L’intelligence artificielle, notre nouvelle collègue ?
L’UNSA éducation mènera début février 2025 une visite d’études à Munich en Allemagne dans le cadre d’un projet erasmus sur « l’impact de la mutation numérique sur les métiers ». L’occasion de travailler sur les conditions de travail des personnels face à des outils plus ou moins bien configurés, sur l’utilisation des algorithmes dans le pilotage des établissements et des politiques éducatives ou encore sur l’utilisation des outils numériques et de l’intelligence artificielle dans les salles de classe.
Comment nos collègues allemands traitent le sujet numérique
Notre partenaire allemand BLLV connaît bien le sujet et y a consacré son premier numéro dans son magazine « Bayerische Schule ». Ce dossier est passionnant a plusieurs titres et vous pouvez le retrouver ici en allemand ici. La présidente du BLLV, Simone Fleischmann, raconte être tombée lors d’une visite d’une école en Chine sur un robot qui accueillait des élèves à l’entrée d’une classe en primaire et sur toutes les questions que cela posait sur ce qui relève de l’humain et de la machine et jusqu’où on peut aller pour optimiser nos tâches.
Le dossier du BLLV évoque à la fois les risques et les potentialités de l’utilisation de l’IA dans nos métiers éducatifs. Il revient sur les défis de faire travailler les élèves sur toutes les productions de l’IA générative, sur la détection des fake news, sur le défi social que représente son utilisation dans un cadre scolaire quand les élèves n’auront pas eu le même équipement et les mêmes applications à la maison.
Le dossier du BLLV s’intéresse aussi plus positivement sur ce que peut changer l’IA en classe en prenant l’exemple d’une école KI@School (KI pour Künstliche Intelligenz) expérimentée par le Land de Bavière : un enseignant fait travailler les élèves sur des tâches individualisées en s’appuyant sur un outil qui reformule, s’adapte, propose des exercices de difficulté progressive (le fameux « adaptive learning »). Elle revient sur le nouveau rôle de l’enseignant qui dégage du temps pour aider les élèves qui en ont le plus besoin et les aider à utiliser toutes les potentialités d’applications pédagogiques commandées sur mesure par le Land de Bavière. Dans un cadre réglementaire qui prévoit d’ailleurs à quel âge on peut utiliser telle potentialité dans le cadre scolaire.
Les potentialités présentées par les expérimentateurs sont fulgurantes : l’IA repère comment les élèves font des erreurs et les aident à les corriger, produit des statistiques sur leur fluidité de lecture et sur leur « manière » de souligner le texte, voire les aide à corriger leur posture quand ils écrivent.
D’autres sources intéressantes pour aller plus loin
L’épisode 121 des podcasts de la National Education Association (NEA 3 millions de membres aux Etats-Unis) revient avec un de ses podcasts « school me » sur l’intelligence artificielle comme outil pour les enseignants, pour fabriquer en quelques secondes des QCM, pour générer des plans d’enseignements adaptés aux progrès de chaque élève, y compris du point de vue de l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers, mais aussi comment ils font réfléchir sur les compétences qui doivent être travaillées à l’école pour maîtriser ces outils. Le podcast pose aussi la question des problèmes éthiques que posent l’utilisation de l’IA, sur la protection des droits d’auteur, ou encore pour l’implication qu’elle peut avoir sur les conditions de travail des personnes utilisées pour les faire fonctionner. Lien vers les podcasts ici.
La Direction au numérique éducatif de la région académique Bourgogne Franche Comté a produit 6 merveilleux podcasts (à écouter ici) qui traitent toutes les dimensions pédagogiques de l’intelligence artificielle.
L’apprentissage adaptatif et les conséquences que ses outils peuvent avoir sur l’accompagnement individualisé des élèves pour être plus efficace, pour aider les enseignants à planifier leurs cours et leurs évaluations, voire même pour mener cette évaluation, par exemple en intégrant des remarques à l’oral qui détecteront les élèves en décrochage, seront traitées pour valider automatiquement des compétences, établir des notes, en faisant gagner beaucoup de temps aux enseignants pour des tâches souvent peu productives.
Le développement de l’esprit critique qui fait la différence entre l’humain et la machine et qui est indispensable pour décrypter les textes, les images et les vidéos générées par l’IA, pour comprendre comment fonctionnent les algorithmes, l’apprentissage par la machine, comment des biais peuvent les fausser et l’importance des données et de leur protection dans l’économie et la société.
Nous vivons un bond technologique majeur qu’il va falloir maîtriser
Ce bond technologique géant pourrait faire sourire quand, dans les dernières décennies, on a pu croire que la télévision ou internet allait remplacer les professeurs. Là, au contraire, il s’agit de saisir le potentiel d’outils tout en étant sensible à leurs limites et à leurs risques : et les données personnelles des enseignants et des élèves ? Et le pouvoir des entreprises qui développent ces outils ? Et les biais qu’on a introduit dans les algorithmes ? Et les tâches qu’on leur donnerait à accomplir ?
Par exemple, la question de faire prendre des décisions RH à un algorithme pose évidemment souci et l’exemple est souvent pris des utilisations qui pourraient être particulièrement dangereuses. Le dossier revient aussi sur le rôle d’un système éducatif et d’une école face à une société où les métiers changent si vite, face à une économie où les compétences qu’on utilise dans la sphère professionnelle pourraient être en décalage avec celles qu’on a placé au centre des programmes il y a quelques années.
Les experts interrogés analysent ce bond comme le passage du téléphone au smartphone et indiquent que ce ne pourrait être qu’un début. L’intelligence artificielle n’est pourtant pas un mot nouveau et avait déjà connu des « poussées » surprenantes à la fin des années 90 ou au début des années 2010 mais celle-ci semble décisive et pourrait rapidement, selon les experts interrogés dans les sources évoquées, faire ressembler notre quotidien à un monde de science fiction. L’essentiel est alors, pour eux, que ce processus soit maîtrisé par les professionnels de l’éducation. Pour que le débat ne tourne pas autour du « remplacement » des enseignants par des machines mais bien par l’utilisation maîtrisée, responsable et efficace de cet outil au service d’une meilleure qualité des apprentissages et d’une charge de travail réduite pour les personnels éducatifs.