L’Ecole du FN : que cache l’uniforme ?

De la nostalgie et une fausse égalité


La candidate de l’extrême droite a inscrit dans son programme l’imposition de l’uniforme pour les élèves. Un effet « blouse » rempli de la nostalgie d’un passé scolaire mythifié qui masque mal une toute aussi hypothétique et seulement apparente égalité.

« Avec son programme, Marine Le Pen est dans le ‘c’était mieux avant’ ! Quand elle plaide pour un retour de l’uniforme, elle est sur une vision biaisée. Sur cette question, il y a d’ailleurs une erreur profonde : l’uniforme n’a jamais existé en France. Avant il y avait des blouses, mais c’était pour une question pratique. Donc il ne s’agit pas de restaurer une autorité qui aurait disparue. C’est quelque chose qui est de l’ordre de la référence nostalgique à une école mythifiée qui n’a jamais existé. C’est inefficace et à rebours de ce que devrait être l’adaptation au 21e siècle » dénonce Philippe Watrelot, président du Conseil National de l’Innovation pour la réussite éducative (CNIRÉ), et professeur en temps partage à l’ESPÉ – Paris (École supérieure du professorat et de l’éducation), interrogé par BFM TV.

Mais le plus dangereux dans le programme scolaire du FN n’est pas ce passéisme, mais ce qu’il cache. En effet sous une supposée égalité des élèves, c’est bien une école à deux vitesses qui est décrite. Avec une orientation en apprentissage dès 14 ans pour les élèves en échec et la fin du collège unique.

Ainsi poursuit Philippe Watrelot « dans ses propositions pour l’école, il y en a une qui m’inquiète beaucoup, c’est celle sur la revalorisation du travail manuel (proposition n°81). Au détour d’une parenthèse, elle énonce deux choses qui pour moi sont des bornes infranchissables. La première c’est la fin progressive du collège unique. La deuxième, c’est le développement de l’apprentissage dès 14 ans. J’ai envie de traduire ça par une phrase simple : c’est le développement de la sélection précoce. On retourne 60 ans en arrière, puisque c’est en 1959 qu’a été instituée l’école obligatoire jusqu’à 16 ans.
Avec le collège unique, on considère qu’on offre le même socle de compétence, de connaissance et de culture à tous les enfants, jusqu’à 16 ans. C’est un principe à mon sens démocratique, alors qu’avant, il y avait en gros l’école des riches et l’école des pauvres. Quant à l’apprentissage dès 14 ans, pour moi c’est la négation même du principe d’éducabilité : on considère qu’il y aurait des gens qui seraient doués pour les études et d’autres non. Qui peut prédire que quelqu’un va avoir son destin tout tracé à 14 ans ?
Ce qui est cocasse, c’est que ceux qui parlent de la revalorisation du travail manuel, de ‘l’intelligence de la main’, ce sont les mêmes qui n’envoient jamais leurs enfants dans ce type de filière
. »

Il faut ajouter que la valorisation du mérite va avec celle de l’élite. Un même vêtement pour tous les élèves, ne gommera ni les différences sociales ni les différences culturelles. Ne plus offrir à tous la possibilité d’acquérir les compétences et les connaissances du socle commun à l’issu de leur scolarité obligatoire, valoriser les grandes écoles, défendre les écoles privées sous contrat (essentiellement celles qui peuvent trier leurs élèves ou les sélectionner par l’argent) sont autant de mesures qui s’oppose à la réussite de toutes et tous.

Pour résumer, Philippe Watrelot ajoute « que le programme de Marine Le Pen prône une école injuste et inefficace. Injuste parce qu’elle va de fait renforcer les inégalités sociales. Avec la fin du collège unique qu’elle prône, ce sont les plus pauvres qui vont trinquer. Ce sont eux qui vont se retrouver envoyés en apprentissage à 14 ans et qui n’auront pas le droit au même savoir que les autres. Et inefficace parce que c’est une école qui ne serait pas adaptée au 21e siècle, et qui ne correspond pas à la réalité des familles. Y compris dans les familles qui votent FN, on négocie avec les enfants, on discute avec eux et on écoute leurs paroles. Alors pourquoi l’école devrait aller à rebours de cette évolution-là ? »

En fait, la véritable et seule uniformisation du programme Le Pen est celle des pratiques d’enseignement, réduites au seul cours magistral. Et là encore, la négation de la pédagogie ne profitera qu’aux élèves les plus en proximité avec la culture scolaire… pas prioritairement les enfants des classes populaires.

Un uniforme donc pour cacher cette école inégalitaire qu’on ne saurait voir.
 

 

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De la nostalgie et une fausse égalité


La candidate de l’extrême droite a inscrit dans son programme l’imposition de l’uniforme pour les élèves. Un effet « blouse » rempli de la nostalgie d’un passé scolaire mythifié qui masque mal une toute aussi hypothétique et seulement apparente égalité.

« Avec son programme, Marine Le Pen est dans le ‘c’était mieux avant’ ! Quand elle plaide pour un retour de l’uniforme, elle est sur une vision biaisée. Sur cette question, il y a d’ailleurs une erreur profonde : l’uniforme n’a jamais existé en France. Avant il y avait des blouses, mais c’était pour une question pratique. Donc il ne s’agit pas de restaurer une autorité qui aurait disparue. C’est quelque chose qui est de l’ordre de la référence nostalgique à une école mythifiée qui n’a jamais existé. C’est inefficace et à rebours de ce que devrait être l’adaptation au 21e siècle » dénonce Philippe Watrelot, président du Conseil National de l’Innovation pour la réussite éducative (CNIRÉ), et professeur en temps partage à l’ESPÉ – Paris (École supérieure du professorat et de l’éducation), interrogé par BFM TV.

Mais le plus dangereux dans le programme scolaire du FN n’est pas ce passéisme, mais ce qu’il cache. En effet sous une supposée égalité des élèves, c’est bien une école à deux vitesses qui est décrite. Avec une orientation en apprentissage dès 14 ans pour les élèves en échec et la fin du collège unique.

Ainsi poursuit Philippe Watrelot « dans ses propositions pour l’école, il y en a une qui m’inquiète beaucoup, c’est celle sur la revalorisation du travail manuel (proposition n°81). Au détour d’une parenthèse, elle énonce deux choses qui pour moi sont des bornes infranchissables. La première c’est la fin progressive du collège unique. La deuxième, c’est le développement de l’apprentissage dès 14 ans. J’ai envie de traduire ça par une phrase simple : c’est le développement de la sélection précoce. On retourne 60 ans en arrière, puisque c’est en 1959 qu’a été instituée l’école obligatoire jusqu’à 16 ans.
Avec le collège unique, on considère qu’on offre le même socle de compétence, de connaissance et de culture à tous les enfants, jusqu’à 16 ans. C’est un principe à mon sens démocratique, alors qu’avant, il y avait en gros l’école des riches et l’école des pauvres. Quant à l’apprentissage dès 14 ans, pour moi c’est la négation même du principe d’éducabilité : on considère qu’il y aurait des gens qui seraient doués pour les études et d’autres non. Qui peut prédire que quelqu’un va avoir son destin tout tracé à 14 ans ?
Ce qui est cocasse, c’est que ceux qui parlent de la revalorisation du travail manuel, de ‘l’intelligence de la main’, ce sont les mêmes qui n’envoient jamais leurs enfants dans ce type de filière
. »

Il faut ajouter que la valorisation du mérite va avec celle de l’élite. Un même vêtement pour tous les élèves, ne gommera ni les différences sociales ni les différences culturelles. Ne plus offrir à tous la possibilité d’acquérir les compétences et les connaissances du socle commun à l’issu de leur scolarité obligatoire, valoriser les grandes écoles, défendre les écoles privées sous contrat (essentiellement celles qui peuvent trier leurs élèves ou les sélectionner par l’argent) sont autant de mesures qui s’oppose à la réussite de toutes et tous.

Pour résumer, Philippe Watrelot ajoute « que le programme de Marine Le Pen prône une école injuste et inefficace. Injuste parce qu’elle va de fait renforcer les inégalités sociales. Avec la fin du collège unique qu’elle prône, ce sont les plus pauvres qui vont trinquer. Ce sont eux qui vont se retrouver envoyés en apprentissage à 14 ans et qui n’auront pas le droit au même savoir que les autres. Et inefficace parce que c’est une école qui ne serait pas adaptée au 21e siècle, et qui ne correspond pas à la réalité des familles. Y compris dans les familles qui votent FN, on négocie avec les enfants, on discute avec eux et on écoute leurs paroles. Alors pourquoi l’école devrait aller à rebours de cette évolution-là ? »

En fait, la véritable et seule uniformisation du programme Le Pen est celle des pratiques d’enseignement, réduites au seul cours magistral. Et là encore, la négation de la pédagogie ne profitera qu’aux élèves les plus en proximité avec la culture scolaire… pas prioritairement les enfants des classes populaires.

Un uniforme donc pour cacher cette école inégalitaire qu’on ne saurait voir.