Joyeux Noël laïque

Dans quelques heures,  c’est Noël.

Célébration religieuse pour certains, opération commerciale pour d’autres, trêve pacifiste parfois, c’est souvent l’occasion de faire la fête en famille, entre amis et particulièrement pour les enfants.
Mais peut-on laïquement fêter Noël ?

Se poser cette question revient à s’en poser deux autres : qu’est-ce que Noël ? Et que fête-t-on ce jour-là ?

L’histoire de Noël est une succession d’amalgames et de récupérations.

Etymologiquement déjà la chose n’est pas si facile ou tout du moins peu prêter à polémique. L’origine la plus avérée lie Noël à la renaissance du soleil lors du solstice d’hiver, aussi il ne doit son nom « ni au celtique, ni au germanique, mais au latin, dans le culte romain du Sol Invictus avec la fête officielle du dies natalis solis inuicti « jour de la naissance du soleil invaincu » et c’est bien ce natalis extrait de son contexte païen qui constitue l’origine ultime du terme Noël », comme le précise l’article détaillé de Wikipédia qui explique que le mot est « issu de l’adjectif latin natalis signifiant « de naissance, relatif à la naissance » (de natus « né »), d’abord associé au mot latin dies  « jour » dans la locution  natalis dies  « jour de naissance », réduite à natalis par substantivation de cet adjectif, utilisé en latin ecclésiastique pour désigner la Nativité du Christ. »

Ainsi l’étymologie rend compte des diverses traditions qui se sont additionnées sur ce jour.

Rien ne dit dans les textes bibliques –bien au contraire- que Jésus serait né en hiver. La date de sa naissance fixée au 25 décembre est une invention du IVème siècle alors que l’église cherchait principalement à substituer des célébrations chrétiennes aux fêtes païennes alors en usage à l’époque (fête de la renaissance du Soleil Invaincu (Sol Invictus),  solstice d’hiver  ou Saturnales romaines qui avaient toutes lieu à cette période).
Mais cette « christianisation » forcée n’a pas empêchée la survivance -voire parfois la renaissance- de rites traditionnels : décorations et distributions de cadeaux.
Ainsi le « bonhomme hiver » -inspiré par le dieu viking Odin (descendant sur terre pour offrir des cadeaux aux enfants), par le lutin nordique Julenisse (apportant des cadeaux, à la fête du milieu de l’hiver, la Midtvintersblot- et, dans une moindre mesure, par le dieu celte Gargan (qui inspira le Gargantua de Rabelais)- est devenu le père Noël, non sans s’être –entre temps- amalgamé avec le Saint Nicolas (qui a donné le nom de Santa Claus par déformation du néerlandais « Sinterklaas », auquel ont été retiré les attributs de sa fonction épiscopale (crosse et mitre) remplacés par la barbe blanche, le bonnet et les vêtements en fourrure rouge de Julenisse, la hotte et les bottes de Gargan.

Etonnant mélange pour une tradition qui, née en Europe du Nord,  sera popularisée aux Etats-Unis au XIXème siècle et reviendra en France en 1855 sous la plume de Gorge Sand,  après sa célébration en Angleterre par Charles Dickens (avec ses cinq Livres de Noël, dont « Un chant de Noël » publié en 1843. En 1931, la marque Coca-cola s’emparera du personnage à des fins publicitaires et ancrera sa célébrité dans le monde entier.

De la même manière, les études sur le sujet montrent que les décorations, le sapin, les lumières et les cadeaux relèvent d’amalgames et de déformations de plusieurs traditions bousculées par une alternance de christianisation et de déchristianisation.

Il s’est ainsi forgé une sorte de culture commune, un mythe collectif  -qui certes peut varier d’une région à l’autre, particulièrement en fonction du climat- mais qui déconnecté de toutes croyances religieuses, raconte  que dans la nuit du 24 au 25 décembre un gros homme avec une longue barbe blanche, habillé de vêtements chauds de couleur rouge avec un liseré de fourrure blanche, vole à bord d’un traîneau tiré par des rennes, entre dans les maisons par la cheminée et dépose dans des chaussures, des chaussettes ou autour du sapin décoré les cadeaux que des lutins l’ont aidé à préparer.

Comme l’écrivait avec humour, Luc Le Vaillant dans la rubrique Rebonds du journal Libération du 16 décembre dernier, le « petit Jésus » doit aller « crécher ailleurs qu’en mairie ». De même, il n’a rien à  faire dans les Ecoles de la République.  Le père Noël et le sapin, eux, peuvent y avoir leur place. Parce qu’ils n’imposent aucun dogme. Parce que leur éclectisme permet qu’ils adressent à tous un message de paix et de fraternité. Parce qu’il n’y a pas derrière leur présence l’arrière fond nostalgique et revanchard des racines chrétiennes de l’identité française.

Certes, on peut, à juste titre, s’interroger sur la meilleure manière de ne pas entretenir le mensonge pour les enfants et comment les aider à se forger leur propre opinion. Telle demeure notre rôle d’éducateurs.
On peut aussi, et avec raison, éviter la débauche de cadeaux inutiles et le gaspillage de nourriture.
On peut également penser et agir pour ceux qui ont moins, qui n’ont rien, qui sont seuls… Fêter Noël n’interdit ni de penser à notre relation à la société de consommation, ni de se comporter en citoyen responsable et solidaire.

Mais, à bien y réfléchir, il n’y a pas tant d’occasions que cela pour se réjouir tous ensemble, pour partager une même joie, pour se retrouver dans une même tradition collective. Alors, dans cet esprit, et comme le creuset de notre vivre ensemble est la laïcité, en ce 24 décembre je nous souhaite à toutes et tous un joyeux Noël laïque.

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Dans quelques heures,  c’est Noël.

Célébration religieuse pour certains, opération commerciale pour d’autres, trêve pacifiste parfois, c’est souvent l’occasion de faire la fête en famille, entre amis et particulièrement pour les enfants.
Mais peut-on laïquement fêter Noël ?

Se poser cette question revient à s’en poser deux autres : qu’est-ce que Noël ? Et que fête-t-on ce jour-là ?

L’histoire de Noël est une succession d’amalgames et de récupérations.

Etymologiquement déjà la chose n’est pas si facile ou tout du moins peu prêter à polémique. L’origine la plus avérée lie Noël à la renaissance du soleil lors du solstice d’hiver, aussi il ne doit son nom « ni au celtique, ni au germanique, mais au latin, dans le culte romain du Sol Invictus avec la fête officielle du dies natalis solis inuicti « jour de la naissance du soleil invaincu » et c’est bien ce natalis extrait de son contexte païen qui constitue l’origine ultime du terme Noël », comme le précise l’article détaillé de Wikipédia qui explique que le mot est « issu de l’adjectif latin natalis signifiant « de naissance, relatif à la naissance » (de natus « né »), d’abord associé au mot latin dies  « jour » dans la locution  natalis dies  « jour de naissance », réduite à natalis par substantivation de cet adjectif, utilisé en latin ecclésiastique pour désigner la Nativité du Christ. »

Ainsi l’étymologie rend compte des diverses traditions qui se sont additionnées sur ce jour.

Rien ne dit dans les textes bibliques –bien au contraire- que Jésus serait né en hiver. La date de sa naissance fixée au 25 décembre est une invention du IVème siècle alors que l’église cherchait principalement à substituer des célébrations chrétiennes aux fêtes païennes alors en usage à l’époque (fête de la renaissance du Soleil Invaincu (Sol Invictus),  solstice d’hiver  ou Saturnales romaines qui avaient toutes lieu à cette période).
Mais cette « christianisation » forcée n’a pas empêchée la survivance -voire parfois la renaissance- de rites traditionnels : décorations et distributions de cadeaux.
Ainsi le « bonhomme hiver » -inspiré par le dieu viking Odin (descendant sur terre pour offrir des cadeaux aux enfants), par le lutin nordique Julenisse (apportant des cadeaux, à la fête du milieu de l’hiver, la Midtvintersblot- et, dans une moindre mesure, par le dieu celte Gargan (qui inspira le Gargantua de Rabelais)- est devenu le père Noël, non sans s’être –entre temps- amalgamé avec le Saint Nicolas (qui a donné le nom de Santa Claus par déformation du néerlandais « Sinterklaas », auquel ont été retiré les attributs de sa fonction épiscopale (crosse et mitre) remplacés par la barbe blanche, le bonnet et les vêtements en fourrure rouge de Julenisse, la hotte et les bottes de Gargan.

Etonnant mélange pour une tradition qui, née en Europe du Nord,  sera popularisée aux Etats-Unis au XIXème siècle et reviendra en France en 1855 sous la plume de Gorge Sand,  après sa célébration en Angleterre par Charles Dickens (avec ses cinq Livres de Noël, dont « Un chant de Noël » publié en 1843. En 1931, la marque Coca-cola s’emparera du personnage à des fins publicitaires et ancrera sa célébrité dans le monde entier.

De la même manière, les études sur le sujet montrent que les décorations, le sapin, les lumières et les cadeaux relèvent d’amalgames et de déformations de plusieurs traditions bousculées par une alternance de christianisation et de déchristianisation.

Il s’est ainsi forgé une sorte de culture commune, un mythe collectif  -qui certes peut varier d’une région à l’autre, particulièrement en fonction du climat- mais qui déconnecté de toutes croyances religieuses, raconte  que dans la nuit du 24 au 25 décembre un gros homme avec une longue barbe blanche, habillé de vêtements chauds de couleur rouge avec un liseré de fourrure blanche, vole à bord d’un traîneau tiré par des rennes, entre dans les maisons par la cheminée et dépose dans des chaussures, des chaussettes ou autour du sapin décoré les cadeaux que des lutins l’ont aidé à préparer.

Comme l’écrivait avec humour, Luc Le Vaillant dans la rubrique Rebonds du journal Libération du 16 décembre dernier, le « petit Jésus » doit aller « crécher ailleurs qu’en mairie ». De même, il n’a rien à  faire dans les Ecoles de la République.  Le père Noël et le sapin, eux, peuvent y avoir leur place. Parce qu’ils n’imposent aucun dogme. Parce que leur éclectisme permet qu’ils adressent à tous un message de paix et de fraternité. Parce qu’il n’y a pas derrière leur présence l’arrière fond nostalgique et revanchard des racines chrétiennes de l’identité française.

Certes, on peut, à juste titre, s’interroger sur la meilleure manière de ne pas entretenir le mensonge pour les enfants et comment les aider à se forger leur propre opinion. Telle demeure notre rôle d’éducateurs.
On peut aussi, et avec raison, éviter la débauche de cadeaux inutiles et le gaspillage de nourriture.
On peut également penser et agir pour ceux qui ont moins, qui n’ont rien, qui sont seuls… Fêter Noël n’interdit ni de penser à notre relation à la société de consommation, ni de se comporter en citoyen responsable et solidaire.

Mais, à bien y réfléchir, il n’y a pas tant d’occasions que cela pour se réjouir tous ensemble, pour partager une même joie, pour se retrouver dans une même tradition collective. Alors, dans cet esprit, et comme le creuset de notre vivre ensemble est la laïcité, en ce 24 décembre je nous souhaite à toutes et tous un joyeux Noël laïque.