Penser la classe hors de ses murs : pas si simple !

La forme scolaire en France est dans un modèle si dominant, qu’il entrave l’imagination des professionnels de l’éducation, même lorsque les circonstances imposent de repenser l’enseignement. Penser la classe hors de ses murs traditionnels : pas si simple !


Qu’est- ce que la forme scolaire ?
C’est Guy Vincent , sociologue, qui définit le concept de forme scolaire. C’est une relation pédagogique incluant un temps dédié, un espace spécifique, et des règles. En France, cette forme scolaire est en grande majorité la même partout, tributaire des héritages du passé. C’est une salle de classe avec des rangées de table placées face à un bureau (et parfois encore une estrade !) où siège un.e professeur.e. Les élèves sont regroupés en classe d’âge, face à un seul adulte.
Frein à l’imaginaire
De ce modèle auquel s’est adapté l’architecture des écoles et des établissements, découle l’enseignement dit « frontal » ou en « mode transmissif ». L’adulte qui sait, parle aux élèves qui écoutent, immobiles. La leçon est donnée, les exercices qui suivent la font appliquer, avant de l’apprendre et de la restituer dans un contrôle dit « de connaissances ».

Caricatural ? Modèle dépassé ? Pas tant que ça…

Bien sûr il existe des collectifs d’enseignant.es qui s’en échappent, innovent, bousculent et font bouger ce vieux modèle en même temps que les tables des salles de classe. Ceux-là échangent entre eux, se forment ensemble, coopérent, collaborent tout comme ils le permettent à leurs élèves. Ceux-là encore, sont les moins pris au dépourvu aujourd’hui pour penser la continuité pédagogique, parce qu’ils ont déjà instauré des modes de communication et de coopération numériques avec les élèves et leurs familles, parce qu’ils ont déjà inventé de nouvelles manières pour l’enseignement.
Mais un  grand nombre de professionnels est encore tributaire de la forme scolaire ancestrale. Tout autant chez les professeur.es que chez les ingénieur.es pédagogiques ou formatrices et formateurs. Prenons un exemple, quand une plateforme numérique d’enseignement à distance propose des leçons à télécharger en pdf, puis des exercices en mode quizz. Quand cette même plateforme, propose un espace de classe virtuelle ou l’enseignant n’aura pas d’interactivité avec son public, ne pourra qu’y déposer un contenu en mode transmissif. Que peut-on en déduire ? Que ses concepteurs ont l’imagination bridée, que le concept de classe frontale est tellement prégnant qu’il se reproduit même dans sa version virtuelle. Que les apprenants seront simplement passés de « face à un tableau » à « face à un écran »….
Des leçons à tirer de ce contexte inédit, il y en aura de nombreuses. Mais d’ores et déjà, en voici une. Tirons profit des difficultés réelles de mise en œuvre des dispositifs numériques de continuité pédagogique pour les évaluer, dans une démarche qualité. Et permettons aux collectifs de travail de se développer, en leur laissant du temps pour collaborer, partager leurs écueils et leurs réussites. Laissons enfin le travail en équipe devenir la culture professionnelle reconnue et valorisée pour transformer cette forme scolaire si déterminante et néfaste.

 

Guy Vincent, L’école primaire française, étude sociologique, Presses Universitaires de Lyon , 1980

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La forme scolaire en France est dans un modèle si dominant, qu’il entrave l’imagination des professionnels de l’éducation, même lorsque les circonstances imposent de repenser l’enseignement. Penser la classe hors de ses murs traditionnels : pas si simple !


Qu’est- ce que la forme scolaire ?
C’est Guy Vincent , sociologue, qui définit le concept de forme scolaire. C’est une relation pédagogique incluant un temps dédié, un espace spécifique, et des règles. En France, cette forme scolaire est en grande majorité la même partout, tributaire des héritages du passé. C’est une salle de classe avec des rangées de table placées face à un bureau (et parfois encore une estrade !) où siège un.e professeur.e. Les élèves sont regroupés en classe d’âge, face à un seul adulte.
Frein à l’imaginaire
De ce modèle auquel s’est adapté l’architecture des écoles et des établissements, découle l’enseignement dit « frontal » ou en « mode transmissif ». L’adulte qui sait, parle aux élèves qui écoutent, immobiles. La leçon est donnée, les exercices qui suivent la font appliquer, avant de l’apprendre et de la restituer dans un contrôle dit « de connaissances ».

Caricatural ? Modèle dépassé ? Pas tant que ça…

Bien sûr il existe des collectifs d’enseignant.es qui s’en échappent, innovent, bousculent et font bouger ce vieux modèle en même temps que les tables des salles de classe. Ceux-là échangent entre eux, se forment ensemble, coopérent, collaborent tout comme ils le permettent à leurs élèves. Ceux-là encore, sont les moins pris au dépourvu aujourd’hui pour penser la continuité pédagogique, parce qu’ils ont déjà instauré des modes de communication et de coopération numériques avec les élèves et leurs familles, parce qu’ils ont déjà inventé de nouvelles manières pour l’enseignement.
Mais un  grand nombre de professionnels est encore tributaire de la forme scolaire ancestrale. Tout autant chez les professeur.es que chez les ingénieur.es pédagogiques ou formatrices et formateurs. Prenons un exemple, quand une plateforme numérique d’enseignement à distance propose des leçons à télécharger en pdf, puis des exercices en mode quizz. Quand cette même plateforme, propose un espace de classe virtuelle ou l’enseignant n’aura pas d’interactivité avec son public, ne pourra qu’y déposer un contenu en mode transmissif. Que peut-on en déduire ? Que ses concepteurs ont l’imagination bridée, que le concept de classe frontale est tellement prégnant qu’il se reproduit même dans sa version virtuelle. Que les apprenants seront simplement passés de « face à un tableau » à « face à un écran »….
Des leçons à tirer de ce contexte inédit, il y en aura de nombreuses. Mais d’ores et déjà, en voici une. Tirons profit des difficultés réelles de mise en œuvre des dispositifs numériques de continuité pédagogique pour les évaluer, dans une démarche qualité. Et permettons aux collectifs de travail de se développer, en leur laissant du temps pour collaborer, partager leurs écueils et leurs réussites. Laissons enfin le travail en équipe devenir la culture professionnelle reconnue et valorisée pour transformer cette forme scolaire si déterminante et néfaste.

 

Guy Vincent, L’école primaire française, étude sociologique, Presses Universitaires de Lyon , 1980