Le FN a-t-il séduit une partie des classes populaires?

Marion Fontaine historienne, spécialiste des mondes et du mouvement ouvrier répond à cette question.

Marion Fontaine, historienne, spécialiste des mondes et du mouvement ouvrier répond à cette question.

Du rêve au cauchemar. Longtemps le peuple, et en particulier la classe ouvrière, a incarné aux yeux de la gauche, du mouvement social, l’avenir, l’émancipation universelle.

Aujourd’hui, elle est dépeinte comme une caricature grimaçante, les « beaufs » ou les exclus, les archaïques, les perdants, les soutiers en tous les cas de l’extrême-droite.

Toutefois ce genre de mythe ou de fantasme n’éclaire que de manière partielle la réalité, que ce soit celle du passé ou celle du présent.

La classe ouvrière du XXe siècle ne fut pas unanimement de gauche et on y rencontrait déjà de la xénophobie et du racisme ; le vote actuel des classes populaires est plus ambigu qu’on ne le dit souvent, marqué par une forte abstention et plus récemment par le vote, dans certains quartiers au moins, en faveur de J.-L Mélenchon.

Il ne faut pas cependant se voiler la face : le vote en faveur de l’extrême-droite est une réalité dans les classes populaires, ainsi dans les anciennes zones mi-industrielles, mi-rurales du Nord et de l’Est. De multiples analyses tentent d’éclairer ce phénomène : elles insistent sur le sentiment d’abandon, le repli sur le local, l’éloignement – c’est une litote – à l’égard de la construction européenne, etc.

On soulignera, de manière plus pragmatique, la manière dont il serait possible de le combattre.

Les éphémères injonctions moralisatrices, le misérabilisme (les « inconscients qui ne savent pas ce qu’ils font »), pas plus que le populisme (le « bon sens populaire», le « peuple révolutionnaire »), ne servent en la matière de rien.

Loin des divisions manichéennes, qui enferment les individus dans des catégories essentialisées (le « peuple », les « perdants », les « fermés », etc.), c’est, sur le long terme, des instances de représentation et d’expression qui sont à réinventer.

Historiquement, c’est l’action sociale, le mouvement syndical qui, en s’auto-organisant, a organisé cette représentation, a permis la fondation de collectifs et d’institutions, a permis surtout de faire tourner les sentiments de blocage et d’impuissance, les colères informulées, non vers le premier bouc émissaire venu, mais dans le sens d’un projet, ancré dans les luttes quotidiennes, et ouvert en même temps vers l’avenir, et vers l’universel.

Marion Fontaine est historienne, spécialiste des mondes et du mouvement ouvrier. Elle a récemment publié, « Fin d’un monde ouvrier. Liévin 74 » (Editions de l’EHESS, 2014).

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Marion Fontaine, historienne, spécialiste des mondes et du mouvement ouvrier répond à cette question.

Du rêve au cauchemar. Longtemps le peuple, et en particulier la classe ouvrière, a incarné aux yeux de la gauche, du mouvement social, l’avenir, l’émancipation universelle.

Aujourd’hui, elle est dépeinte comme une caricature grimaçante, les « beaufs » ou les exclus, les archaïques, les perdants, les soutiers en tous les cas de l’extrême-droite.

Toutefois ce genre de mythe ou de fantasme n’éclaire que de manière partielle la réalité, que ce soit celle du passé ou celle du présent.

La classe ouvrière du XXe siècle ne fut pas unanimement de gauche et on y rencontrait déjà de la xénophobie et du racisme ; le vote actuel des classes populaires est plus ambigu qu’on ne le dit souvent, marqué par une forte abstention et plus récemment par le vote, dans certains quartiers au moins, en faveur de J.-L Mélenchon.

Il ne faut pas cependant se voiler la face : le vote en faveur de l’extrême-droite est une réalité dans les classes populaires, ainsi dans les anciennes zones mi-industrielles, mi-rurales du Nord et de l’Est. De multiples analyses tentent d’éclairer ce phénomène : elles insistent sur le sentiment d’abandon, le repli sur le local, l’éloignement – c’est une litote – à l’égard de la construction européenne, etc.

On soulignera, de manière plus pragmatique, la manière dont il serait possible de le combattre.

Les éphémères injonctions moralisatrices, le misérabilisme (les « inconscients qui ne savent pas ce qu’ils font »), pas plus que le populisme (le « bon sens populaire», le « peuple révolutionnaire »), ne servent en la matière de rien.

Loin des divisions manichéennes, qui enferment les individus dans des catégories essentialisées (le « peuple », les « perdants », les « fermés », etc.), c’est, sur le long terme, des instances de représentation et d’expression qui sont à réinventer.

Historiquement, c’est l’action sociale, le mouvement syndical qui, en s’auto-organisant, a organisé cette représentation, a permis la fondation de collectifs et d’institutions, a permis surtout de faire tourner les sentiments de blocage et d’impuissance, les colères informulées, non vers le premier bouc émissaire venu, mais dans le sens d’un projet, ancré dans les luttes quotidiennes, et ouvert en même temps vers l’avenir, et vers l’universel.

Marion Fontaine est historienne, spécialiste des mondes et du mouvement ouvrier. Elle a récemment publié, « Fin d’un monde ouvrier. Liévin 74 » (Editions de l’EHESS, 2014).