L’état des lieux dévoilé mardi 6 octobre par le gouvernement allemand a de quoi inquiéter. En effet, les données des services de renseignements révèlent plus de 1400 cas suspectés de liens étroits avec l’extrême droite au sein des institutions allemandes sur la période allant de janvier 2017 à mars 2020. Les forces de sécurité, dont la police, compteraient 377 cas. Mais, ce chiffre est certainement plus important, car plusieurs affaires récentes n’ont pas pu être intégrées dans le décompte. C’est le cas par exemple d’un réseau de 29 policiers démasqués en septembre qui échangeaient des symboles néonazis ou de propagande xénophobe.
Comment expliquer cette montée des idées d’extrême droite dans la société allemande ? L’UNSA Éducation fait le point.
La crise des partis traditionnels et la crise des réfugiés de 2015
L’Allemagne, à l’image de l’Europe d’ailleurs, est frappée par la résurgence des partis politiques d’extrême droite et des partis populistes. Ces partis remettent en cause le système politique en profitant des crises des partis traditionnels, les chrétiens-démocrates de la CDU et les sociaux-démocrates du SPD pour le cas allemand. Ainsi, Alternative für Deutschland (AfD) progresse dans le paysage politique depuis sa création en 2013 et remporte des succès électoraux. AfD adopte les thèmes classiques d’extrême droite tels que l’immigration et la sécurité.
La crise des réfugiés en 2015 a été un tournant idéologique pour AfD qui s’oppose à la politique migratoire d’Angela Merkel. Le parti se divise entre des moins extrémistes et une frange radicale, dont les thèmes récurrents portent sur la dénonciation de l’immigration, l’hostilité à l’islam, une proximité idéologique de certains cadres avec le national-socialisme, la défense d’une Europe composée d’États souverains, l’opposition au mariage de personnes de même sexe ou encore la fin de la “culture de repentance” allemande pour les crimes commis durant la période nazie.
Ce courant radical défendant une vision nationale ethnique est représenté par Björn Höcke et a pour nom Der Flügel (l’Aile). Il entretient des relations avec le mouvement anti-musulman et anti-migrants fondé en 2014, PEGIDA (Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes qui signifie les Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident), dont l’idéologie repose sur la théorie complotiste raciste et xénophobe de “la lutte contre le grand remplacement” et la “défense de l’identité allemande”.
Un “processus rampant” vers la banalisation de l’extrême droite
La société allemande tente de réagir par des manifestations contre l’extrême droite ou contre toute alliance des autres partis avec cette dernière. Malgré cette mobilisation, l’AfD continue à gagner en respectabilité auprès de l’opinion publique allemande. Comment l’expliquer ?
Les militant·es d’extrême droite ont inondé les réseaux sociaux de leurs idées en délaissant toutefois l’utilisation du langage fasciste propre aux néonazis. Tout récemment avec les restrictions imposées par la crise du coronavirus, la mobilisation en ligne s’est développée et a facilité le rapprochement avec une frange plus centriste de la population. Les idées complotistes ont également essaimé en Allemagne. Ce n’est pas un hasard si les défenseurs de l’extrême droite se rendent visibles dans les manifestations anti-masques au sein desquelles on observe les mêmes symboles que l’on pouvait voir il y a cent ans dans les mouvements d’extrême droite antisémite.
Qui sont ces militant·es d’extrême droite ?
Les études montrent que les hommes votent plus facilement en faveur de l’AfD que les femmes. Si l’AfD attire davantage les 30-59 ans, plus que n’importe quel autre parti en Allemagne, le parti a de très bons scores chez les jeunes de moins de 29 ans. Ce vote peut s’expliquer par le fait que ces générations n’ont connu ni la période nazie, ni la RFA et la RDA, et sont donc moins marquées que leurs aînés par le poids de l’histoire.
La porosité entre l’extrême droite et une partie de la police révélée par l’enquête témoigne bien de l’influence croissante de l’extrême droite dans la société allemande. L’UNSA Éducation sera attentive à l’évolution de la situation et demeure farouchement opposée à l’extrême droite. Les idées portées par ce courant politique sont dangereuses pour nos valeurs démocratiques. Pour garantir la démocratie, la liberté, le bien-être et la paix : restons attentif·ves !