Analyses et décryptages

Journée parlementaire du RN : où se nichent les pièges ?

Ce jeudi 12 janvier à l’Assemblée aura lieu la séance d’initiative dévolue aux députés du RN : cette niche parlementaire permet à un groupe d’opposition de décider de l’ordre du jour des textes discutés. Toujours en quête de respectabilité, les députés RN veulent faire de cette journée un tremplin pour leur projet : mais dans ces propositions de loi, se nichent des pièges tendus par l’extrême droite.

En cette semaine de rentrée parlementaire, les 89 députés du Rassemblement national adoptent toujours la même ligne de conduite : ne pas faire de vagues et donner l’apparence du dialogue, le tout visant à crédibiliser ce groupe. Il faut pour cela éviter les dérapages verbaux : la prudence est de mise, car le naturel revient souvent au galop parmi les rangs frontistes. C’est pourquoi on trouve peu d’orateurs ou d’oratrices dans ce groupe de députés qui bien souvent se cantonnent à répéter un argumentaire mûrement réfléchi par les quelques cadres avertis du parti de Marine Le Pen. Cette dernière a d’ailleurs dû récemment tancer ses députés pour les inciter à s’exprimer davantage en tribune !

Des propositions de loi écrites à l’encre du populisme

Cela explique pourquoi la niche parlementaire est attendue avec impatience par le RN. L’ordre du jour prévu a déjà connu des modifications : la proposition de loi visant à examiner un texte de la France insoumise sur la réintégration des personnels soignants non vaccinés a été abandonnée par LFI qui a pris conscience du piège. Une autre proposition sur les violences conjugales, dont on peut imaginer qu’il aurait fait consensus, a été programmé à une autre date pour ne pas laisser le RN s’emparer de ce sujet. Il reste dorénavant 7 textes à examiner :

  • Inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10%
  • Supprimer les zones à faibles émissions mobilité
  • Instituer dans les écoles et collèges publics une tenue uniforme
  • Revivifier la représentation politique
  • Revoir la taxe d’enlèvement des ordures ménagères
  • Instituer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre
  • Permettre aux parlementaires de visiter les établissements sociaux et psychosociaux.

 

On le voit : le spectre de ces propositions est assez large et vise à apparaître le plus consensuel possible, mais sous cette apparence trompeuse, on retrouve le programme de l’extrême droite. Ainsi, la proposition sur la suppression des zones à faibles émissions mobilité (cela vise à limiter la circulation des véhicules polluants dans les grandes agglomérations) cache mal le peu d’importance pour le RN des questions en lien avec l’environnement. Celle sur le droit à une légitime défense pour les forces de l’ordre ne vise qu’à séduire celles et ceux qui pensent que le populisme juridique peut remplacer les libertés individuelles et le cadre légal et règlementaire strict qui permet déjà une protection aux policiers tout en respectant l’État de droit. Bref, aucun de ces textes ne mérite d’être transformé en loi, y compris celui sur l’augmentation de 10% des salaires qui n’est présenté que pour faire croire que le RN défend le pouvoir d’achat des Françaises et des Français. Parmi ces 7 propositions, l’une d’entre elles concerne l’école, à savoir le port d’une tenue identique dans les écoles et les collèges publics aux couleurs de l’établissement scolaire. Arrêtons-nous davantage sur ce texte.

L’uniforme à l’école ou l’illusion de résoudre tous les problèmes dans les établissements

Là encore, le RN pense avec ce texte influencer le débat dans la société, tout en essayant de trouver des alliés. En effet, au Sénat, plusieurs tentatives venant de la droite ont déjà exploré la volonté d’instituer un uniforme à l’école. Récemment à l’Assemblée nationale, c’est un petit groupe de députés de la majorité présidentielle qui a voulu mettre ce sujet dans l’agenda politique. Le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye s’oppose à une telle loi, alors que d’autres, comme la secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté, Sonia Backès, s’y montre favorable ! On le voit : le RN cherche à s’imposer dans ce débat, jouant des contradictions des uns et des convictions des autres. Ainsi, le groupe des députés LR semble se montrer favorable à cette démarche. Mais que contient cette proposition de loi ? Il s’agit d’un texte à article unique : « Le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire est obligatoire durant le temps scolaire pour les élèves des écoles et collèges publics. Cette tenue, par sa neutralité, vise à abolir dans l’établissement les distinctions sociales ou culturelles à caractère vestimentaire. » Dans les exposés des motifs, bien laconique il faut le souligner, il est évoqué la nécessité de lutter contre les marqueurs sociaux que sont les habits, mais aussi la volonté de lutter contre le port de tenues religieuses, ou plus précisément « des tenues à caractère religieux ou ethnique ». Ce dernier point est d’importance : l’uniforme à l’école serait une manière de favoriser la laïcité dans les établissements. L’ajout du terme « ethnique » sans extrapolation aucune illustre en outre la marque RN de ce projet de loi. Mais surtout à l’UNSA Éducation, nous pensons et nous affirmons haut et fort que le port d’un uniforme à l’école ne résoudrait aucun des problèmes réels de notre système éducatif, y compris le sujet essentiel qu’est la laïcité !

Par cette série de propositions de loi, le groupe RN à l’Assemblée vise à imposer des sujets dans l’opinion et à gagner peu à peu une bataille culturelle à base de valeurs réactionnaires et d’idées limitant l’État de droit. C’est aussi et surtout un moyen de piéger les autres forces politiques en donnant l’illusion d’être un ensemble de députés respectables et adeptes du compromis. Il faut donc renforcer notre vigilance et dénoncer sans relâche les mensonges et la supercherie des idées du RN et de l’extrême droite, l’avenir de notre démocratie en dépend !

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