplace enfin dans les lieux où on ne l’attend pas : les hôpitaux, le cinéma, la télévision, les centres de sciences cognitives, dont elle se nourrit en retour pour se réinventer… »

Nul doute que c’est dans cette logique que les médias sollicitent les penseurs qui élaborent leurs propres démarches intellectuelles comme ceux qui étudient les philosophes passés à venir éclairer les débats politiques du notre quotidien. Que le monde de l’entreprise fait appel à la philosophie pour repenser la place du travail et des relations humaines. Que même le handicap devient objet de la pensée critique lorsqu’il est abordé par des philosophes comme Bertrand Quentin, auteur de La philosophie face au handicap.

Les ateliers philosophiques, en classe comme en dehors de l’école, entre enfants comme entre adultes, forgent la capacité de penser par soi-même tout en sachant accueillir la réflexion de l’autre. Ils sont autant de lieux d’échange et d’élaboration d’une réflexion sur notre engagement à édifier un monde réellement humaniste, solidaire et éthique. Ils permettent l’émancipation en affirmant la capacité des idées à la transformation sociale.

Dans cette Education critique, la philosophie propose la recherche d’une sagesse pour le présent et l’ouverture de l’esprit en quête de vérité.

 

Denis ADAM, le 15 novembre 2017
 

 

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Demain, troisième jeudi de novembre, est la journée mondiale de la philosophie, telle que l’a instituée l’UNESCO depuis 2005. Cette célébration de l’ « amour de la sagesse » est l’occasion de valoriser une réflexion critique et argumentée sur le monde et la place que l’homme y occupe.

Pour l’organisation onusienne pour l’éducation, la science et la culture, la philosophie permet de poser les bases de la démocratie et de la paix, puisqu’elle favorise la prise de conscience que nous appartenons tous à une même humanité.

C’est dans cette logique que l’UNESCO invite à développer et renforcer l’enseignement de la philosophie afin d’impulser et de nourrir « une réflexion critique, une pensée autonome et une attitude responsable ».

Notre système éducatif fait une bien maigre place à cet enseignement philosophique, puisqu’il est limité aux classes de terminale de l’enseignement général. Pourtant, de nombreuses expériences se développent pour introduire avec des enfants bien plus jeunes, une réflexion critique sur la vie, le monde, les relations à soi et aux autres.

Ainsi l’ESPé de Nantes a ouvert en octobre le premier diplôme français conduisant « à l’animation d’ateliers de philosophie avec les enfants et les adolescents à l’école et dans la cité ».

A l’université d’Amiens, Johanna Hawken donne un cours intitulé « la philosophie pour enfants et la réinvention d’une éducation de l’esprit ». Interrogée par ToutEduc, elle explique comment ses travaux la conduisent à mettre en évidence que si -jusqu’à peu- les chercheurs estimaient que la logique abstraite ne pouvait être accessible avant 12-15 ans, dorénavant c’est le postulat que tout le monde à des prédisposition philosophiques, même les enfants, qui domine.

S’appuyant sur les démonstrations du chercheur américain Matthew Lipman et les siennes, elle reconnait qu’il est impossible « d’établir de façon ferme et assurée les ingrédients nécessaires et suffisants pour philosopher avec des enfants ». Mais elle montre que les raisonnements, déductions, syllogismes peuvent être mobilisés à un bien plus jeune âge et qu’ainsi la philosophie, comme élaboration de la pensée, pourrait être envisagée dès les apprentissages de la moyenne section de maternelle. Cela ne peut se faire que dans le respect de l’évolution de l’esprit, du raisonnement et de la concentration de l’enfant. Mais aussi, et surtout, dans la qualité des interactions établies au sein des groupes. C’est en effet la confiance et la richesse des échanges qui permettent d’ouvrir l’esprit aux thèmes abordés, aux sujets partagés.

Globalement, il est d’ailleurs à constater que la philosophie se définit davantage aujourd’hui par sa capacité à aider à penser les enjeux de notre société en termes politiques, sociaux, moraux, juridiques, existentiels plutôt que de se structurer autour de ses maîtres à penser que des enjeux.

En 2015, le magazine sciences humaines introduisait ainsi le numéro spécial qui lui était consacré : « Plus éclatée, moins soumise à l’exégèse ou au recours à la filiation, la philosophie en France se veut désormais au carrefour des disciplines. En son sein même, les frontières se brouillent : la métaphysique renoue avec le réalisme, la philosophie sociale se mêle de politique, les philosophes moraux débattent sur la question du droit des animaux ; la conscience est interrogée à l’aune des neurosciences et des nouvelles technologies. Quant à la démocratie libérale, elle fait l’objet d’une vigie inquiète de la part d’une nouvelle génération de philosophes politiques qui cherche à la réenchanter.

S’immisçant dans les débats portés par les sciences humaines, comme le genre, ou la biologie et le vivant, la philosophie sait aussi parler au grand nombre quand elle prétend nous aider à mieux vivre. Loin des amphis, elle se déplace enfin dans les lieux où on ne l’attend pas : les hôpitaux, le cinéma, la télévision, les centres de sciences cognitives, dont elle se nourrit en retour pour se réinventer… »

Nul doute que c’est dans cette logique que les médias sollicitent les penseurs qui élaborent leurs propres démarches intellectuelles comme ceux qui étudient les philosophes passés à venir éclairer les débats politiques du notre quotidien. Que le monde de l’entreprise fait appel à la philosophie pour repenser la place du travail et des relations humaines. Que même le handicap devient objet de la pensée critique lorsqu’il est abordé par des philosophes comme Bertrand Quentin, auteur de La philosophie face au handicap.

Les ateliers philosophiques, en classe comme en dehors de l’école, entre enfants comme entre adultes, forgent la capacité de penser par soi-même tout en sachant accueillir la réflexion de l’autre. Ils sont autant de lieux d’échange et d’élaboration d’une réflexion sur notre engagement à édifier un monde réellement humaniste, solidaire et éthique. Ils permettent l’émancipation en affirmant la capacité des idées à la transformation sociale.

Dans cette Education critique, la philosophie propose la recherche d’une sagesse pour le présent et l’ouverture de l’esprit en quête de vérité.

 

Denis ADAM, le 15 novembre 2017