Les semaines du coût

Avant celle du goût qui aura lieu cette année du 12 au 18 octobre, les semaines de rentrée sont généralement l’occasion d’une réflexion économique : quel est le coût de l’éducation ?

Avant celle du goût qui aura lieu cette année du 12 au 18 octobre, les semaines de rentrée sont généralement l’occasion d’une réflexion économique : quel est le coût de l’éducation ? Si la note d’information n°29 de septembre 2015 de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) donne des indications précises et chiffrées sur la dépense des familles pour la scolarisation des enfants, elle ne prend pas en compte l’ensemble de leurs activités éducatives hebdomadaires, qui elles, vont au-delà de la seule école et peuvent vite être très chères. Ainsi une première constatation s’impose : l’Éducation n’est pas gratuite.

« Les dépenses spécifiques de rentrée scolaire représentent le tiers des dépenses totales d’éducation, et leur poids augmente avec le niveau d’études. 70 % des dépenses de fournitures et deux tiers des dépenses de vêtements de sport sont faites à la rentrée, mais seulement la moitié du matériel professionnel et moins de la moitié des livres (44 %). » Ainsi se conclut l’étude de Marguerite Rudolf de la DEPP qui montre que c’est en moyenne 760 € que dépensent les familles pour la scolarisation d’un enfant. « Ce montant varie selon l’âge de l’enfant : 580 € pour un écolier, 890 € pour un collégien et 1 160 € pour un lycéen. Les frais de cantine, d’internat ou de garderie sont le premier poste de dépenses scolaires des ménages, entre 350 et 440€, et représentent même plus de la moitié de la dépense par élève dans le premier degré. La dépense en livres, fournitures et habillement est beaucoup plus importante dans le second degré (entre 200 et 390 €) que dans le premier degré (entre 30 et 110 €). Elle est particulièrement élevée pour un élève de lycée professionnel en raison de la nécessité d’acheter des vêtements et des outils professionnels spécifiques. »

Ainsi, et nous le savons tous, l’école n’est pas gratuite. Et malgré les efforts et réflexions qui sont menés tant par les équipes éducatives que par les collectivités territoriales, le coût de la scolarisation peut être un frein aux choix d’orientation scolaire et un facteur de discrimination, renforçant encore davantage la fracture sociale et économique.

Mais ce que le ministère de l’Éducation nationale n’analyse pas, c’est le coût des autres activités éducatives en dehors de l’École. Or là encore les disparités sont nombreuses, les prix très variés et les ressources familiales influent fortement sur les choix d’activités possibles.

Les activités proposées par les communes suite à la nouvelle organisation du temps scolaire (les TAP) peuvent en fonction des lieux, être gratuits ou payants, selon des critères sociaux (quotient familial par exemple) ou pas. Il en est souvent de même pour les garderies périscolaires et pour les centres de loisirs.

Mais au-delà, lorsque les enfants souhaitent faire de la musique, du théâtre, de la danse, des arts plastiques, du sport, des activités scientifiques ou du cinéma, le budget familial est largement interrogé.

En ces semaines de rentrée, se multiplient les « forums associatifs » présentant les offres d’activités. Si elles sont souvent passionnantes, de nature à attirer les enfants et les jeunes et à participer largement à une complémentarité éducative, elles -non plus- ne sont pas gratuites. Et même lorsque des aides sont mises en place, elles conduisent à du « tri social ». Aux uns la possibilité d’apprendre le piano ou la danse classique au conservatoire ou à l’école de musique, aux autres le foot avec le club de la commune ou le hip hop à la maison de quartier. Les associations institutionnalisées (MJC, foyer d’éducation populaire ou autre maison pour tous…) organisent de plus en plus souvent ce clivage au sein même de leurs propositions : des cours relativement chers (plusieurs centaines d’euros par an) face à des animations abordables voire gratuites.

Cette ségrégation financière a un autre coût : son impact sociétal.

Alors que dans la logique de refondation, tous les regards se portent sur les solutions qui pourraient permettre à l’Éducation de combattre la fracture sociale, à l’heure de la coéducation et de l’enrichissement complémentaire des temps et des activités éducatrices dans et hors l’École, au moment où les mixités sont appelées à être développées, le maintien de telles disparités conduisent à renforcer les relégations, les oppositions, les fractures qui empêchent le vivre ensemble.

Au cœur de la construction des politiques éducatives, nationalement comme dans les territoires, il est urgent que cette dimension soit enfin prise en compte et que des solutions soient construites et mises en œuvre : elles auront certes un coût :

Le coût de notre investissement collectif à construire la société humaniste de demain.

 

Denis ADAM, le 23 septembre 2015

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Avant celle du goût qui aura lieu cette année du 12 au 18 octobre, les semaines de rentrée sont généralement l’occasion d’une réflexion économique : quel est le coût de l’éducation ? Si la note d’information n°29 de septembre 2015 de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) donne des indications précises et chiffrées sur la dépense des familles pour la scolarisation des enfants, elle ne prend pas en compte l’ensemble de leurs activités éducatives hebdomadaires, qui elles, vont au-delà de la seule école et peuvent vite être très chères. Ainsi une première constatation s’impose : l’Éducation n’est pas gratuite.

« Les dépenses spécifiques de rentrée scolaire représentent le tiers des dépenses totales d’éducation, et leur poids augmente avec le niveau d’études. 70 % des dépenses de fournitures et deux tiers des dépenses de vêtements de sport sont faites à la rentrée, mais seulement la moitié du matériel professionnel et moins de la moitié des livres (44 %). » Ainsi se conclut l’étude de Marguerite Rudolf de la DEPP qui montre que c’est en moyenne 760 € que dépensent les familles pour la scolarisation d’un enfant. « Ce montant varie selon l’âge de l’enfant : 580 € pour un écolier, 890 € pour un collégien et 1 160 € pour un lycéen. Les frais de cantine, d’internat ou de garderie sont le premier poste de dépenses scolaires des ménages, entre 350 et 440€, et représentent même plus de la moitié de la dépense par élève dans le premier degré. La dépense en livres, fournitures et habillement est beaucoup plus importante dans le second degré (entre 200 et 390 €) que dans le premier degré (entre 30 et 110 €). Elle est particulièrement élevée pour un élève de lycée professionnel en raison de la nécessité d’acheter des vêtements et des outils professionnels spécifiques. »

Ainsi, et nous le savons tous, l’école n’est pas gratuite. Et malgré les efforts et réflexions qui sont menés tant par les équipes éducatives que par les collectivités territoriales, le coût de la scolarisation peut être un frein aux choix d’orientation scolaire et un facteur de discrimination, renforçant encore davantage la fracture sociale et économique.

Mais ce que le ministère de l’Éducation nationale n’analyse pas, c’est le coût des autres activités éducatives en dehors de l’École. Or là encore les disparités sont nombreuses, les prix très variés et les ressources familiales influent fortement sur les choix d’activités possibles.

Les activités proposées par les communes suite à la nouvelle organisation du temps scolaire (les TAP) peuvent en fonction des lieux, être gratuits ou payants, selon des critères sociaux (quotient familial par exemple) ou pas. Il en est souvent de même pour les garderies périscolaires et pour les centres de loisirs.

Mais au-delà, lorsque les enfants souhaitent faire de la musique, du théâtre, de la danse, des arts plastiques, du sport, des activités scientifiques ou du cinéma, le budget familial est largement interrogé.

En ces semaines de rentrée, se multiplient les « forums associatifs » présentant les offres d’activités. Si elles sont souvent passionnantes, de nature à attirer les enfants et les jeunes et à participer largement à une complémentarité éducative, elles -non plus- ne sont pas gratuites. Et même lorsque des aides sont mises en place, elles conduisent à du « tri social ». Aux uns la possibilité d’apprendre le piano ou la danse classique au conservatoire ou à l’école de musique, aux autres le foot avec le club de la commune ou le hip hop à la maison de quartier. Les associations institutionnalisées (MJC, foyer d’éducation populaire ou autre maison pour tous…) organisent de plus en plus souvent ce clivage au sein même de leurs propositions : des cours relativement chers (plusieurs centaines d’euros par an) face à des animations abordables voire gratuites.

Cette ségrégation financière a un autre coût : son impact sociétal.

Alors que dans la logique de refondation, tous les regards se portent sur les solutions qui pourraient permettre à l’Éducation de combattre la fracture sociale, à l’heure de la coéducation et de l’enrichissement complémentaire des temps et des activités éducatrices dans et hors l’École, au moment où les mixités sont appelées à être développées, le maintien de telles disparités conduisent à renforcer les relégations, les oppositions, les fractures qui empêchent le vivre ensemble.

Au cœur de la construction des politiques éducatives, nationalement comme dans les territoires, il est urgent que cette dimension soit enfin prise en compte et que des solutions soient construites et mises en œuvre : elles auront certes un coût :

Le coût de notre investissement collectif à construire la société humaniste de demain.

 

Denis ADAM, le 23 septembre 2015