Retraites : quand le Figaro, dénigrant les fonctionnaires, glisse vers l’antimilitarisme
S’appuyant sur un rapport (à venir) sur le financement des retraites des fonctionnaires, le Figaro use d’arguments qui ne manquent pas de surprendre de sa part : jusqu’à l’antimilitarisme sommaire, en fait. Mais tout est bon quand il s’agit de s’en prendre à ceux qui, au quotidien, font vivre le service public.
Or donc, le Figaro dont on sait la grande affection qu’il porte aux fonctionnaires, « s’est procuré » comme on dit un rapport du Conseil d’orientation des retraites sur le financement des retraites des fonctionnaires. Et de tirer avec ce sens de la nuance et de la mesure qui force l’admiration:
«Retraites des fonctionnaires : un gouffre pour l’État.»
Son information est d’ailleurs reprise par Les Échos qui expliquent que :
«Plus d’un quart des pensions de la fonction publique d’État seulement peut être financé par les cotisations, contre 82,9 % pour le régime des salariés du privé. Résultat, les pensions du public sont financées à 73 % par des subventions de l’État, qui pèsent 37,3 milliards d’euros, explique Le Figaro qui regrette que la réforme Ayrault des retraites ne se donne pas pour but de résorber le déficit du régime public.»
Différence importante, majeure, colossale et toute en finesse pour le Figaro : le régime des salariés du privé ne bénéficie pas de subventions, mais des taxes lui sont affectées (11% du financement).
Une nouvelle fois, d’un rapport (que nous étudierons quand on il sera rendu public) dont il ressortirait que :
«ce régime est plus généreux que celui des salariés du privé. Les «dispositifs de solidarité» représentent ainsi 27,9 % des pensions versées, contre 16,2 % dans le privé. Le gros de ces dépenses provient du financement des départs anticipés à la retraite, par exemple des militaires, souligne le COR.»
Et voilà. Une fois de plus on connaît le coupable, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal le fonctionnaire, bien entendu…
… comme s’il ne suffisait pas qu’à qualification égale, c’est reconnu, sa rémunération soit inférieure (surtout après quatre années de gel de la valeur du point d’indice) ;
… comme s’il n’avait pas été établi qu’à niveau de rémunération égale les pensions n’étaient pas aujourd’hui relativement du même niveau ;
… comme s’il fallait en rester à une comparaison globale, jamais vraiment globale du reste dans laquelle on comparer les salariés dans leurs diversités aux seuls agents de la Fonction publique de l’État dans lesquels la catégorie A dominie en raison du poids numérique des enseignants (en oubliant au passage les versants «hospitalier» et surtout «territorial» où la catégorie C prédomine… un hasard régulier pour tous ces gens qui nous veulent du bien (autant dans le secteur privé comparer les pensions des salariés en général avec ceux des grandes sociétés de service informatique où l’emploi est hautement qualifié et conclure que l’inégalité à la retraite est le scandale absolu) ;
… comme si, pour les fonctionnaires de l’État, en raison même de la nature de la carrière statutaire, la pension n’était pas versée par l’employeur public qui assume sans le faire assurer par d’autres le fait qu’il a fait le choix depuis des années de geler les recrutements et d’avoir, comme ce serait le cas dans n’importe quelle grande entreprise ayant une convention collective digne de ce nom des salariés dont la rémunération moyenne sera plus élevée.
Il y a évidemment une solution mécanique au déséquilibre : recruter par centaines de milliers de jeunes fonctionnaires qui, pendant une quarantaine d’années, vont contribuer sans toucher de pension à l’équilibre financier si cher au cœur du Figaro qui, du bout des lèvres, veut cependant bien reconnaître que.
« Certes, l’équilibre démographique de ce régime (le rapport entre actifs et retraités) est déstabilisé par la politique de réduction des effectifs de l’État. »
Mais quand on prévoit de créer 60 000 emplois en cinq ans dans l’éducation, le Figaro n’est pas le dernier à hurler à l’insupportable accroissement de la dépense publique. La vie est bien compliquée, mais c’est sûrement la faute des fonctionnaires.
Des arguments surprenants
de la part du Figaro
Dans cette argumentation, tous les arguments sont employés, y compris le fait qu’on impute aux fonctionnaires en général, et notamment aux fonctionnaires civils, des éléments très particuliers, comme le poids des « dispositifs de solidarité » en visant les retraites anticipées y compris celles des militaires.
L’argument vaut qu’on s’y arrête. Les retraites anticipées pour les parents de trois enfants ont vécu. Concernant les services actifs, le volume en a considérablement été réduit, notamment depuis l’intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et, dans la Fonction publique hospitalière, il s’éteint pour les mêmes raisons pour les infirmières. Il reste le cas des pensions pour invalidité… qui avant l’âge légal de la retraite dans le régime général sont prises en charge par l’assurance maladie ;
Reste encore la situation des fonctionnaires de police dont on attend qu’ils aient la condition physique pour courir (et surtout rattraper les délinquants) et dont on ne saurait oublier qu’ils sont aussi astreints à une activité continue (jour/nuit ; présence sur le terrain y compris les week-ends et jours fériés). Reste enfin le surprenant reproche des retraites anticipées des militaires dont les limites d’âge est fixée par grades. Peut-être le Figaro considère-t-il, dans son allégresse anti-fonctionnaires, qu’à une prochaine opération extérieure des armées françaises ont pourrait efficacement utiliser des chefs de section essoufflés après cent mètres et des commandants de compagnie en déambulateurs.
Triste époque quand même, si l’on considère le fond des chose et si l’on décortique l’argumentaire, que celle où le Figaro, pour nourrir son obsession antifonctionnaires, en est réduit, de fait à s’en prendre aux invalides, aux policiers, aux officiers et sous-officiers de carrière… en oubliant au passage quelques détails comme l’accroissement en cours, constant et régulier, de la cotisation «pension» prélevée sur le traitement brut des fonctionnaires.
Chaque premier janvier, elle augmente pour atteindre progressivement le même niveau global que celui des salariés (assurance-vieillesse de la Sécurité sociale, mais aussi retraites complémentaires obligatoires qu’on oublie trop souvent des de hâtives comparaisons). En la matière, c’est le principe d’égalité qui importe. Mais cet oubli de l’effort subi par les fonctionnaires ne saurait être qu’une distraction du Figaro et des Échos.