Petit Établissement : Avantage ou inconvénient ?

Collège, Lycée…dans l’inconscient collectif, ce type d’établissement, qui marque la transition avec l’école primaire, est la plupart du temps synonyme d’un départ vers un établissement dans lequel il va falloir être plus autonome et donc, bien souvent, d’un établissement « à grande échelle ». Et pourtant, ce n’est pas toujours le cas…

Gilles Guézennec, Secrétaire Départemental du SNPDEN-Unsa de l’Orne et Proviseur du LP Flora Tristan de La Ferté Macé, évoque, pour nous, la problématique des « Petits Établissements ».


Quels sont les avantages et les inconvénients d’un « petit établissement » que ce soit d’un point de vue administratif ou pédagogique?

Le problème essentiel posé par les petits établissements est qu’ils sont très gourmands en moyens pédagogiques et éducatifs. Les faibles effectifs nécessitent quand même une structure minimale incompressible. Ainsi un collège rural scolarisant entre 150 et 180 élèves, soit 40/45 élèves par niveau, nécessite l’attribution de moyens permettant de maintenir deux divisions par niveau (soit des classes d’une vingtaine d’élèves). Par contre un collège urbain qui va compter le double d’effectifs peut fonctionner avec seulement trois divisions par niveau, chacune avoisinant les trente élèves.

Le mécanisme est le même avec les moyens d’éducation et de surveillance, puisqu’il est difficilement concevable d’assurer la sécurité à moins de deux assistants d’éducation par jour, alors que proportionnellement aux effectifs les gros établissements sont moins bien dotés.
On pourrait penser que ce relatif confort dans l’encadrement des élèves est un meilleur gage de réussite. Les résultats tendent à montrer qu’il n’en est rien. Si les taux de réussite au DNB sont effectivement très satisfaisants dans les petits collèges, une analyse du devenir des élèves qui en sont issus a montré qu’ils étaient proportionnellement plus nombreux à connaître des difficultés en seconde. Il n’y a bien sûr aucune raison de penser que les collégiens d’origine rurale sont moins intelligents que leurs camarades des villes ! Les raisons des difficultés que certains rencontrent tiennent sans doute davantage à un excès de « cocooning » qui leur a moins permis de développer les qualités d’adaptation et l’accès à l’autonomie nécessaires pour réussir au lycée.

On note également un manque de mobilité plus important chez les élèves issus des petits collèges, qui limite l’éventail des possibles en matière d’orientation. Les familles ont tendance à privilégier la proximité de l’établissement d’accueil plutôt qu’un projet plus conforme aux aptitudes et à la motivation du jeune, mais qui impliquerait une inscription dans un établissement de formation plus distant du domicile, et une scolarité en internat.
Une autre caractéristique des petits établissements est qu’ils offrent moins de postes à temps complet pour les enseignants, notamment dans certaines disciplines dont l’horaire est plus réduit : on y compte donc davantage de professeurs partageant leur service sur plusieurs établissements, donc moins présents, moins impliqués dans la vie du collège, et moins susceptibles de travailler en équipe interdisciplinaire et de mener des projets pédagogiques intéressant les élèves.
Enfin sur le plan administratif et technique par contre, les moyens humains et financiers calculés essentiellement sur la base des effectifs élèves, offrent moins de possibilités que sur des établissements plus importants susceptibles de réaliser des économies d’échelle. Les surfaces et les bâtiments à entretenir présentent peu de différence malgré les disparités d’effectifs.
Pour terminer par une appréciation toute syndicale, je noterai aussi que les petites structures rendent les conditions d’exercice des chefs d’établissement plus difficiles : les équipes de direction sont incomplètes (pas de principal adjoint), le personnel administratif réduit, les catégories financières moins avantageuses sur le plan salarial.
A cet égard, l’Orne reste un département peu attractif et tous les ans après le mouvement des chefs d’établissement il reste des directions de collèges non pourvues pour lesquelles le Rectorat doit recourir à des faisant fonction.


Le maintien de petites structures est-il souhaitable, en quoi ? Sinon quelle solution pour les milieux ruraux ?
Bien évidemment les points que je viens de développer montrent que je ne suis pas favorable au maintien des petites structures, tant sur le plan pédagogique et administratif qu’au nom d’une certaine équité dans la répartition des moyens : celle-ci se fait actuellement au détriment des établissements plus importants, notamment les établissements péri urbains qui présentent d’autres caractéristiques. C’est la position du SNPDEN dans l’académie de Caen, qui préconise une réflexion sur la carte scolaire permettant d’aboutir non pas à une économie de moyens mais à un redéploiement des postes au bénéfice de tous les élèves.
Cela dit, ce propos reste celui d’un chef d’établissement et la situation actuelle correspond aussi à d’autres enjeux, notamment en termes d’aménagement du territoire. Il ne faut pas occulter l’impact de la fermeture d’un collège sur la vie d’un village. Des solutions intermédiaires existent sans doute, notamment par la mise en réseaux d’établissements.
La situation actuelle est également le fruit d’une histoire : la richesse agricole passée de la Basse-Normandie a amené chaque canton à bâtir son collège. « Cybèle alors fertile en produits généreux ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux ». Les réticences à les fermer aujourd’hui sont d’ordre politique : quel conseiller général caressant l’espoir d’être réélu laisserait disparaître « son » collège ?
Pourtant à terme la réalité économique et le désengagement de l’État vers les collectivités territoriales amèneront immanquablement celles-ci à réfléchir sur les coûts induits par la multiplicité des petits établissements. On peut raisonnablement penser que la question redeviendra d’actualité après la réforme annoncée des départements et notamment la réduction du nombre de cantons.

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Collège, Lycée…dans l’inconscient collectif, ce type d’établissement, qui marque la transition avec l’école primaire, est la plupart du temps synonyme d’un départ vers un établissement dans lequel il va falloir être plus autonome et donc, bien souvent, d’un établissement « à grande échelle ». Et pourtant, ce n’est pas toujours le cas…

Gilles Guézennec, Secrétaire Départemental du SNPDEN-Unsa de l’Orne et Proviseur du LP Flora Tristan de La Ferté Macé, évoque, pour nous, la problématique des « Petits Établissements ».


Quels sont les avantages et les inconvénients d’un « petit établissement » que ce soit d’un point de vue administratif ou pédagogique?

Le problème essentiel posé par les petits établissements est qu’ils sont très gourmands en moyens pédagogiques et éducatifs. Les faibles effectifs nécessitent quand même une structure minimale incompressible. Ainsi un collège rural scolarisant entre 150 et 180 élèves, soit 40/45 élèves par niveau, nécessite l’attribution de moyens permettant de maintenir deux divisions par niveau (soit des classes d’une vingtaine d’élèves). Par contre un collège urbain qui va compter le double d’effectifs peut fonctionner avec seulement trois divisions par niveau, chacune avoisinant les trente élèves.

Le mécanisme est le même avec les moyens d’éducation et de surveillance, puisqu’il est difficilement concevable d’assurer la sécurité à moins de deux assistants d’éducation par jour, alors que proportionnellement aux effectifs les gros établissements sont moins bien dotés.
On pourrait penser que ce relatif confort dans l’encadrement des élèves est un meilleur gage de réussite. Les résultats tendent à montrer qu’il n’en est rien. Si les taux de réussite au DNB sont effectivement très satisfaisants dans les petits collèges, une analyse du devenir des élèves qui en sont issus a montré qu’ils étaient proportionnellement plus nombreux à connaître des difficultés en seconde. Il n’y a bien sûr aucune raison de penser que les collégiens d’origine rurale sont moins intelligents que leurs camarades des villes ! Les raisons des difficultés que certains rencontrent tiennent sans doute davantage à un excès de « cocooning » qui leur a moins permis de développer les qualités d’adaptation et l’accès à l’autonomie nécessaires pour réussir au lycée.

On note également un manque de mobilité plus important chez les élèves issus des petits collèges, qui limite l’éventail des possibles en matière d’orientation. Les familles ont tendance à privilégier la proximité de l’établissement d’accueil plutôt qu’un projet plus conforme aux aptitudes et à la motivation du jeune, mais qui impliquerait une inscription dans un établissement de formation plus distant du domicile, et une scolarité en internat.
Une autre caractéristique des petits établissements est qu’ils offrent moins de postes à temps complet pour les enseignants, notamment dans certaines disciplines dont l’horaire est plus réduit : on y compte donc davantage de professeurs partageant leur service sur plusieurs établissements, donc moins présents, moins impliqués dans la vie du collège, et moins susceptibles de travailler en équipe interdisciplinaire et de mener des projets pédagogiques intéressant les élèves.
Enfin sur le plan administratif et technique par contre, les moyens humains et financiers calculés essentiellement sur la base des effectifs élèves, offrent moins de possibilités que sur des établissements plus importants susceptibles de réaliser des économies d’échelle. Les surfaces et les bâtiments à entretenir présentent peu de différence malgré les disparités d’effectifs.
Pour terminer par une appréciation toute syndicale, je noterai aussi que les petites structures rendent les conditions d’exercice des chefs d’établissement plus difficiles : les équipes de direction sont incomplètes (pas de principal adjoint), le personnel administratif réduit, les catégories financières moins avantageuses sur le plan salarial.
A cet égard, l’Orne reste un département peu attractif et tous les ans après le mouvement des chefs d’établissement il reste des directions de collèges non pourvues pour lesquelles le Rectorat doit recourir à des faisant fonction.


Le maintien de petites structures est-il souhaitable, en quoi ? Sinon quelle solution pour les milieux ruraux ?
Bien évidemment les points que je viens de développer montrent que je ne suis pas favorable au maintien des petites structures, tant sur le plan pédagogique et administratif qu’au nom d’une certaine équité dans la répartition des moyens : celle-ci se fait actuellement au détriment des établissements plus importants, notamment les établissements péri urbains qui présentent d’autres caractéristiques. C’est la position du SNPDEN dans l’académie de Caen, qui préconise une réflexion sur la carte scolaire permettant d’aboutir non pas à une économie de moyens mais à un redéploiement des postes au bénéfice de tous les élèves.
Cela dit, ce propos reste celui d’un chef d’établissement et la situation actuelle correspond aussi à d’autres enjeux, notamment en termes d’aménagement du territoire. Il ne faut pas occulter l’impact de la fermeture d’un collège sur la vie d’un village. Des solutions intermédiaires existent sans doute, notamment par la mise en réseaux d’établissements.
La situation actuelle est également le fruit d’une histoire : la richesse agricole passée de la Basse-Normandie a amené chaque canton à bâtir son collège. « Cybèle alors fertile en produits généreux ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux ». Les réticences à les fermer aujourd’hui sont d’ordre politique : quel conseiller général caressant l’espoir d’être réélu laisserait disparaître « son » collège ?
Pourtant à terme la réalité économique et le désengagement de l’État vers les collectivités territoriales amèneront immanquablement celles-ci à réfléchir sur les coûts induits par la multiplicité des petits établissements. On peut raisonnablement penser que la question redeviendra d’actualité après la réforme annoncée des départements et notamment la réduction du nombre de cantons.