L’art pour se dire

Comment dire ce que l’on vit, ce que l’on ressent, ce qui fait souffrir ? C’est souvent difficile de trouver les mots, d’oser prendre la parole, de parler de soi. Si de nombreux adultes vivent cette difficulté de dire les choses, c’est encore plus prégnant pour une majorité d’enfants et d’adolescents. Or, nous le savons, il y a des mots qui libèrent, des prises de paroles qui soulagent, des manières de se confier qui font du bien.

Comment dire ce que l’on vit, ce que l’on ressent, ce qui fait souffrir ?
C’est souvent difficile de trouver les mots, d’oser prendre la parole, de parler de soi.

Si de nombreux adultes vivent cette difficulté de dire les choses, c’est encore plus prégnant pour une majorité d’enfants et d’adolescents.

Or, nous le savons, il y a des mots qui libèrent, des prises de paroles qui soulagent, des manières de se confier qui font du bien.

Ne pas savoir, ne pas pouvoir, ne pas oser se dire, n’est pas forcément une condamnation au silence, au mutisme, au repli sur soi. Sans nullement évoquer ici une approche thérapeutique, bien des pratiques artistiques rendent possible des formes d’expression dans lesquelles « je est un autre », selon les mots d’Arthur Rimbaud.


Qu’est-ce que le RAP a son origine ? Un cri. Un cri dans la rue. Le cri de celles et ceux qui n’ont ni le droit, ni de lieux pour prendre la parole et donc qui s’emparent de l’espace public pour transformer en violence symbolique, celles des mots, la souffrance de leur marginalisation.

Qu’est-ce que le jazz dans sa forme première ? Un chant. Le chant de celles et ceux à qui l’ont a volé les racines et que l’on a privé de l’élémentaire dignité humaine. Un chant qui s’impose comme le cri de ralliement et de reconnaissance d’une identité meurtrie.

La liste des créations artistiques qui permettent ainsi l’expression d’une parole refusée ou impossible, pourrait être longue, tant l’histoire de l’art en est une illustration permanente et toujours actuelle.

Combien d’hommes et de femmes surtout (car elles sont plus nombreuses à y participer) débutent un atelier d’écriture par cette double résistance :
 

– Je ne sais pas écrire
– Et puis, je n’ai rien à dire.

 

Il ne faudra souvent que quelques heures d’échanges impromptus pour libérer un flot de récits intéressants, passionnants qu’il faudra apprendre à mettre par écrit… mais l’essentiel est fait, la personne sait désormais qu’elle a quelque chose à raconter. Elle l’accepte. Elle accepte de se dire.

L’association « moderniser sans exclure » a conçu ainsi, il y a quelques années, à partir de l’utilisation de la vidéo et du montage de films, une démarche d’auto-médiatisation permettant à des publics privés d’espace de paroles (médiateurs urbains, mères en reconversion professionnelle…) de pouvoir construire leurs récits et le partager, y compris vis-à-vis de leur hiérarchie ou des décideurs.

De même, les démarches de théâtre forum ou théâtre institutionnel sont des occasions de mettre en scène des situations souvent difficiles à appréhender sans affect, sans violence ou sans les taire. Sur la scène, comme dans le tableau de Magritte, ce personnage n’est pas moi. Il est un double qui peut tout dire, tout faire, sans incidence, sans pudeur, sans retenue. Il est à distance. Tous les blocages peuvent donc être montrés. Toutes les souffrances exprimées. Toutes les violences sorties. Et c’est au travers de cette exposition que des réponses peuvent être inventées, des solutions construites, des évolutions trouvées. Ce qui changent alors sur scène peut inspirer, éclairer, guider, ce que l’on pourra alors changer dans la vie.

L’art ouvre une nouvelle fenêtre des possibles. Il libère. Il émancipe.

Cette médiation est aussi réalisable par le biais des arts plastiques -combien d’enfants expriment dans leurs dessins ce qu’ils n’osent ou ne veulent dire avec des mots ? – par le chant, par la danse, qui sont aussi des vecteurs pouvant porter cet acte libératoire.

Il ne s’agit nullement de, tous, devenir artistes. Pas plus qu’il ne s’agit de transformer nos espaces collectifs, nos salle de classe, nos centres de loisirs, nos clubs ou nos ateliers, en école d’art.

Mais rendre l’expression possible est une mission de l’Education. Et lorsque les mots ne peuvent sortir, lorsque les mots ne peuvent suffire, il nous revient, en tant qu’éducateurs, d’offrir les pistes de cet art qui permet de se dire.

Denis ADAM, le 2 mars 2016

 

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Comment dire ce que l’on vit, ce que l’on ressent, ce qui fait souffrir ?
C’est souvent difficile de trouver les mots, d’oser prendre la parole, de parler de soi.

Si de nombreux adultes vivent cette difficulté de dire les choses, c’est encore plus prégnant pour une majorité d’enfants et d’adolescents.

Or, nous le savons, il y a des mots qui libèrent, des prises de paroles qui soulagent, des manières de se confier qui font du bien.

Ne pas savoir, ne pas pouvoir, ne pas oser se dire, n’est pas forcément une condamnation au silence, au mutisme, au repli sur soi. Sans nullement évoquer ici une approche thérapeutique, bien des pratiques artistiques rendent possible des formes d’expression dans lesquelles « je est un autre », selon les mots d’Arthur Rimbaud.


Qu’est-ce que le RAP a son origine ? Un cri. Un cri dans la rue. Le cri de celles et ceux qui n’ont ni le droit, ni de lieux pour prendre la parole et donc qui s’emparent de l’espace public pour transformer en violence symbolique, celles des mots, la souffrance de leur marginalisation.

Qu’est-ce que le jazz dans sa forme première ? Un chant. Le chant de celles et ceux à qui l’ont a volé les racines et que l’on a privé de l’élémentaire dignité humaine. Un chant qui s’impose comme le cri de ralliement et de reconnaissance d’une identité meurtrie.

La liste des créations artistiques qui permettent ainsi l’expression d’une parole refusée ou impossible, pourrait être longue, tant l’histoire de l’art en est une illustration permanente et toujours actuelle.

Combien d’hommes et de femmes surtout (car elles sont plus nombreuses à y participer) débutent un atelier d’écriture par cette double résistance :
 

– Je ne sais pas écrire
– Et puis, je n’ai rien à dire.

 

Il ne faudra souvent que quelques heures d’échanges impromptus pour libérer un flot de récits intéressants, passionnants qu’il faudra apprendre à mettre par écrit… mais l’essentiel est fait, la personne sait désormais qu’elle a quelque chose à raconter. Elle l’accepte. Elle accepte de se dire.

L’association « moderniser sans exclure » a conçu ainsi, il y a quelques années, à partir de l’utilisation de la vidéo et du montage de films, une démarche d’auto-médiatisation permettant à des publics privés d’espace de paroles (médiateurs urbains, mères en reconversion professionnelle…) de pouvoir construire leurs récits et le partager, y compris vis-à-vis de leur hiérarchie ou des décideurs.

De même, les démarches de théâtre forum ou théâtre institutionnel sont des occasions de mettre en scène des situations souvent difficiles à appréhender sans affect, sans violence ou sans les taire. Sur la scène, comme dans le tableau de Magritte, ce personnage n’est pas moi. Il est un double qui peut tout dire, tout faire, sans incidence, sans pudeur, sans retenue. Il est à distance. Tous les blocages peuvent donc être montrés. Toutes les souffrances exprimées. Toutes les violences sorties. Et c’est au travers de cette exposition que des réponses peuvent être inventées, des solutions construites, des évolutions trouvées. Ce qui changent alors sur scène peut inspirer, éclairer, guider, ce que l’on pourra alors changer dans la vie.

L’art ouvre une nouvelle fenêtre des possibles. Il libère. Il émancipe.

Cette médiation est aussi réalisable par le biais des arts plastiques -combien d’enfants expriment dans leurs dessins ce qu’ils n’osent ou ne veulent dire avec des mots ? – par le chant, par la danse, qui sont aussi des vecteurs pouvant porter cet acte libératoire.

Il ne s’agit nullement de, tous, devenir artistes. Pas plus qu’il ne s’agit de transformer nos espaces collectifs, nos salle de classe, nos centres de loisirs, nos clubs ou nos ateliers, en école d’art.

Mais rendre l’expression possible est une mission de l’Education. Et lorsque les mots ne peuvent sortir, lorsque les mots ne peuvent suffire, il nous revient, en tant qu’éducateurs, d’offrir les pistes de cet art qui permet de se dire.

Denis ADAM, le 2 mars 2016