Les principes de la Fonction publique de carrière

Le statut général n’est pas un livre sacré dont il faudrait par conséquent s’interdire de jamais modifier la moindre virgule. Mais, au-delà des contingences, il faut rappeler les principes qui le fondent et le justifient.

Le statut général n’est pas un livre sacré dont il faudrait par conséquent s’interdire de jamais modifier la moindre virgule. Mais, au-delà des contingences, il faut rappeler les principes qui le fondent et le justifient.

Notre syndicalisme est né, à l’aube du XXe siècle, de la lutte contre les influences politiques dans les nominations. La nécessité d’assurer l’indépendance professionnelle des fonctionnaires est née de réactions contre cet état de fait.

La construction progressive de l’architecture statutaire a donc reposé sur trois principes, avant même le premier statut général de 1946 pour affirmer la conception républicaine de l’État garant du principe constitutionnel d’égalité.

1er principe : la continuité de la puissance publique qui nécessite que les fonctionnaires soient engagés (dans tous les sens du terme) sur longue durée. De là découle la notion de carrière progressivement « déroulée » dans un ou plusieurs corps (changements d’échelon, de grade ou classe) ou cadres d’emplois (pour la Fonction publique territoriale). Cette présence « longue » des agents est à la fois une garantie de neutralité et de continuité de l’action publique.

2e principe : la séparation entre le grade et l’emploi. Le fonctionnaire est propriétaire de son grade qu’il ne peut perdre que dans des conditions définies légalement (démission, révocation, radiation des cadres), mais l’administration reste maîtresse de son emploi en fonction des besoins du service. Cela implique aussi bien les opérations de gestion (implantation des postes) que les changements touchant à l’exercice de l’activité professionnelle.

3e principe : le recrutement par concours. Il découle des deux précédents. Sa vocation première est d’assurer la neutralité des recrutements (qui s’oppose ici à toute forme de privilège social, familial, relationnel). Le concours ne vise pas à occuper un emploi précis, mais à accéder à un corps, et donc aux différents emplois correspondants.

Le statut général est la résultante de ces principes. Ce n’est donc pas un contrat, mais une décision « unilatérale » de la puissance publique (lois, décrets, arrêtés) et non d’une convention collective. Quand négociation il y a, la traduction juridique légale s’effectue par ces « actes unilatéraux »: l’État reste en tout état de cause le garant de l’intérêt général par rapport aux intérêts particuliers (même ceux de ses propres agents).

Étant placé dans une situation « statutaire et règlementaire », le fonctionnaire ne peut pas, comme un salarié du privé, invoquer devant le juge la modification substantielle du contrat de travail¹ . S’il y a un statut, c’est parce que les fonctionnaires sont soumis aux contraintes qu’implique le service public.

La protection dont bénéficie le fonctionnaire est en fait une protection pour le service public lui-même. Les autorités dont la légitimité découle de l’élection: le Parlement qui fait la Loi; le Gouvernement, nommé par le président de la République lui-même élu, qui est responsable devant l’Assemblée nationale) sont des mandataires de la Nation, non pas les propriétaires de la Fonction publique: la subordination hiérarchique ou fonctionnelle n’est pas la subordination personnelle.

C’est donc une protection pour les usagers du service public dont le fonctionnement est déterminé par des lois et textes règlementaires, sous le contrôle du Juge constitutionnel et du Juge administratif. C’est une garantie de l’égalité de traitement dont le fondement réside dans l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle:
«Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.»

Le fonctionnaire n’est pas irresponsable (au sens où sa responsabilité ne pourrait être invoquée). L’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 précise bien que:

«Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés.»

Mais, comme l’indiquait Anicet Le Pors en présentant la loi de 1983 (titre Ier du statut général) devant l’Assemblée nationale, le fonctionnaire reste lui-même un citoyen dont la liberté d’opinion est consacrée par la loi (article 6) parce que, au fond, si l’arbitraire menace le fonctionnaire, il menace encore plus les citoyens.

¹ Aucun contrat pour un fonctionnaire, même un « contrat moral ». La notion de contrat moral a d’ailleurs par nature une valeur juridique des plus impalpables en droit positif.

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Le statut général n’est pas un livre sacré dont il faudrait par conséquent s’interdire de jamais modifier la moindre virgule. Mais, au-delà des contingences, il faut rappeler les principes qui le fondent et le justifient.

Notre syndicalisme est né, à l’aube du XXe siècle, de la lutte contre les influences politiques dans les nominations. La nécessité d’assurer l’indépendance professionnelle des fonctionnaires est née de réactions contre cet état de fait.

La construction progressive de l’architecture statutaire a donc reposé sur trois principes, avant même le premier statut général de 1946 pour affirmer la conception républicaine de l’État garant du principe constitutionnel d’égalité.

1er principe : la continuité de la puissance publique qui nécessite que les fonctionnaires soient engagés (dans tous les sens du terme) sur longue durée. De là découle la notion de carrière progressivement « déroulée » dans un ou plusieurs corps (changements d’échelon, de grade ou classe) ou cadres d’emplois (pour la Fonction publique territoriale). Cette présence « longue » des agents est à la fois une garantie de neutralité et de continuité de l’action publique.

2e principe : la séparation entre le grade et l’emploi. Le fonctionnaire est propriétaire de son grade qu’il ne peut perdre que dans des conditions définies légalement (démission, révocation, radiation des cadres), mais l’administration reste maîtresse de son emploi en fonction des besoins du service. Cela implique aussi bien les opérations de gestion (implantation des postes) que les changements touchant à l’exercice de l’activité professionnelle.

3e principe : le recrutement par concours. Il découle des deux précédents. Sa vocation première est d’assurer la neutralité des recrutements (qui s’oppose ici à toute forme de privilège social, familial, relationnel). Le concours ne vise pas à occuper un emploi précis, mais à accéder à un corps, et donc aux différents emplois correspondants.

Le statut général est la résultante de ces principes. Ce n’est donc pas un contrat, mais une décision « unilatérale » de la puissance publique (lois, décrets, arrêtés) et non d’une convention collective. Quand négociation il y a, la traduction juridique légale s’effectue par ces « actes unilatéraux »: l’État reste en tout état de cause le garant de l’intérêt général par rapport aux intérêts particuliers (même ceux de ses propres agents).

Étant placé dans une situation « statutaire et règlementaire », le fonctionnaire ne peut pas, comme un salarié du privé, invoquer devant le juge la modification substantielle du contrat de travail¹ . S’il y a un statut, c’est parce que les fonctionnaires sont soumis aux contraintes qu’implique le service public.

La protection dont bénéficie le fonctionnaire est en fait une protection pour le service public lui-même. Les autorités dont la légitimité découle de l’élection: le Parlement qui fait la Loi; le Gouvernement, nommé par le président de la République lui-même élu, qui est responsable devant l’Assemblée nationale) sont des mandataires de la Nation, non pas les propriétaires de la Fonction publique: la subordination hiérarchique ou fonctionnelle n’est pas la subordination personnelle.

C’est donc une protection pour les usagers du service public dont le fonctionnement est déterminé par des lois et textes règlementaires, sous le contrôle du Juge constitutionnel et du Juge administratif. C’est une garantie de l’égalité de traitement dont le fondement réside dans l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle:
«Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.»

Le fonctionnaire n’est pas irresponsable (au sens où sa responsabilité ne pourrait être invoquée). L’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 précise bien que:

«Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés.»

Mais, comme l’indiquait Anicet Le Pors en présentant la loi de 1983 (titre Ier du statut général) devant l’Assemblée nationale, le fonctionnaire reste lui-même un citoyen dont la liberté d’opinion est consacrée par la loi (article 6) parce que, au fond, si l’arbitraire menace le fonctionnaire, il menace encore plus les citoyens.

¹ Aucun contrat pour un fonctionnaire, même un « contrat moral ». La notion de contrat moral a d’ailleurs par nature une valeur juridique des plus impalpables en droit positif.