Neuf personnages : enquêtes d’auteur

« Un jour, nous nous sommes ouverts à Michel [Serres], en toute simplicité, de la difficulté à laquelle nous exposait sa pensée, à la fois si inventive et si cryptée. Et de lui soumettre l’idée d’un livre d’entretiens où il reviendrait avec nous sur l’ensemble de son œuvre, livre après livre, sur ce qui l’a conduit à la philosophie, sur les événements qui l’ont sollicité, sur ses grands concepts. Il a immédiatement accepté, sans détour ni condition. »

Ainsi est né Pantopie : de hermès à petite poucette. En tout cas c’est ainsi que Martin Legros et Sven Ortoli présente la naissance de leurs entretiens avec Michel Serres, publié il y a quelques mois.

Or la marque de fabrique de la pensée de Serres, sa démarche philosophique même réside dans l’invention d’un peuple, de familles de personnages, non comme des doubles de l’auteur lui-même, mais comme ses envoyés, ses enquêteurs, ses capteurs d’un monde en pleine évolution. « C’est le geste de l’ignorant, le geste originaire du philosophe : je ne sais rien et j’ai à ma disposition des gens que j’envoie à la l’endroit où l’on veut savoir, avoue Michel Serre, C’est peut-être cela penser. En tout cas, c’est comme cela que je pense. »

Ainsi, le philosophe invite à partir à la découverte des grandes questions de l’humanité en suivant Hermès et la communication, le Thanatocrate et « le pouvoir de la mort » ou encore le Mal propre et « les malheurs de la propriété ». Sans oublier le Tiers-instruit, personnage totémique d’une réflexion en profondeur sur l’éducation. Et bien entendu, la dernière-née des créations de Michel Serres, Petite Poucette, cette jeune fille de notre monde contemporain, en permanence connectée. Ces « opérateurs », souvent personnages « minuscules », « banals », rendent possible le passage, la bascule vers « l’universel ». Ils permettent d’entrevoir ce que le monde est en train de devenir. Grâce à eux, il est possible d’anticiper, donc de penser.

« On reconnaît un philosophe au fait qu’il a anticipé quelque chose de fondamental qui advient par la suite. Penser, c’est anticiper ! » affirme Michel Serres, qui s’identifie le plus naturellement à son « Pantope ». Une manière de tout voir, d’aller partout, de tout explorer. Non comme la quête d’une utopie, mais comme l’enquête d’un pantopie [de pan qui signifie tout et topos, lieux] qui explore tous les lieux, tous les savoirs pour mieux dire les possibles du monde à venir.

Pantopie : de hermès à petite poucette, Michel Serres, entretiens avec Martin Legros et Sven Ortoli, Le Pommier, 2014

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« Un jour, nous nous sommes ouverts à Michel [Serres], en toute simplicité, de la difficulté à laquelle nous exposait sa pensée, à la fois si inventive et si cryptée. Et de lui soumettre l’idée d’un livre d’entretiens où il reviendrait avec nous sur l’ensemble de son œuvre, livre après livre, sur ce qui l’a conduit à la philosophie, sur les événements qui l’ont sollicité, sur ses grands concepts. Il a immédiatement accepté, sans détour ni condition. »

Ainsi est né Pantopie : de hermès à petite poucette. En tout cas c’est ainsi que Martin Legros et Sven Ortoli présente la naissance de leurs entretiens avec Michel Serres, publié il y a quelques mois.

Or la marque de fabrique de la pensée de Serres, sa démarche philosophique même réside dans l’invention d’un peuple, de familles de personnages, non comme des doubles de l’auteur lui-même, mais comme ses envoyés, ses enquêteurs, ses capteurs d’un monde en pleine évolution. « C’est le geste de l’ignorant, le geste originaire du philosophe : je ne sais rien et j’ai à ma disposition des gens que j’envoie à la l’endroit où l’on veut savoir, avoue Michel Serre, C’est peut-être cela penser. En tout cas, c’est comme cela que je pense. »

Ainsi, le philosophe invite à partir à la découverte des grandes questions de l’humanité en suivant Hermès et la communication, le Thanatocrate et « le pouvoir de la mort » ou encore le Mal propre et « les malheurs de la propriété ». Sans oublier le Tiers-instruit, personnage totémique d’une réflexion en profondeur sur l’éducation. Et bien entendu, la dernière-née des créations de Michel Serres, Petite Poucette, cette jeune fille de notre monde contemporain, en permanence connectée. Ces « opérateurs », souvent personnages « minuscules », « banals », rendent possible le passage, la bascule vers « l’universel ». Ils permettent d’entrevoir ce que le monde est en train de devenir. Grâce à eux, il est possible d’anticiper, donc de penser.

« On reconnaît un philosophe au fait qu’il a anticipé quelque chose de fondamental qui advient par la suite. Penser, c’est anticiper ! » affirme Michel Serres, qui s’identifie le plus naturellement à son « Pantope ». Une manière de tout voir, d’aller partout, de tout explorer. Non comme la quête d’une utopie, mais comme l’enquête d’un pantopie [de pan qui signifie tout et topos, lieux] qui explore tous les lieux, tous les savoirs pour mieux dire les possibles du monde à venir.

Pantopie : de hermès à petite poucette, Michel Serres, entretiens avec Martin Legros et Sven Ortoli, Le Pommier, 2014