Les enseignants démunis et l’organisation du collège mal adaptée face à la grande difficulté scolaire

Alors que le Ministre Vincent Peillon doit dévoiler jeudi un plan ambitieux pour l’éducation prioritaire, un rapport de l’inspection générale concernant les élèves en grande difficulté scolaire, et daté de novembre dernier, est désormais disponible en ligne.


S’il reconnait que la grande difficulté scolaire est mal définie, le rapport fait le constat que les enseignants sont souvent démunis face aux élèves en échec, qui « ne parviennent pas à s’approcher des compétences attendues ».

« Nombreux, trop nombreux, sont ceux qui sont en grande difficulté avant l’entrée en sixième, mais encore plus nombreux sont ceux dont l’échec est constaté au terme de la scolarité obligatoire » se désole le rapport qui met en évidence la rupture qu’engendre le collège et son « organisation mal adaptée (et adaptable) à la spécificité des élèves les plus fragiles ».

Forts de leurs constats, les inspecteurs généraux Jean-Pierre DELAUBIER et Gérard SAURAT, auteurs du rapport proposent  « cinq priorités » qui «  orientent les recommandations formulées :

A – Construire une réponse réellement personnalisée de la maternelle à la classe de seconde ;
– Privilégier une démarche de prévention à tous les niveaux. 
– Mettre en place un projet personnalisé pour tout élève en situation de grande difficulté.
– Confier la responsabilité de la formulation, de la cohérence et de la continuité de ce projet à un enseignant, unique référent pour l’élève, sa famille et les acteurs impliqués
– Repenser les multiples dispositifs mis en place en place dans les écoles ou les collèges.
– Installer systématiquement un temps d’accompagnement personnalisé quotidien après la classe.
– Impliquer les parents.
– Poursuivre résolument l’évolution des principes et des modalités de l’évaluation.
– Réexaminer la question du redoublement
B – Mettre en cohérence les aides autour de l’élève, du maître et de la classe dans le premier degré
– Renforcer le rôle de la maternelle dans la prévention.
– À ce stade, développer les coopérations entre les enseignants, le psychologue scolaire et le médecin de l’éducation nationale.
– Redéfinir les aides spécialisées autour de deux besoins :
–  le besoin d’une aide de proximité
– le besoin d’une intervention spécifique
– Réorganiser les ressources mises à la disposition des écoles et des maîtres
C – Adapter le collège aux situations de grande difficulté
– Introduire des souplesses horaires permettant une réelle personnalisation des parcours.
– Renforcer la cohérence de la réponse apportée.
-  Assurer la continuité du projet et de l’accompagnement de l’élève en situation de grande difficulté sur la durée de la scolarité collégienne.
– Saisir l’opportunité de l’installation du nouveau cycle de consolidation (CM1, CM2, sixième) Mieux accompagner l’orientation et l’affectation des élèves en grande difficulté dans la classe de troisième « ordinaire ».
D – Faire de la SEGPA une voie d’inclusion
– Clarifier la procédure d’orientation. 
– Favoriser les retours dans la voie ordinaire.
– Construire des parcours plus inclusifs.
– Procéder à de véritables échanges de services.
– Engager l’évolution du statut des directeurs adjoints chargés de SEGPA.
– Assurer une meilleure qualité des parcours de découverte professionnelle.
– Renforcer l’accompagnement des élèves au-delà de la troisième.
E – Placer au cœur de la nouvelle formation la réponse à la diversité des besoins
– Modifier la conception même de l’approche de la diversité des besoins dans la formation initiale.
– Renforcer les contenus de la formation.
– Développer la formation continue.
– Exploiter les possibilités du numérique.
– Former les autres personnels.
– Actualiser les formations complémentaires proposées aux enseignants pour développer leurs compétences dans le domaine de l’aide aux élèves en grande difficulté.
– Développer un vivier de formateurs susceptibles d’intervenir sur cet axe en formation initiale et continue.

A ces pistes d’évolutions, les deux auteurs ajoutent 16 préconisations complémentaires :
– 1 : préciser et mettre en cohérence le vocabulaire utilisé pour caractériser la nature et le degré des difficultés des élèves dans les textes officiels.
– 2 : s’appuyer sur les principes de l’école inclusive, désormais inscrite dans la loi pour passer d’une logique de traitement des difficultés, donc des écarts à la norme, à une logique beaucoup plus préventive de réponse aux besoins éducatifs particuliers.
– 3 : éviter de considérer la « grande difficulté » comme une catégorie qui caractériserait a priori une population d’élèves ; évoquer plutôt la « situation de grande difficulté », situation qui est celle de tout élève qui, à un moment de sa scolarité, est en échec grave et durable, par rapport aux compétences attendues au niveau considéré.
-  4: définir quelques indicateurs stables référés aux évaluations nationales et internationales permettant de suivre la population scolaire en « grande difficulté » et de mieux cerner les composantes de ces situations.
-  5 : élaborer un texte fédérateur permettant de mettre en cohérence l’ensemble des mesures et dispositifs conçus en réponse aux difficultés ou situations spécifiques relevées au cours de la scolarité obligatoire et constituant un cadre cohérent dans lequel pourrait s’exercer l’autonomie de l’établissement.
– 6 : réexaminer pour tous les élèves en situation de grande difficulté (ou autre situation spécifique) la mise en place d’un outil de suivi permettant de rassembler les informations disponibles, de nourrir les projets (programmes) personnalisés, de procéder à des synthèses et des régulations périodiques et de mettre en évidence les progrès réalisés, en relation avec le livret scolaire.
– 7 : approfondir la question des rythmes de travail et de la semaine de classe de l’élève « en grande difficulté ». En particulier, dans le cadre de la démarche engagée au niveau national, examiner comment lui permettre d’accomplir, à son rythme, son parcours d’apprentissage.
-  8 : clarifier la répartition des rôles du maître, responsable de la formulation et de la mise en œuvre du projet élaboré en réponse à la situation de grande difficulté et du directeur, responsable de la cohésion des acteurs au service de ce projet et de sa continuité.
-  9 : éviter de mettre en concurrence l’accompagnement scolaire et les activités de sport, de jeu ou d’ouverture culturelle. Il conviendrait soit de construire un emploi du temps où ces deux types d’apports sont distribués sur des plages différentes, soit de concevoir avec les parents un itinéraire individualisé équilibrant les champs d’activité.
– 10 : installer l’usage du plan d’accompagnement personnalisé pour construire dans la durée depuis la maternelle jusqu’au terme des apprentissages fondamentaux une prévention efficace et cohérente des situations de grande difficulté en associant autour de l’enseignant le médecin de l’éducation nationale, le psychologue scolaire et, en tant que de besoin, d’autres professionnels, tout en impliquant les parents.
– 11 : dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le rôle et le fonctionnement de la SEGPA, réviser et expliciter la procédure et les critères d’orientation en plaçant l’intérêt de l’élève au-dessus de toute autre considération.
– 12 : faire en sorte que les parents des élèves les plus en difficulté aient un interlocuteur unique désigné parmi les professeurs, soit en tant que « tuteur », soit en tant que « professeur principal » (dans le cadre d’une redéfinition de cette mission).
– 13 : définir plus clairement le statut des directeurs adjoints chargés de SEGPA, par exemple dans le cadre d’une intégration dans le corps des personnels de direction.
– 14 : transformer l’actuel « bureau de la personnalisation des parcours et du handicap » à l’intérieur de la DGESCO en un « bureau de la personnalisation des parcours », chargé de mettre en place, de coordonner et de suivre les dispositions nécessaires pour la personnalisation des parcours de tous les élèves qui ont besoin d’accompagnement ou d’aide spécifique à un moment de leur scolarité obligatoire.
– 15 : installer un dispositif d’évaluation fiable et durable (par exemple au début de la dernière année de chaque cycle) et en assurer la remontée anonyme et exhaustive à chaque niveau de responsabilité, de l’établissement jusqu’au niveau national.
– 16 : assurer un suivi spécifique de l’ensemble des personnels contractuels particulièrement impliqués auprès des élèves les plus fragiles. Reconnaître (VAE) l’engagement de ces personnels auprès des élèves les plus en difficulté.


Si l’ensemble des propositions est intéressant, l’approche demeure, semble-t-il, assez classique et interroge assez peu, -dans la logique de la Refondation- les évolutions mêmes de l’Ecole en terme de pédagogie, de coopération entre les élèves ou de nouvelles approches de l’évaluation.

Or s’il est indispensable de penser en cohérence les aides à apporter aux élèves en difficultés, n’est-il pas tout aussi indispensable de s’interroger sur les éléments internes au système scolaire qui peuvent provoquer certaines de ces difficultés et de tenter d’y remédier ? Un véritable enjeu pour faire de l’Ecole de demain celle de la réussite de tous et de chacun !

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S’il reconnait que la grande difficulté scolaire est mal définie, le rapport fait le constat que les enseignants sont souvent démunis face aux élèves en échec, qui « ne parviennent pas à s’approcher des compétences attendues ».

« Nombreux, trop nombreux, sont ceux qui sont en grande difficulté avant l’entrée en sixième, mais encore plus nombreux sont ceux dont l’échec est constaté au terme de la scolarité obligatoire » se désole le rapport qui met en évidence la rupture qu’engendre le collège et son « organisation mal adaptée (et adaptable) à la spécificité des élèves les plus fragiles ».

Forts de leurs constats, les inspecteurs généraux Jean-Pierre DELAUBIER et Gérard SAURAT, auteurs du rapport proposent  « cinq priorités » qui «  orientent les recommandations formulées :

A – Construire une réponse réellement personnalisée de la maternelle à la classe de seconde ;
– Privilégier une démarche de prévention à tous les niveaux. 
– Mettre en place un projet personnalisé pour tout élève en situation de grande difficulté.
– Confier la responsabilité de la formulation, de la cohérence et de la continuité de ce projet à un enseignant, unique référent pour l’élève, sa famille et les acteurs impliqués
– Repenser les multiples dispositifs mis en place en place dans les écoles ou les collèges.
– Installer systématiquement un temps d’accompagnement personnalisé quotidien après la classe.
– Impliquer les parents.
– Poursuivre résolument l’évolution des principes et des modalités de l’évaluation.
– Réexaminer la question du redoublement
B – Mettre en cohérence les aides autour de l’élève, du maître et de la classe dans le premier degré
– Renforcer le rôle de la maternelle dans la prévention.
– À ce stade, développer les coopérations entre les enseignants, le psychologue scolaire et le médecin de l’éducation nationale.
– Redéfinir les aides spécialisées autour de deux besoins :
–  le besoin d’une aide de proximité
– le besoin d’une intervention spécifique
– Réorganiser les ressources mises à la disposition des écoles et des maîtres
C – Adapter le collège aux situations de grande difficulté
– Introduire des souplesses horaires permettant une réelle personnalisation des parcours.
– Renforcer la cohérence de la réponse apportée.
-  Assurer la continuité du projet et de l’accompagnement de l’élève en situation de grande difficulté sur la durée de la scolarité collégienne.
– Saisir l’opportunité de l’installation du nouveau cycle de consolidation (CM1, CM2, sixième) Mieux accompagner l’orientation et l’affectation des élèves en grande difficulté dans la classe de troisième « ordinaire ».
D – Faire de la SEGPA une voie d’inclusion
– Clarifier la procédure d’orientation. 
– Favoriser les retours dans la voie ordinaire.
– Construire des parcours plus inclusifs.
– Procéder à de véritables échanges de services.
– Engager l’évolution du statut des directeurs adjoints chargés de SEGPA.
– Assurer une meilleure qualité des parcours de découverte professionnelle.
– Renforcer l’accompagnement des élèves au-delà de la troisième.
E – Placer au cœur de la nouvelle formation la réponse à la diversité des besoins
– Modifier la conception même de l’approche de la diversité des besoins dans la formation initiale.
– Renforcer les contenus de la formation.
– Développer la formation continue.
– Exploiter les possibilités du numérique.
– Former les autres personnels.
– Actualiser les formations complémentaires proposées aux enseignants pour développer leurs compétences dans le domaine de l’aide aux élèves en grande difficulté.
– Développer un vivier de formateurs susceptibles d’intervenir sur cet axe en formation initiale et continue.

A ces pistes d’évolutions, les deux auteurs ajoutent 16 préconisations complémentaires :
– 1 : préciser et mettre en cohérence le vocabulaire utilisé pour caractériser la nature et le degré des difficultés des élèves dans les textes officiels.
– 2 : s’appuyer sur les principes de l’école inclusive, désormais inscrite dans la loi pour passer d’une logique de traitement des difficultés, donc des écarts à la norme, à une logique beaucoup plus préventive de réponse aux besoins éducatifs particuliers.
– 3 : éviter de considérer la « grande difficulté » comme une catégorie qui caractériserait a priori une population d’élèves ; évoquer plutôt la « situation de grande difficulté », situation qui est celle de tout élève qui, à un moment de sa scolarité, est en échec grave et durable, par rapport aux compétences attendues au niveau considéré.
-  4: définir quelques indicateurs stables référés aux évaluations nationales et internationales permettant de suivre la population scolaire en « grande difficulté » et de mieux cerner les composantes de ces situations.
-  5 : élaborer un texte fédérateur permettant de mettre en cohérence l’ensemble des mesures et dispositifs conçus en réponse aux difficultés ou situations spécifiques relevées au cours de la scolarité obligatoire et constituant un cadre cohérent dans lequel pourrait s’exercer l’autonomie de l’établissement.
– 6 : réexaminer pour tous les élèves en situation de grande difficulté (ou autre situation spécifique) la mise en place d’un outil de suivi permettant de rassembler les informations disponibles, de nourrir les projets (programmes) personnalisés, de procéder à des synthèses et des régulations périodiques et de mettre en évidence les progrès réalisés, en relation avec le livret scolaire.
– 7 : approfondir la question des rythmes de travail et de la semaine de classe de l’élève « en grande difficulté ». En particulier, dans le cadre de la démarche engagée au niveau national, examiner comment lui permettre d’accomplir, à son rythme, son parcours d’apprentissage.
-  8 : clarifier la répartition des rôles du maître, responsable de la formulation et de la mise en œuvre du projet élaboré en réponse à la situation de grande difficulté et du directeur, responsable de la cohésion des acteurs au service de ce projet et de sa continuité.
-  9 : éviter de mettre en concurrence l’accompagnement scolaire et les activités de sport, de jeu ou d’ouverture culturelle. Il conviendrait soit de construire un emploi du temps où ces deux types d’apports sont distribués sur des plages différentes, soit de concevoir avec les parents un itinéraire individualisé équilibrant les champs d’activité.
– 10 : installer l’usage du plan d’accompagnement personnalisé pour construire dans la durée depuis la maternelle jusqu’au terme des apprentissages fondamentaux une prévention efficace et cohérente des situations de grande difficulté en associant autour de l’enseignant le médecin de l’éducation nationale, le psychologue scolaire et, en tant que de besoin, d’autres professionnels, tout en impliquant les parents.
– 11 : dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le rôle et le fonctionnement de la SEGPA, réviser et expliciter la procédure et les critères d’orientation en plaçant l’intérêt de l’élève au-dessus de toute autre considération.
– 12 : faire en sorte que les parents des élèves les plus en difficulté aient un interlocuteur unique désigné parmi les professeurs, soit en tant que « tuteur », soit en tant que « professeur principal » (dans le cadre d’une redéfinition de cette mission).
– 13 : définir plus clairement le statut des directeurs adjoints chargés de SEGPA, par exemple dans le cadre d’une intégration dans le corps des personnels de direction.
– 14 : transformer l’actuel « bureau de la personnalisation des parcours et du handicap » à l’intérieur de la DGESCO en un « bureau de la personnalisation des parcours », chargé de mettre en place, de coordonner et de suivre les dispositions nécessaires pour la personnalisation des parcours de tous les élèves qui ont besoin d’accompagnement ou d’aide spécifique à un moment de leur scolarité obligatoire.
– 15 : installer un dispositif d’évaluation fiable et durable (par exemple au début de la dernière année de chaque cycle) et en assurer la remontée anonyme et exhaustive à chaque niveau de responsabilité, de l’établissement jusqu’au niveau national.
– 16 : assurer un suivi spécifique de l’ensemble des personnels contractuels particulièrement impliqués auprès des élèves les plus fragiles. Reconnaître (VAE) l’engagement de ces personnels auprès des élèves les plus en difficulté.


Si l’ensemble des propositions est intéressant, l’approche demeure, semble-t-il, assez classique et interroge assez peu, -dans la logique de la Refondation- les évolutions mêmes de l’Ecole en terme de pédagogie, de coopération entre les élèves ou de nouvelles approches de l’évaluation.

Or s’il est indispensable de penser en cohérence les aides à apporter aux élèves en difficultés, n’est-il pas tout aussi indispensable de s’interroger sur les éléments internes au système scolaire qui peuvent provoquer certaines de ces difficultés et de tenter d’y remédier ? Un véritable enjeu pour faire de l’Ecole de demain celle de la réussite de tous et de chacun !