L’extrême-droite : un poison pour la démocratie ?
L’affaiblissement du droit, l’affaiblissement des droits
Le risque d’opposition entre les sphères judiciaire et politique est réel en cas d’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite : le recours à des lois dérogatoires et sécuritaires menacerait durablement les libertés fondamentales. Les expériences internationales ont montré que l’accès au pouvoir ne tempère pas l’idéologie de ces partis, bien au contraire. En effet, l’extrême-droite affaiblit les contre-pouvoirs, la presse libre et l’indépendance judiciaire. C’est également le cas pour les corps intermédiaires. Ils sont souvent l’une des premières cibles de l’extrême-droite qui méprise la démocratie sociale.
À l’occasion de la condamnation de sa candidate, le RN n’a pas hésité à remettre en cause l’indépendance de la justice et l’État de droit. Des rapports comme celui de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale caractérisent ce mécanisme (à l’instar de la Hongrie ou de la Pologne) comme un modèle de recul démocratique. Concrètement, des outils existent pour parvenir à cet affaiblissement démocratique ; ainsi les modifications constitutionnelles ou législatives peuvent-elles permettre de réduire le rôle du Parlement, de limiter le contrôle parlementaire ou de centraliser les décisions exécutives. Notre article revenait il y a un an déjà sur ce risque de détricotage de l’État de droit.
Les expériences européennes nous invitent donc à la plus grande vigilance. Par exemple, le modèle hongrois sous Viktor Orbán illustre toutes les dérives possibles sur le plan démocratique. À partir de 2011, des réformes constitutionnelles ont renforcé le pouvoir exécutif, affaibli la justice, restreint la liberté d’expression, transformant la démocratie en régime illibéral.
La restriction des libertés
Les libertés publiques, la liberté de la presse et de la société civile se retrouveraient gravement en danger si des lois venaient restreindre le droit de manifester, encadrer les actions judiciaires des ONG ou limiter l’expression des médias indépendants. L’instrumentalisation de l’ordre public est une arme que l’extrême-droite n’hésite pas à utiliser pour parvenir à ses fins. Des journalistes et ONG européennes ont mis à jour une hausse des pressions ciblées sur la presse et sur les manifestations. Ce fut le sens de l’appel de 39 journalistes dans Le Monde en 2021 qui faisait état, entre autres, de menaces de mort, d’appels au viol, d’insultes, de cyberharcèlement sur les réseaux sociaux, d’interdictions de couvrir des événements politiques, d’intimidations lors des manifestations. En effet, plusieurs journalistes couvrant l’actualité de l’extrême-droite font face, ces dernières années, à une violence d’une rare intensité, inimaginable dans une démocratie, ayant pour objectif d’entraver leur travail.
La justice est souvent prise pour cible par une extrême-droite qui prône une moralisation de la vie publique alors même qu’elle se rend coupable des pires forfaits dans sa gestion d’exécutifs locaux ou dans les instances de représentation nationale ou européenne : clientélisme, système corruptif (à Fréjus) ou détournement de fonds publics comme l’atteste la condamnation du Tribunal correctionnel de Paris en mars 2025.
Les atteintes au syndicalisme
Les prises de position récentes du RN dévoilent un projet clairement hostile aux syndicats. Dans une interview accordée à CNews le 21 mai 2024, Marion Maréchal‑Le Pen déclare : « Il ne faut plus de subventions publiques, dorénavant les syndicats doivent vivre de leurs adhésions ». De même, dans son programme « La France entreprend » (septembre 2024), le RN prône la création de « syndicats ‑ maison », exprimant le souhait de « recréer les conditions d’une véritable liberté syndicale » ; autrement dit, des structures inféodées au patronat, au détriment des syndicats représentatifs. Par ailleurs, le 25 août 2022, Louis Alliot (maire RN de Perpignan) affirmait sur BFM TV : « Les syndicats sont les croque‑morts du monde économique et du travail, ils ne servent à rien ». Ces propos, on ne peut plus clairs, s’accompagnent d’attaques en règle contre le droit de grève ou l’action syndicale en général.
La stigmatisation et les politiques discriminatoires envers les minorités
Le durcissement des politiques migratoires est déjà à l’œuvre dans les pays aux mains de l’extrême-droite. L’indéfectible credo de la « préférence nationale » ouvre la voie à des législations différenciées selon l’origine. L’obsession de l’extrême-droite pour la population de culture ou de religion musulmane alimente les débats dans les médias du groupe Bolloré. Les discours publics stigmatisants légitiment les discriminations et les violences contre certaines catégories de la population (migrants, musulmans, juifs, Roms, LGBTQ+). De nombreuses études (comme celles d’Acta Politica en 2020) insistent sur la continuité entre rhétorique et politiques répressives effectives. La pression sociale née de la politique et des discours sécuritaires offre un terreau propice aux débordements, à la montée de la violence dans une dialectique bien huilée qui vise à monter les catégories de la population les unes contre les autres.
Au-delà de la France, ce sont plusieurs pays européens (Hongrie, Pologne, Italie, Suède,) qui sont concernées. La montée de l’extrême droite a généré une polarisation accrue, des atteintes aux droits humains, une fragilisation de l’État de droit : le danger démocratique ne se limite pas à notre République mais devient bien un défi continental comme le déplorent les ONG qui défendent de la démocratie, les observateurs et les organisations progressistes.
Pour l’UNSA-Éducation, c’est à travers l’éducation, l’information fiable et le débat démocratique que cette bataille culturelle peut basculer en faveur des démocrates progressistes.