Analyses et décryptages

Protocole mixité du privé sous contrat : déceptions et inquiétudes

Sans omettre la volonté initiale du ministre de l'Éducation nationale, le protocole d’accord signé récemment avec les représentants de l’enseignement catholique est largement décrié par l’ensemble des acteurs impliqués pour une plus grande mixité sociale et scolaire dans les EPLE. S’il ne s’agissait que d’un plan au rabais n’ayant aucun effet, car non contraignant, ce serait déjà un encouragement à accentuer encore la ségrégation. Mais il y aura des effets et ils ne seront pas à l’avantage des écoles et établissements publics et accentueront le manque de mixité. L’UNSA Education décrypte pour vous ce protocole et ses conséquences probables.

D’un côté il y a les bonnes intentions, les bonnes paroles du privé sous contrat.

Elles ne reposent que sur la volonté des acteurs du secteur privé car rien n’est contraignant pour eux. Pourquoi s’étendre sur ce qui est dit dans ce cas ? Ceux-ci ont montré, depuis de nombreuses années, qu’ils n’ont aucun intérêt à œuvrer pour davantage de mixité, bien au contraire. L’entre-soi est leur fond de commerce.

 

  • Inciter à moduler les tarifs en fonction de critères sociaux.
  • Viser un doublement du taux de boursiers en 5 ans.
  • Publier un indicateur, au niveau national, concernant les élèves à besoins particuliers.

 

De l’autre, il y a des engagements de l’Etat.

Le premier d’entre eux est de continuer à faire confiance et à financer le secteur privé sous contrat sans même en maîtriser la répartition des moyens.

 

  • Faire et financer la publicité du secteur privé sous contrat alors qu’il bénéficie déjà d’un large financement sans avoir les mêmes obligations que le secteur public.
  • Envisager de nouveaux avantages fiscaux en matière immobilière pour les établissements privés sous contrat.
  • Encourager les collectivités à verser de nouvelles subventions au secteur privé sous contrat.
  • Envisager une modification réglementaire obligeant les collectivités locales à verser des subventions au secteur privé au-delà des obligations actuelles.
  • Favoriser les nouvelles implantations et l’ouverture de sections attractives au sein de quartiers populaires.

 

Quelles seront les conséquences probables de ce protocole non contraignant ?

 

  • La réduction des moyens du secteur public au profit du secteur privé sous contrat.
    • Même si aujourd’hui, la plupart des collectivités locales ne souhaitent pas financer le secteur privé au-delà de leurs strictes obligations, certaines, plus zélées, pourraient être tentées de le faire. Si le cadre législatif venait à être modifié, ce serait encore pire car elles y seraient obligées.
    • La publicité faite pour le secteur privé à un coût.
    • Les nouveaux avantages fiscaux accordés pèseront sur les finances de l’Etat et amélioreront les comptes des établissements privés sous contrat.

 

  • La fuite d’élèves vers le secteur privé sous contrat sera encouragée.
    • La publicité faite pour le secteur privé peut détourner de nouveaux élèves du secteur public.
    • Les nouvelles implantations accentueront et étendront le phénomène de gentrification à l’œuvre depuis plusieurs décennies à de nouveaux quartiers péri-urbains.
    • La liberté de recrutement permettra de siphonner les meilleurs élèves boursiers du secteur public. Cela entretiendra et accentuera de fait, le phénomène d’évitement déjà à l’œuvre.
    • L’ouverture de sections attractives, mise en avant par ailleurs comme une façon d’éviter les contournements, sera facilitée, vidant un peu plus encore le secteur public d’élèves en réussite scolaire.

 

Si on devait résumer on pourrait dire : des moyens en moins pour le public et une aggravation de la ségrégation sociale et scolaire.

 

Nous n’avons pas le temps d’attendre 5 années supplémentaires pour enrayer ces dérives. Pour l’UNSA Éducation, il faut un nouveau plan contraignant et l’État doit reprendre le contrôle sur les moyens financiers et humains mis à disposition du secteur privé sous contrat, notamment en affectant lui-même les moyens dans chaque établissement plutôt que de laisser perdurer les arrangements internes totalement opaques.

 

Lire la tribune du CNAL

 

Sélectionnés pour vous
+ d’actualités nationales