Les régions académiques : une étape
« Dans un contexte de réaction catholique et d’hostilité à l’Université et à son organisation napoléonienne, la loi Falloux supprime en 1850 la spécificité académique et aligne les circonscriptions de l’Instruction publique sur le département : c’est l’époque des « petits recteurs », soumis à l’évêque et au préfet. Mais la loi Fortoul de 1854 fait le choix inverse : elle rétablit la spécificité de l’Instruction publique et crée en métropole seize grandes académies.
[…]
Les académies de Nantes, Orléans et Reims sont créées en 1961, celles d’Amiens et Rouen en 1964, celle de Limoges en 1965. Les académies épousent l’organisation des régions, avec deux particularités toujours en vigueur : les académies de Lyon et de Grenoble partagent la région Rhône-Alpes, et l’académie de Nice, jusque-là rattachée à celle d’Aix, en est séparée en région Paca. Dans les années qui suivent, la Corse, la Réunion, les Antilles-Guyane deviennent des académies à part entière (celle d’Antilles-Guyane se scindera en trois académies en 1997, en réponse aux revendications régionales).
[…] l’académie d’Aix prend en 1972 le nom d’Aix-Marseille, Nancy devient Nancy-Metz ou Orléans, Orléans-Tours ».
Ainsi, l’histoire des académies -depuis leur fabrication napoléonienne dans le cadre de l’Université impériale- explique, selon Alain Boissinot dans une récente tribune de l’AEF (Dépêche n°509180 du 26/10/2015), que « l’Éducation nationale ne puisse ignorer les nouvelles étapes de la décentralisation ». En effet pour le recteur et IGEN honoraire, « depuis un demi-siècle, l’affirmation des régions et celle des académies sont trop liées pour que ce parallélisme soit remis en cause ». L’instauration récente d’un « recteur de région », doté de responsabilités spécifiques, répond selon lui à cet impératif et il prédit que « l’avenir des « régions académiques », prélude probable à une redéfinition des académies, paraît ainsi lié aux nouveaux progrès de la décentralisation : elles auront nécessairement un rôle majeur en matière de définition de l’ensemble de l’offre de formation, de construction des parcours jusqu’à l’enseignement supérieur, d’articulation avec les besoins en matière d’emploi ».
Après avoir montré comment au fil de leur histoire, les académies se sont transformées, jusque dans leurs noms, pour passer du rôle de courroie de transmission d’un pouvoir centralisé à celui d’acteurs régionaux, Alain Boissinot analyse que, « dans le prolongement des évolutions engagées ces dernières années, l’Éducation nationale est conduite à envisager un nouveau statut des académies, bien différent du modèle napoléonien mais mieux adapté au monde actuel. Il impliquera une réflexion sur l’organisation interne des régions académiques, pour répondre aux besoins de proximité. Il permet surtout d’espérer que de grandes académies, associées à des régions fortes, et dotées d’une large autonomie par rapport à l’administration centrale, s’affirment comme des acteurs majeurs des évolutions indispensables au sein de l’Éducation nationale ».
Cet éclairage historique montre qu’à la fois les découpages académiques actuels –et malgré les annonces rassurantes qui affirment les conserver- ne sont en rien immuables, mais surtout que c’est l’ancrage dans un pilotage territorial qui conduit progressivement l’administration de l’Education nationale à s’organiser et à faire évoluer les missions de ses structures déconcentrées. Une fois les nouvelles régions stabilisées et installées dans l’exercice de leurs prérogatives, il serait étonnant que les académies ne soient pas appelées, elles aussi, à bouger. Pour notre action syndicale, la vigilance s’impose donc davantage sur les enjeux de ces évolutions à venir que sur la préservation d’un périmètre déjà dépassé.