Ne nous y trompons pas

« Comparaison, n’est pas raison », dit un dicton ancien. Et cela s’applique également à la politique. Ainsi si le nombre de communes dans lesquelles s’est présenté le Front national, leur score important et le fait qu’une mairie déjà –et peut-être d’autres à venir à l’issu du second tour- sera dirigée par le parti d’extrême droite, sont autant d’éléments qui font penser aux années 1990, la stratégie en route cette fois n’est pas la même… car l’objectif visé n’est plus le même. Ils sont passés d’une posture d’agitateurs provocateurs à une farouche volonté de prendre le pouvoir.

Partis traditionnels et militants ; anti-FN le ressassent à tour de discours depuis les résultats de dimanche soir, lorsque le parti d’extrême droite a dirigé des villes, cela a été une catastrophe sociale, économique, culturelle… C’est vrai. Mais comme l’analyse le sociologue Sylvain Crépon, auteur d’Enquête au coeur du nouveau Front national (Nouveau Monde Editions, mars 2012), pour le site Atlantico : « Les dirigeants du FN ont tiré les conséquences de ces erreurs, de sorte que les candidats frontistes ayant une chance d’être élus ne font absolument pas campagne sur les idées du FN, mais sur des thématiques strictement municipales. Car ces élections sont sans doute les moins idéologiques en France. Le FN l’a parfaitement compris, et cherche ainsi à se donner une légitimité gestionnaire qui lui fait tant défaut. » (http://www.atlantico.fr/decryptage/front-republicain-mais-quelle-serait-nature-exacte-danger-engendre-fn-municipal-philippe-braud-sylvain-crepon-jean-petaux-1017398.html). Il ajoute, « dans des villes comme Toulon ou Marignanne, la gestion a été catastrophique. Et c’est justement cela que le Front national a compris : il faut mettre des gens compétents en place pour acquérir une légitimité gestionnaire. Un cadre proche de Marine Le Pen me confiait récemment : « si on prend 20 villes, on est morts ». Sous-entendu, si le FN prend trop de villes, il a parfaitement conscience qu’il n’a pas assez de cadres suffisamment compétents pour pouvoir les gérer correctement. »
Car aujourd’hui, « la stratégie du FN est moins sur le court, que sur le long terme. Il va pouvoir former sur le tas ses conseillers municipaux qui risquent d’être investis en nombre à l’issue des municipales, les rendre plus visibles, les « notabiliser », en quelque sorte. Le but est de pouvoir capitaliser sur ce nouveau personnel politique pour les échéances législatives, car il est très difficile de se faire élire tant qu’on n’est pas implanté localement. »

Ainsi complête le politologue Jean Pétaux : « je ne suis pas persuadé que la vie des habitants sera bouleversée par une gestion frontiste, sauf à prendre en compte une incapacité structurelle à gouverner localement. Je pense que, forte de l’expérience passée, Marine Le Pen aura à cœur, à l’inverse de son père, de « soigner » la réputation gestionnaire de ses équipes municipales nouvellement élues en 2014… »

D’ailleurs précise Sylvain Crépon, « le FN évitera d’appliquer son programme national au niveau local. Ils font campagne sur des problèmes strictement locaux : voirie, commerce, emploi, places en crèche et dans les écoles, finances publiques… Chez beaucoup de candidats il n’est pas question d’immigration ou de préférence nationale. Les gens qui ne sont pas éligibles, en revanche, relaient les idées du FN, dans la perspective des européennes. »

Alors certes, comme le soulignait Thomas Legrand dans son édito politique de France inter ce matin du 28 mars (http://www.franceinter.fr/emission-ledito-politique-l-edito-politique-121) l’exercice du pouvoir pourra révéler quelques failles dans cette volonté de dédiabolisation ; « chassez le naturel, il revient au galop » dit aussi la sagesse populaire. Mais, cette fois si la gestion de la -ou des- mairie FN sera très observée, elle le sera avant tout par les cadre du parti extrémiste. Il en va de leur crédibilité et donc de leur avenir.


Prouver qu’ils sont en capacité de diriger sereinement une collectivité territoriale, former des cadres locaux dans les conseils municipaux, se confronter à la réalité du terrain et de la gestion sont autant d’éléments qui sont indispensables à Marine Le Pen pour imposer encore davantage l’idée que des parlementaires et des élus (locaux, départementaux, régionaux, européens) de son parti en grand nombre doit devenir une réalité… et une nouvelle marche à franchir dans la conquête du pouvoir.


Dans ce contexte, réduire le combat contre le FN à des leçons de morale ou à l’agitation du chiffon brun du fichisme ne sert à rien, voire est contre-productif. Seul un réinvestissement du débat, des idées, du terrain, des ambitions et des convictions politiques peuvent faire obstacle à cette mécanique de normalisation. Alors ne nous y trompons pas !

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« Comparaison, n’est pas raison », dit un dicton ancien. Et cela s’applique également à la politique. Ainsi si le nombre de communes dans lesquelles s’est présenté le Front national, leur score important et le fait qu’une mairie déjà –et peut-être d’autres à venir à l’issu du second tour- sera dirigée par le parti d’extrême droite, sont autant d’éléments qui font penser aux années 1990, la stratégie en route cette fois n’est pas la même… car l’objectif visé n’est plus le même. Ils sont passés d’une posture d’agitateurs provocateurs à une farouche volonté de prendre le pouvoir.

Partis traditionnels et militants ; anti-FN le ressassent à tour de discours depuis les résultats de dimanche soir, lorsque le parti d’extrême droite a dirigé des villes, cela a été une catastrophe sociale, économique, culturelle… C’est vrai. Mais comme l’analyse le sociologue Sylvain Crépon, auteur d’Enquête au coeur du nouveau Front national (Nouveau Monde Editions, mars 2012), pour le site Atlantico : « Les dirigeants du FN ont tiré les conséquences de ces erreurs, de sorte que les candidats frontistes ayant une chance d’être élus ne font absolument pas campagne sur les idées du FN, mais sur des thématiques strictement municipales. Car ces élections sont sans doute les moins idéologiques en France. Le FN l’a parfaitement compris, et cherche ainsi à se donner une légitimité gestionnaire qui lui fait tant défaut. » (http://www.atlantico.fr/decryptage/front-republicain-mais-quelle-serait-nature-exacte-danger-engendre-fn-municipal-philippe-braud-sylvain-crepon-jean-petaux-1017398.html). Il ajoute, « dans des villes comme Toulon ou Marignanne, la gestion a été catastrophique. Et c’est justement cela que le Front national a compris : il faut mettre des gens compétents en place pour acquérir une légitimité gestionnaire. Un cadre proche de Marine Le Pen me confiait récemment : « si on prend 20 villes, on est morts ». Sous-entendu, si le FN prend trop de villes, il a parfaitement conscience qu’il n’a pas assez de cadres suffisamment compétents pour pouvoir les gérer correctement. »
Car aujourd’hui, « la stratégie du FN est moins sur le court, que sur le long terme. Il va pouvoir former sur le tas ses conseillers municipaux qui risquent d’être investis en nombre à l’issue des municipales, les rendre plus visibles, les « notabiliser », en quelque sorte. Le but est de pouvoir capitaliser sur ce nouveau personnel politique pour les échéances législatives, car il est très difficile de se faire élire tant qu’on n’est pas implanté localement. »

Ainsi complête le politologue Jean Pétaux : « je ne suis pas persuadé que la vie des habitants sera bouleversée par une gestion frontiste, sauf à prendre en compte une incapacité structurelle à gouverner localement. Je pense que, forte de l’expérience passée, Marine Le Pen aura à cœur, à l’inverse de son père, de « soigner » la réputation gestionnaire de ses équipes municipales nouvellement élues en 2014… »

D’ailleurs précise Sylvain Crépon, « le FN évitera d’appliquer son programme national au niveau local. Ils font campagne sur des problèmes strictement locaux : voirie, commerce, emploi, places en crèche et dans les écoles, finances publiques… Chez beaucoup de candidats il n’est pas question d’immigration ou de préférence nationale. Les gens qui ne sont pas éligibles, en revanche, relaient les idées du FN, dans la perspective des européennes. »

Alors certes, comme le soulignait Thomas Legrand dans son édito politique de France inter ce matin du 28 mars (http://www.franceinter.fr/emission-ledito-politique-l-edito-politique-121) l’exercice du pouvoir pourra révéler quelques failles dans cette volonté de dédiabolisation ; « chassez le naturel, il revient au galop » dit aussi la sagesse populaire. Mais, cette fois si la gestion de la -ou des- mairie FN sera très observée, elle le sera avant tout par les cadre du parti extrémiste. Il en va de leur crédibilité et donc de leur avenir.


Prouver qu’ils sont en capacité de diriger sereinement une collectivité territoriale, former des cadres locaux dans les conseils municipaux, se confronter à la réalité du terrain et de la gestion sont autant d’éléments qui sont indispensables à Marine Le Pen pour imposer encore davantage l’idée que des parlementaires et des élus (locaux, départementaux, régionaux, européens) de son parti en grand nombre doit devenir une réalité… et une nouvelle marche à franchir dans la conquête du pouvoir.


Dans ce contexte, réduire le combat contre le FN à des leçons de morale ou à l’agitation du chiffon brun du fichisme ne sert à rien, voire est contre-productif. Seul un réinvestissement du débat, des idées, du terrain, des ambitions et des convictions politiques peuvent faire obstacle à cette mécanique de normalisation. Alors ne nous y trompons pas !