Le double effet néfaste « manif pour tous »

Difficile de mesurer l’impact d’un mouvement sur les comportements électoraux. Il n’empêche que les mouvements structurant la « manif pour tous » ont largement participé à la radicalisation des opinions et ont fait franchir quelques limites. Cela ne peut que contribuer à renforcer le vote d’extrême droite en particulier dans l’électorat traditionnel de la droite et chez les jeunes. Exemple du côté des catholiques.

La radicalisation des opinions


« C’est une rupture de société. Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera ». Ces violentes et insensées paroles contre le mariage homosexuel ne sont pas le fait d’un intégriste acharné, mais celles de l’évêque de Lyon jusqu’alors plutôt reconnu pour sa modération. « Pétage de plomb » accidentel ? Pas sûr, puisque si l’évêque semble avoir mis de l’eau dans son vin et retrouver une parole plus digne, il n’en a pas moins continué à défiler en tête de « la manif pour tous ».

Alors que la « manif pour tous » se veut apolitique et areligieuse, « il est pourtant aisé, constate le journal Le Monde, que l’Eglise catholique est très présente parmi les 37 associations organisatrices. Ainsi sont recensées douze associations d’obédience chrétienne explicite ». D’autres organisations avancent plus masquées, mais sont dirigées ou en lien direct avec des personnalités qui ne cachent pas leur engagement religieux de différentes confessions.
Le lien avec la sphère politique aussi est attestée, particulièrement avec l’extrême droite ? Ainsi, comme l’écrit Michel Janva pour Le Point.fr dans un article publié le 28 février 2014 et intitulé La génération Manif pour tous débarque en politique, « après s’être éveillés à la politique en 2013, de nombreux jeunes portent les couleurs de l’UMP, du PCD ou du FN pour les élections municipales et européennes ». Parmi les portraits présentés, celui de Pierre Nicolas, candidat sur la liste Rassemblement Bleu Marine pour l’élection municipale de Versailles, qui indique : « La position mi-chèvre mi-chou de Marine Le Pen m’avait désappointé, mais j’ai été séduit par l’engagement de Marion, que j’ai croisée dans les manifs ». « Les Manifs pour tous ont été un déclencheur. Après sept mois de réflexion, j’ai décidé de m’engager en politique sur mes idées. Je n’ai pas peur de les défendre« . Ou celui d’Isabelle Surply qui s’est engagée au FN suite au 24 mars 2013, lorsqu’elle s’est fait gazer avec ses deux jeunes enfants par des CRS avenue Carnot, en pleine manifestation. Elle est tête de liste FN dans le 2e arrondissement de Lyon : « Je me suis dit : nous sommes en pleine dictature socialiste ! Il faut que tu réagisses, que tu t’impliques. »

La fragilisation d’anciennes digues

Ainsi la « manif pour tous » aura permis des rapprochements entre catholiques et front national. Bien entendu, c’est dans les milieux intégristes que la proximité entre l’extrême droite et les catholiques existe particulièrement. Ainsi Renaissance Catholique (mouvement de laïcs qui agit pour la défense de la vie et de la famille et œuvre pour la restauration des valeurs chrétiennes dans la société française) invitait-il en 2010 dans la perspective du débat sur l’identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy,  Bruno Gollnisch pour une conférence sur « Le démantèlement de la souveraineté française »,

L’enquête réalisée pour le magazine La vie en décembre dernier par Paradox’Opinion,  sur Ce que pensent les catholiques du FN et de Marine Le Pen, montre qu’« il existe toujours une digue entre les catholiques et le Front national. Cette digue est double, elle est politique et économique. Politique tout d’abord, parce que les catholiques sont avant tout de droite modérée (42 % s’en déclarent proche, ce qui est deux fois supérieur aux 20 % du reste de la population), héritière de la démocratie chrétienne. Économique ensuite, parce qu’ils sont de tradition libérale et européenne, là où le FN devient étatiste et anti-Euro. Dans les deux cas, les catholiques ne se retrouvent pas dans les positions de l’extrême droite ». Le sondage met également en évidence que « sur les valeurs identitaires, les catholiques ne se distinguent plus de l’ensemble des Français, qui eux-mêmes se rapprochent des valeurs du FN dans le rejet des autres ». Ainsi 41 % des catholiques pensent que l’islam est « vraiment » une menace pour l’Occident, score en hausse de 11 points en un an et 37 % sont « tout à fait d’accord » avec l’idée qu’il y a trop d’immigrés en France contre 25 % en 2012.

Aussi cette situation de distance entre les catholiques et le front national pourrait n’être que temporaire. Tout d’abord parce que « la droite n’exerce plus le même attrait chez les catholiques. 39 % déclarent avoir confiance en elle pour gouverner le pays, alors qu’ils étaient 51 % il y a un an », sans pour autant être davantage attirés par la gauche. « 46 % ne font ainsi plus confiance « ni à la droite ni à la gauche » pour gouverner le pays, score en hausse de 16 points en un an ! Les catholiques sont donc politiquement dans un entre-deux, encore tenus par une force de rappel de droite, mais potentiellement sensibles aux sirènes de l’antipolitique. Une zone ouverte aux tentations populistes», en déduit le magazine.

Ensuite et surtout, parce qu’il existe une véritable rupture générationnelle. En effet, les jeunes catholiques sont « très critiques à l’égard du système économique actuel et de ses conséquences sociales. Ils sont aussi plus réservés face à l’entreprise privée, réticents face à la globalisation, critiques sur le capitalisme et sensibles aux sirènes du protectionnisme. Et ils ne sont pas particulièrement plus tolérants face à l’immigration, même si l’octroi du droit de vote des étrangers comme moyen d’intégration pourrait les séduire. » Surtout, ils sont davantage séduits par la personnalité de Marine Le Pen. Si 10 % des catholiques pratiquants de moins de 35 ans se sentent proches du FN (contre 1 % parmi les plus de 65 ans), 35 % de ces jeunes apprécient Marine Le Pen (contre 25 % parmi les plus âgés). Et le magazine de conclure « Tant qu’ils partagent la conviction de leurs aînés, les jeunes catholiques résistent au populisme. En cédant, ils pourraient entraîner dans leur sillage un monde catholique fragilisé et désorienté ».

Si ce ne sont pas les effets recherchés par les promoteurs de la « manif pour tous », cela y ressemble étrangement !

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Difficile de mesurer l’impact d’un mouvement sur les comportements électoraux. Il n’empêche que les mouvements structurant la « manif pour tous » ont largement participé à la radicalisation des opinions et ont fait franchir quelques limites. Cela ne peut que contribuer à renforcer le vote d’extrême droite en particulier dans l’électorat traditionnel de la droite et chez les jeunes. Exemple du côté des catholiques.

La radicalisation des opinions


« C’est une rupture de société. Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera ». Ces violentes et insensées paroles contre le mariage homosexuel ne sont pas le fait d’un intégriste acharné, mais celles de l’évêque de Lyon jusqu’alors plutôt reconnu pour sa modération. « Pétage de plomb » accidentel ? Pas sûr, puisque si l’évêque semble avoir mis de l’eau dans son vin et retrouver une parole plus digne, il n’en a pas moins continué à défiler en tête de « la manif pour tous ».

Alors que la « manif pour tous » se veut apolitique et areligieuse, « il est pourtant aisé, constate le journal Le Monde, que l’Eglise catholique est très présente parmi les 37 associations organisatrices. Ainsi sont recensées douze associations d’obédience chrétienne explicite ». D’autres organisations avancent plus masquées, mais sont dirigées ou en lien direct avec des personnalités qui ne cachent pas leur engagement religieux de différentes confessions.
Le lien avec la sphère politique aussi est attestée, particulièrement avec l’extrême droite ? Ainsi, comme l’écrit Michel Janva pour Le Point.fr dans un article publié le 28 février 2014 et intitulé La génération Manif pour tous débarque en politique, « après s’être éveillés à la politique en 2013, de nombreux jeunes portent les couleurs de l’UMP, du PCD ou du FN pour les élections municipales et européennes ». Parmi les portraits présentés, celui de Pierre Nicolas, candidat sur la liste Rassemblement Bleu Marine pour l’élection municipale de Versailles, qui indique : « La position mi-chèvre mi-chou de Marine Le Pen m’avait désappointé, mais j’ai été séduit par l’engagement de Marion, que j’ai croisée dans les manifs ». « Les Manifs pour tous ont été un déclencheur. Après sept mois de réflexion, j’ai décidé de m’engager en politique sur mes idées. Je n’ai pas peur de les défendre« . Ou celui d’Isabelle Surply qui s’est engagée au FN suite au 24 mars 2013, lorsqu’elle s’est fait gazer avec ses deux jeunes enfants par des CRS avenue Carnot, en pleine manifestation. Elle est tête de liste FN dans le 2e arrondissement de Lyon : « Je me suis dit : nous sommes en pleine dictature socialiste ! Il faut que tu réagisses, que tu t’impliques. »

La fragilisation d’anciennes digues

Ainsi la « manif pour tous » aura permis des rapprochements entre catholiques et front national. Bien entendu, c’est dans les milieux intégristes que la proximité entre l’extrême droite et les catholiques existe particulièrement. Ainsi Renaissance Catholique (mouvement de laïcs qui agit pour la défense de la vie et de la famille et œuvre pour la restauration des valeurs chrétiennes dans la société française) invitait-il en 2010 dans la perspective du débat sur l’identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy,  Bruno Gollnisch pour une conférence sur « Le démantèlement de la souveraineté française »,

L’enquête réalisée pour le magazine La vie en décembre dernier par Paradox’Opinion,  sur Ce que pensent les catholiques du FN et de Marine Le Pen, montre qu’« il existe toujours une digue entre les catholiques et le Front national. Cette digue est double, elle est politique et économique. Politique tout d’abord, parce que les catholiques sont avant tout de droite modérée (42 % s’en déclarent proche, ce qui est deux fois supérieur aux 20 % du reste de la population), héritière de la démocratie chrétienne. Économique ensuite, parce qu’ils sont de tradition libérale et européenne, là où le FN devient étatiste et anti-Euro. Dans les deux cas, les catholiques ne se retrouvent pas dans les positions de l’extrême droite ». Le sondage met également en évidence que « sur les valeurs identitaires, les catholiques ne se distinguent plus de l’ensemble des Français, qui eux-mêmes se rapprochent des valeurs du FN dans le rejet des autres ». Ainsi 41 % des catholiques pensent que l’islam est « vraiment » une menace pour l’Occident, score en hausse de 11 points en un an et 37 % sont « tout à fait d’accord » avec l’idée qu’il y a trop d’immigrés en France contre 25 % en 2012.

Aussi cette situation de distance entre les catholiques et le front national pourrait n’être que temporaire. Tout d’abord parce que « la droite n’exerce plus le même attrait chez les catholiques. 39 % déclarent avoir confiance en elle pour gouverner le pays, alors qu’ils étaient 51 % il y a un an », sans pour autant être davantage attirés par la gauche. « 46 % ne font ainsi plus confiance « ni à la droite ni à la gauche » pour gouverner le pays, score en hausse de 16 points en un an ! Les catholiques sont donc politiquement dans un entre-deux, encore tenus par une force de rappel de droite, mais potentiellement sensibles aux sirènes de l’antipolitique. Une zone ouverte aux tentations populistes», en déduit le magazine.

Ensuite et surtout, parce qu’il existe une véritable rupture générationnelle. En effet, les jeunes catholiques sont « très critiques à l’égard du système économique actuel et de ses conséquences sociales. Ils sont aussi plus réservés face à l’entreprise privée, réticents face à la globalisation, critiques sur le capitalisme et sensibles aux sirènes du protectionnisme. Et ils ne sont pas particulièrement plus tolérants face à l’immigration, même si l’octroi du droit de vote des étrangers comme moyen d’intégration pourrait les séduire. » Surtout, ils sont davantage séduits par la personnalité de Marine Le Pen. Si 10 % des catholiques pratiquants de moins de 35 ans se sentent proches du FN (contre 1 % parmi les plus de 65 ans), 35 % de ces jeunes apprécient Marine Le Pen (contre 25 % parmi les plus âgés). Et le magazine de conclure « Tant qu’ils partagent la conviction de leurs aînés, les jeunes catholiques résistent au populisme. En cédant, ils pourraient entraîner dans leur sillage un monde catholique fragilisé et désorienté ».

Si ce ne sont pas les effets recherchés par les promoteurs de la « manif pour tous », cela y ressemble étrangement !