Analyses et décryptages

Plateforme Avenir(s) de l’Onisep : une révolution dans l’orientation scolaire ?

Le 23 avril 2024, la directrice générale de l’Onisep, Frédérique Alexandre-Bailly, a présenté la plateforme Avenir(s) aux syndicats. Cette initiative ambitieuse, qui devrait être accessible à l'automne prochain, s'inscrit dans le cadre de la promotion de l'éducation à l'orientation et de la valorisation des compétences des jeunes. Dans un contexte financier dégradé et de frilosité des collectivités locales parties prenantes dans le déploiement, la réussite est impérative pour l'opérateur.

La plateforme Avenir(s), ainsi que son portfolio associé, est conçue pour simplifier les démarches d’orientation et réduire le stress lié à ce processus crucial pour les jeunes. Elle repose sur un travail collaboratif mené avec diverses équipes de recherche (Cnam, UPC, Cereq, Learning Planet Institute), et vise à garantir une plus grande égalité des chances pour tous les élèves. Les données des portfolios seront transférables vers d’autres plateformes notamment celles des universités et le passeport des compétences (ouvert pour tous à partir de 15 ans) du ministère du Travail.

Parmi les objectifs d’Avenir(s) figurent la facilitation de l’accès aux professionnels de l’éducation et de l’orientation, ainsi que la satisfaction de toutes les parties prenantes. La plateforme offrira des outils numériques conformes au RGPD, avec des fonctionnalités adaptées à chaque  élève, de la 5e à la terminale et mettra l’accent sur l’éducation au choix, encourageant les jeunes à prendre des décisions éclairées en continu. 

L’élève aura ainsi accès à une interface responsive adaptée aux smartphones, avec des recommandations comme, par exemple : « As-tu  prévu d’aller à des journées portes ouvertes ? », et une personnalisation des recommandations selon ses réponses. Des objectifs annuels seront fixés selon le niveau de sa classe et il s’auto-évaluera pour savoir s’il a atteint chaque objectif.  Seront également disponibles des outils en libre accès, des liens vers des outils nationaux et locaux (banque de stages…) et d’autres dispositifs spécifiques, ouverts par l’enseignant qui l’accompagne. 

Les accompagnateurs disposeront de profils dédiés pour chaque métier, ainsi que d’un ensemble de ressources pédagogiques et d’outils de suivi des élèves. Ils y trouveront aussi une offre de formation à l’orientation, des groupes d’échanges de pratiques et une visibilité des événements nationaux et locaux sur l’orientation.

Concrètement, la ministre de l’Éducation nationale présentera cette initiative aux recteurs en août prochain,  pour l’intégrer dans la circulaire de rentrée. La création des comptes des élèves est prévue pour le retour des vacances de la Toussaint, mais ne sera pas assurée par les chefs d’établissement.

À partir de 2025, la plateforme sera ouverte aux étudiants en réorientation, inscrits en BTS et en CPGE.. Elle sera ensuite déployée pour répondre aux besoins spécifiques des décrocheurs et des apprentis, et sera accessible  aux associations d’éducation populaire œuvrant pour l’égalité des chances.

Enjeux et problèmes soulevés

Malgré cette présentation prometteuse, la plateforme Avenir(s) suscite des interrogations et soulève des problématiques importantes.

Tout d’abord, la question de son  modèle économique. Alors que l’Onisep affirme mettre gratuitement à disposition la plateforme (qui sera un outil national), des ressources propres  seront nécessaires pour financer, en amont, son accès. Si des partenariats avec des branches professionnelles, et la vente de collections imprimées  sont envisagés, les élus régionaux s’inquiètent déjà des éventuels coûts qui leur incomberaient. Tout en démentant cette inquiétude, la directrice générale laisse toutefois entendre que toute prestation de services spécifiques demandée par les Régions pourrait être payante.

Par ailleurs, la confidentialité des données demeure une préoccupation majeure. Malgré les assurances de sécurité, des interrogations persistent quant à la protection des données personnelles des utilisateurs (dont beaucoup seront mineurs). D’ailleurs, la question de la transparence et de l’accessibilité à l’étude d’impact (AIPD), conformément aux exigences du RGPD, n’a, pour le moment, reçu aucune réponse satisfaisante.

Enfin, l’impact de la plateforme sur le fonctionnement de l’Onisep lui-même, est source d’inquiétude. Avec la volonté affirmée de la directrice générale de faire d’Avenir(s) le levier principal de l’évolution de  l’Office, des ajustements importants seront nécessaires. Cela entraînera fatalement des conséquences organisationnelles et structurelles, qu’il  faudra accompagner et qui ne doivent pas se faire au détriment des personnels.

Certes, la plateforme Avenir(s) devrait représenter une avancée significative dans le domaine de l’orientation scolaire, mais son déploiement nécessitera une vigilance continue, que l’Unsa-Éducation exercera. 

 

En effet, pour  l’UNSA-Éducation, l’orientation doit relever d’un choix positif, doit permettre une réelle insertion et doit bénéficier de passerelles et de dispositifs de réorientation entre les formations, afin d’autoriser une certaine flexibilité dans les parcours d’études.

Un outil, aussi bien fait soit-il, ne saurait remplacer un accompagnement humain, de qualité, dispensé par des professionnels formés et dont c’est le métier.  Parmi eux, il faut  s’appuyer sur les compétences des psychologues de l’Éducation nationale, spécialisés dans l’éducation, le développement et l’orientation (Psy EN Edo). 

Au-delà de l’accompagnement de l’orientation au sein des établissements scolaires, il revient également à l’État, de garantir l’existence d’un réseau de centres d’information et d’orientation de proximité, capables d’accueillir tous les publics, pour leur offrir un service d’information neutre et gratuit, assuré par des professionnels sur site.

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