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Investissement public pour l’enseignement supérieur et la recherche: l’UNSA Éducation interpelle la ministre

L'UNSA Éducation présente à la réunion multilatérale organisée le 9 avril 2024 au ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche a pris la parole pour rappeler ses positions et revendications sur les différents sujets d'actualité.

Multilatérale ESR du mardi 09 avril 2024 à 17H00

Déclaration UNSA Éducation

Madame la Ministre,

L’UNSA Éducation se voit, une nouvelle fois, contrainte de débuter son intervention par la problématique du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche publics. Ou, pour être plus précis, par le sous-financement chronique de l’ESR. Alors que le futur même de notre société repose sur notre capacité à innover et à former notre jeunesse, le gouvernement fait une nouvelle fois le choix d’hypothéquer notre avenir.

L’UNSA Éducation le réaffirme ici : les services publics d’enseignement supérieur et de recherche ne tiennent que par le dévouement et l’abnégation de leurs personnels. Cependant, ces personnels, qui ont eux bien conscience des enjeux qui nous font face et ont à cœur d’accomplir leurs missions, ne pourront éternellement compenser le manque de moyens. Dans ce contexte, le choix du gouvernement de supprimer des crédits est un choix dogmatique que l’on peut qualifier d’inconséquent. Sans nier le besoin d’une meilleure gestion des comptes publics, il y avait bien d’autres arbitrages possibles. Celui par exemple de faire rentrer de nouvelles recettes fiscales. Celui d’interroger la pertinence d’un crédit impôt recherche à 7 milliards d’euros. Celui de remettre en question les fonds investis dans l’enseignement privé, notamment au travers le financement de l’apprentissage qui alimente des officines dont la qualité ne correspond en rien à celle attendue pour une formation du supérieur. On pourrait citer bien d’autres possibilités pour assainir les finances publiques sans pour autant renoncer aux investissements d’avenir.

Ces coupes budgétaires interviennent alors que l’accroissement démographique étudiant n’a jamais été réellement compensé, que l’inflation frappe de plein fouet les établissements et que des mesures salariales de fonction publique d’État n’ont été financées que partiellement. Il nous a été dit que ces annulations de crédits seraient indolores, car prises sur les fonds de précaution. Cependant, on s’interroge. Est-ce que l’État disposera des marges de manœuvre suffisantes en fin d’exercice si des établissements se retrouvent en difficulté ? Est-ce que les crédits d’intervention de l’agence nationale de la recherche (ANR) suivront la progression portée par la loi de programmation de la recherche (LPR). Comment expliquez-vous que dans des établissements, les crédits pour les activités de recherche ou de formation soient à la baisse et que des établissements aient voté des budgets en déficit ? Enfin, sur la vie étudiante, nous souhaitons connaître combien d’étudiantes et d’étudiants perçoivent, cette année universitaire, une bourse sur critères sociaux. En effet, là aussi, on s’interroge sur l’ampleur réelle de la modification des critères d’attributions des bourses.

La conclusion de tout ça, c’est que la priorité des établissements n’est pas d’avoir plus d’autonomie mais d’avoir plus de moyens. Vous annoncez que l’acte 2 de l’autonomie visera à ce que ces derniers aient, entre autres, une meilleure autonomie financière. L’UNSA Éducation ne peut y voir finalement qu’une autonomie de gestion de la pénurie, car les universités et les écoles ont déjà de larges compétences, quoiqu’on en dise. Ils ont la possibilité de développer les formations qui répondent aux besoins de la société, de décider de la mise en place de parcours adaptés ou de suivi personnalisé pour les étudiantes et étudiants les plus fragiles. L’autonomie qui consisterait à un désengagement encore plus fort de l’État et des établissements contraints de précariser ses personnels sur fonds propres n’est pas de l’autonomie.

Enfin, l’idée que les établissements seraient bridés dans la définition de leur stratégie et de leur politique scientifique par une trop grande proportion de représentants des personnels est pour l’UNSA Éducation caricaturale et sûrement révélatrice d’une mauvaise conception du dialogue social. Si un regard extérieur est toujours utile, il n’y a aucune raison d’estimer qu’il prévaut sur celui des personnels de l’établissement. De récents exemples montrent en outre qu’une trop grande proportion de personnalités extérieures dans les conseils d’administration peut être source d’une instabilité contre-productive pour tous.

L’UNSA Éducation tient aussi à aborder les suites de la mission Gillet et des annonces du président de la République. Sur les agences de programmes, l’UNSA Éducation constate la persistance d’une certaine  ambiguïté qu’il est nécessaire de clairement corriger : est-ce une mission supplémentaire dévolue aux organismes de recherche ou leur transformation ? Et qu’en est-il des moyens associés à ces nouvelles missions ? Dans leur rapport, les membres de la mission Gillet rappelaient que la création d’agences de programmes devait nécessairement s’accompagner de moyens supplémentaires dédiés. La mission estimait même qu’il manquait autour de 2 milliards d’euros à la recherche française.

Autre point d’actualité, celui de la formation des enseignants. L’UNSA Éducation tient à rappeler ici plusieurs éléments. Premièrement, nous réaffirmons notre profond attachement à l’adossement universitaire des formations des enseignants. Dans un contexte de fortes mutations pour l’éducation, comme par exemple celle que l’intelligence artificielle est sur le point d’induire, les enseignantes et enseignants doivent plus que jamais bénéficier d’une formation au plus près de la recherche. Il y a donc une nécessité à ce que ces formations restent dans les universités et que les enseignants-chercheurs concourent pleinement à la formation des enseignants. L’UNSA Éducation souhaite aussi rappeler que les réformes de la formation des enseignants se sont succédé à un rythme effréné depuis quelques années. Ces réformes ont épuisé les personnels ; il faut en tenir compte et s’appuyer sur un réel dialogue social pour la mise en œuvre de ces nouvelles mesures.  Dans ce cadre, les annonces du Président de la République faites ce vendredi 5 avril nous heurtent. La formation des enseignants ne peut se décider sur un coin de table à l’Élysée, au gré des humeurs présidentielles, parfois à contre-courant des décisions portées précédemment, comme par exemple sur la place du concours.

L’UNSA Éducation souhaite donc conclure ce propos liminaire en manifestant notre insatisfaction au sujet de la qualité du dialogue sociale actuel. Le dialogue social ne peut se résumer à des réunions d’informations où sont rappelées des annonces faites quelques jours avant dans la presse. Le dialogue social, ce n’est pas donner un temps de parole aux organisations syndicales réunies tous les six mois dans une grande salle. Le dialogue social doit reposer sur l’acceptation que les organisations syndicales ont une expertise indispensable à prendre en compte. Le dialogue social, c’est un travail régulier sur l’ensemble des points qui concernent notre champ et pas uniquement les aspects de défense des personnels. En particulier, sur l’organisation de la recherche ou l’autonomie des universités, l’UNSA Éducation a une expertise et entend bien la faire valoir.

 

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