L’anniversaire de la loi légalisant l’IVG
Dans les années 1970, l’avortement était interdit en France, une interdiction qui exposait des milliers de femmes à des pratiques clandestines, souvent au péril de leur santé et de leur vie. Chaque année, on estimait qu’environ 300 000 avortements clandestins avaient lieu dans le pays. Des mouvements féministes, comme le Mouvement de libération des femmes (MLF) ou le Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception (MLAC), dénonçaient cette situation et réclamaient la dépénalisation de l’avortement. La publication dans le Nouvel Observateur du « Manifeste des 343 » en 1971, signé par des femmes déclarant avoir avorté illégalement, a contribué à briser le tabou et à mobiliser l’opinion publique. Puis le procès de Bobigny en 1972, au cours duquel l’avocate féministe, Gisèle Halimi, a défendu avec succès une mineure ayant avorté après un viol, ont sensibilisé l’opinion publique française à ce sujet de société mais l’idée de légiférer sur ce sujet sensible divisait profondément. Durant quatre ans des débats passionnés ont animé la société dans un contexte où la natalité était en forte baisse et où tant l’avortement que la contraception étaient souvent considérés comme une atteinte à la morale et à la vie, des menaces à la démographie et donc à l’avenir de la France.
Le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse est inscrit à l’agenda politique de la fin novembre 1974 car le président de la République Française Valéry Giscard d’Estaing, élu le 19 mai 1974, empreint de modernisme était conscient que modifier la loi de 1920 qui condamnait l’avortement devenait urgent. Il a choisi, le ministre de la Santé, Madame Simone Veil, pour défendre ce projet de loi car cette réforme sensible mais urgente ne devait pas être perçue comme une réforme féministe. Elle devait être portée comme une réforme de santé publique et de justice sociale. Madame Simone Veil, première femme de la Vème République Française nommée ministre de plein exercice, s’est retrouvée au cœur de cette bataille sociale. Malgré les résistances, elle a accepté d’endosser, avec honneur et devoir, la responsabilité de défendre le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au parlement.
Dans son discours d’introduction empreint de gravité et de détermination pour défendre ce projet de loi historique portant sur la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le 26 novembre 1974 à 16h à la tribune de l’Assemblée nationale composée de 482 députés hommes et 9 députées femmes, Madame Simone Veil, a prononcé des mots restés célèbres : « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements clandestins qui mutilent les femmes dans ce pays chaque année. ». Elle a rappelé ainsi la réalité tragique des avortements clandestins, souvent réalisés dans des conditions sanitaires précaires.
Ce projet de loi, porté par le ministre de la Santé, a été débattu dans un contexte social et religieux encore conservateur. Les discussions furent marquées par une violence verbale rare, des tensions politiques, des attaques personnelles visant Madame Simone Veil, parfois teintées de misogynie et d’antisémitisme. Certains opposants à la loi n’ont pas hésité à comparer l’avortement à des pratiques nazies, des propos particulièrement choquants pour une femme qui a survécu à la Shoah. Madame Simone Veil a dû défendre son projet de loi, avec une détermination sans faille en réaffirmant la nécessité de libérer les femmes de la clandestinité et de leur offrir un accès à un avortement encadré et sécurisé. Elle a su trouver les mots pour expliquer les réalités derrière l’avortement : humaines, sociales, médicales ; le profond décalage entre la législation et la pénalisation de cet acte et les réalités de terrain ; la détresse des femmes ; l’impossibilité de lutter contre un avortement clandestin. Elle a aussi démontré que légaliser l’avortement n’était pas l’encourager, mais simplement être en accord avec une situation de fait et justifié qu’avorter n’est pas synonyme d’homicide.
Après trois jours de débats de conscience enflammés à l’Assemblée nationale, la France a fait un pas historique en adoptant, en première lecture, à 284 voix contre 189, le 29 novembre 1974, à 3h40 du matin, la proposition de loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). La loi, adoptée tard dans la nuit, a autorisé l’IVG sous des conditions précises : l’intervention était permise jusqu’à la dixième semaine de grossesse ; une procédure médicale rigoureuse était imposée, avec un délai de réflexion obligatoire de sept jours et l’avortement restait un dernier recours, accompagné par un encadrement psychologique et social.
Le parcours législatif de la loi s’est poursuit ensuite correctement jusqu’à sa promulgation, le 17 janvier 1975, pour une période initiale de cinq ans. Ce texte a marqué un tournant dans l’histoire des droits des femmes et a symbolisé le courage politique face à une société encore profondément divisée La loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sera définitivement adoptée le 30 novembre 1979 mais sans inclure le remboursement de l’acte par la Sécurité sociale. L’adoption de cette loi marque une avancée majeure dans la lutte pour les droits des femmes en France et constitue une victoire pour les mouvements féministes, mobilisés depuis des années pour le droit des femmes à disposer de leur corps. La loi Veil a profondément transformé la société française, faisant de l’avortement un droit encadré mais accessible, et marquant une étape décisive dans l’émancipation des femmes.
Madame Simone Veil, elle-même, est devenue un symbole de courage et de modernité dont l’héritage continue de résonner aujourd’hui, alors que le droit à l’avortement fait encore débat dans de nombreux pays. C’est grâce à une femme, Madame Simone Veil, que ce droit est le nôtre aujourd’hui en France, l’UNSA Éducation se mobilisera pour garder ses acquis et construire une société où l’égalité femmes-hommes est reconnue.