Analyses et décryptages

Repensons l’éducation à la citoyenneté pour relever les défis de la crise démocratique

Le conseil supérieur de l'éducation était consulté ce mercredi 22 mai sur les nouveaux programmes de l'enseignement moral et civique, du niveau école au niveau lycée, une mesure annoncée à la rentrée 2023 alors que Gabriel Attal était ministre de l'éducation. Les membres du CSE se sont largement opposés à cette réécriture, avec 51 voix contre, 10 abstentions et 4 voix pour seulement : ces programmes sont décevants, car ils réduisent la citoyenneté à des connaissances, qu'on apprend par coeur, et non à des compétences civiques qui permettent d'être acteurs et actrices de la société. Ces nouveaux programmes sont utilisés pour faire la promotion du service national universel, ce qui ne semble pas être le rôle d'un programme scolaire. Face à une vision étriquée de la citoyenneté, la FAGE, les lycéens et l'UNSA Éducation veulent porter au débat public un ensemble de contre-propositions pour une éducation à la citoyenneté véritablement vécue par les élèves, pour apprendre à chacun et chacune à devenir acteur et actrice de la démocratie, dans toutes ses dimensions politiques, associatives et syndicales.

Les élections européennes s’approchent, la campagne est lancée et les premiers sondages font la une. Un élément sera incontournable dans le débat : la participation électorale et notamment celle des jeunes. A quelques semaines du jour du scrutin, la FAGE, les Lycéens et l’UNSA Éducation s’alarment de voir que cet enjeu n’est pas appréhendé à sa juste valeur.

Emmanuel Macron a exposé récemment un nouveau concept : le « réarmement civique » de la jeunesse. La FAGE, les Lycéens et l’UNSA Éducation considèrent que les propositions portées par l’exécutif s’appuient sur de vieilles solutions et ne répondent pas à la crise durable de notre démocratie. Nos organisations veulent prendre part au renouveau démocratique. L’éducation à la citoyenneté est une réponse incontournable pour cela.

Près de la moitié des jeunes n’ont pas voté au premier tour des élections présidentielles de 2022, et l’abstention progresse à tous les âges. Loin d’être le symptôme d’une jeunesse désintéressée par la politique, ce phénomène interroge la stabilité de notre système, dont le fonctionnement ne convient plus à toute une génération. C’est une crise de confiance envers la démocratie représentative.

Quand l’abstention est en hausse, quand l’utilisation massive de l’article 49-3 à l’Assemblée nationale fragilise l’équilibre des pouvoirs, quand l’extrême-droite devient de plus en plus puissante et se banalise dans les espaces médiatiques et politiques, il y a de quoi s’inquiéter, alors que les élections européennes sont dans quelques semaines.

Les solutions avancées par Emmanuel Macron depuis sa prise de fonction sont loin d’être convaincantes. Le Service National Universel pose question : c’est un dispositif à 2 milliards d’euros qui fait couler beaucoup d’encre, alors que nous avons besoin d’un parcours citoyen cohérent permettant à la jeunesse de s’émanciper. L’objectif de mixité sociale donné au SNU devrait être assuré au sein de l’École dès le plus jeune âge. Alors pourquoi les mesures annoncées en mars 2023 pour l’enseignement privé ne sont-elles pas mises en œuvre ? Dans ce parcours citoyen, pour apprendre à vivre ensemble, nous avons besoin de démocratie à toutes les étapes de la vie, pour qu’enfants et adolescentEs soient associéEs aux prises de décisions et que leur parole soit écoutée.

En totale déconnexion avec les enjeux de mixité sociale, Emmanuel Macron prévoit d’imposer le port de l’uniforme dans l’enseignement primaire et secondaire.  Pour la FAGE, les Lycéens et l’UNSA, faire nation se réalise autour de principes et d’idées partagés et non pas autour d’un vêtement.

Pire encore, cette mesure supplémentaire coûte cher alors même que le budget de l’éducation nationale a récemment été amputé de près de 700 millions d’euros.

La seule solution de long terme est l’éducation. L’enseignement de l’EMC doit être accessible à des professeurEs de toutes disciplines forméEs pour cela, et cet enseignement doit mieux intégrer les mondes associatif et syndical. L’enseignement moral et civique doit être renforcé, avec un programme centré sur des méthodes actives, qui intègre mieux l’éducation aux médias et à l’information et l’utilisation des réseaux sociaux. Chaque citoyenNE doit être en mesure d’user de son esprit critique, de détecter les fausses informations et de se forger un avis éclairé face à l’actualité.

L’apprentissage de la laïcité, l’éducation à l’égalité entre les genres, l’action contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sont autant de moyens de construire la citoyenneté.

Il s’agit de faire vivre la citoyenneté à l’École avec de nouveaux espaces de projet et d’expression pour la démocratie collégienne et lycéenne, pour améliorer le climat scolaire. Par conséquent, nos organisations appellent à ce que les institutions de la démocratie scolaire puissent évoluer pour être mieux valorisées. Dès les plus petites classes, ces fonctions, du délégué de classe à l’élu en CVL, doivent être un premier apprentissage des fonctions représentatives, pour apprendre à animer, à créer du consensus, à argumenter et à représenter ses pairs.

Nous revendiquons également la mise en place de journées citoyennes tout au long du parcours scolaire, afin de mettre en valeur les différents moyens d’exprimer sa citoyenneté : monde associatif, éducation populaire, engagements bénévoles, secourisme et engagement dans les différentes formes de réserve des forces de sécurité. Nous proposons que les deux semaines de juin en fin de seconde soient utilisées pour ces journées citoyennes au lieu de les consacrer au SNU.

L’éducation au politique doit être plus concrète, questionner les modes de vote et de scrutin, et envisager toutes les formes démocratiques. Les programmes disciplinaires doivent permettre d’apprendre à confronter ses idées, pour pleinement s’exprimer, en donnant beaucoup plus de place à l’expression orale.

De nombreuses compétences citoyennes sont acquises au long de la vie, nous souhaitons qu’elles soient valorisées à travers un certificat citoyen. Passer son Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur (BAFA), être titulaire du code de la route, du certificat PSC1 (Prévention et secours civiques de niveau 1) ou encore du PSSM (Premiers Secours en Santé Mentale) sont des atouts essentiels pour se construire en tant que citoyenNE.

La FAGE, les Lycéens et l’UNSA souhaitent également qu’un réel travail soit fourni pour lutter contre les inégalités sociales en milieu scolaire et contre le harcèlement.

Consulter les premierEs concernéEs, s’appuyer sur des données scientifiques, et œuvrer pour l’émancipation de chaque citoyenNE : voilà les enjeux que nous devons relever pour proposer une nouvelle éducation à la citoyenneté.

Marc Kühner, président de « les Lycéens »

Maëlle Nizan, présidente de la FAGE

Morgane Verviers, secrétaire générale de l’UNSA Éducation

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