Analyses et décryptages

Réforme des programmes : les mauvais signaux envoyés par le gouvernement

La ministre de l’Education nationale, Nicole Belloubet, a saisi le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) ce 13 mars afin de « mettre en œuvre le choc des savoirs ». La mission du CSP est vaste : refondre le socle commun, réécrire les programmes de français et de mathématiques des cycles 3 et 4 mais aussi celui des langues de la 6e à la terminale. Depuis janvier, il est aussi mandaté pour réécrire les programmes de français et mathématiques de la maternelle au CE2. La réforme voulue par Gabriel Attal, soutenue envers et contre tous les professionnels de l’éducation, concrétise son orientation conservatrice et trop peu tournée vers l’avenir.

Le socle commun, resserré, met l’accent sur le français et les mathématiques

Le socle commun devra s’articuler autour de 4 grands axes :

  • Connaissances et compétences fondamentales en français
  • Connaissances et compétences fondamentales en mathématiques
  • Compétences psychosociales (« travaillées dans toutes les disciplines»).
  • Connaissances de culture générale, littéraire, artistique, scientifique et technique.

 

Les compétences psychosociales apparaissent comme « indispensables », on peut s’en réjouir. Mais sans cadre précis, ni ressources spécifiques, ni temps dédiés, chacun pourra s’en emparer … ou non… et c’est bien là le risque. Travailler les compétences cognitives, émotionnelles ou sociales ne se fait pas de façon empirique. Une formation, des appuis scientifiques et bibliographiques sont nécessaires. Dans sa lettre de saisine, la ministre ne cite que le référentiel Santé publique France, austère et peu adapté à des séances pédagogiques. Tout est donc à créer.

Pour le reste, le français et les mathématiques apparaissent, sans surprise, comme l’alpha et l’oméga de la réussite scolaire :  à charge des autres disciplines « d’identifier précisément (…) leur contribution à la mobilisation de ces compétences fondamentale ». On note également que l’histoire des arts fera son grand retour et que la culture générale commune construite à base de grands repères doit, « permettre à chaque élève d’être un acteur de sa vie et un citoyen engagé au service de l’intérêt général ». Tout cela sent bien le réchauffé.

 

Des choix conservateurs

 Marqueur du camp conservateur, le « par cœur » est de nouveau valorisé.  Ses bienfaits ne sont pourtant toujours pas prouvés scientifiquement. Les « grands repères » culturels font aussi leur retour. L’expérience, déjà tentée, montrent que vides de sens, ils ne sont pour les élèves qu’une liste fastidieuse à apprendre sans résonance avec leur quotidien.

Les langues vivantes replongent aussi dans le XXe siècle : les enseignements devront développer la civilisation et la grammaire. Une approche passéiste quand, dans la plupart des pays européens, ce sont les situations de communications qui sont privilégiées.

A l’inverse, les enjeux primordiaux de nos sociétés contemporaines, ne font l’objet que de simples allusions. Les cadrages sur le climat, qui impacte fortement l’école ou l’IA qui fragilise la démocratie, sont indigents. On y lit seulement que l’ensemble des enseignements doit « contribuer explicitement à l’acquisition par les élèves de connaissances et de compétences précises dans le domaine de l’éducation au développement durable et à la transition écologique », rien de plus.  De même une rapide allusion est faite à l’intelligence artificielle (IA), incitant à créer une « culture de l’IA », mais sans directives claires.

 

Une inspiration inadaptée

 La réforme veut s’inspirer en mathématique du modèle singapourien « manipuler, représenter, abstraire ». Ce modèle que le gouvernement semble ériger en solution miracle, est ambitieux et s’applique dans des conditions très différentes de chez nous. Dans son article La méthode de Singapour : surface émergée de l’iceberg singapourien, Jean-Michel Jamet rappelle que dans la cité-État, les professeur.es sont plus nombreux.ses et font face à des effectifs d’élèves réduits. Ils et elles bénéficient d’une formation continue intensive tout au long de leur carrière. De même les classes sociales sont globalement homogènes dans la société singapourienne. Ce modèle, paraît inapplicable à la France sauf à y mettre des moyens conséquents.

 

L’UNSA Éducation est préoccupée par les choix faits et développés par le gouvernement. Les programmes à venir sont conservateurs dans le fond et la forme. Il ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Il rêve une École sépia, très loin des enjeux du futur et de la réalité des élèves de notre pays. Une copie à revoir. Vite.

 

Pour aller plus loin :

Lettre de saisine de la ministre.

Article sur les limites du « kit empathie »

Article sur la méthode de Singapour

Article de JM Jamet

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