Analyses et décryptages

Intelligence artificielle, éducation et syndicalisme : le point du vue portugais

Au congrès de Nantes, Joaquim Santos faisait partie de nos invités internationaux. Nous présentons ici son analyse et celle de sa fédération nationale de l’éducation (FNE) sur l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur nos métiers. C’est un enjeu majeur pour le syndicalisme au XXIème siècle. Comme dans tous les secteurs, l’éducation sera impacté par cette évolution technologique.
Image symbolisant l'intelligence artificielle

Les taches répétitives et aisément automatisables par l’IA seront effectuées par des machines. Les apprentissages seront recentrés sur ce qui n’est pas remplaçable par la machine. Le rôle du pédagogue dans sa composante humaine sera renforcé. Tout ce qui a trait aux émotions mais aussi aux compétences socio-émotionnelles trouvera une nouvelle place dans les enseignements et dans les programmes et curricula. Pour les contenus, on accentuera l’éducation par les démarches créatives et artistiques. Les domaines éthiques et esthétiques prendront une place plus importante. Il conviendra d’enseigner et exercer la dextérité manuelle. Le Portugal se prépare à ces évolutions.

Aussi, avec l’omniprésence de l’IA, les personnels devront être formés aux droits liés à la protection des données. Nos organisation syndicale veilleront également à protéger le droit à la déconnexion. Le numérique dans les vies des agents a déjà un impact fort sur les conditions de travail.

Et pour mieux comprendre l’impact de l’IA, il s’agira de mieux comprendre son fonctionnement. Comment la machine nous remplace-t-elle ? Le « machine learning » derrière les IA est un processus puissant. Il faudra former les élèves et étudiants mais aussi les personnels sur ce que sont ces process. On ne peut utiliser l’IA que si l’on comprend comment elle est construite. Il est important d’avoir conscient de ses biais (comme vous pouvez le retrouver dans cette video par exemple). Les mathématiques sous-jacentes à l’IA ne sont pas anodines. Leur enseignement et leur compréhension par les acteur·rices de l’éducation demanderont un effort ciblé.

La formation devra traiter des risques des utilisations non éthiques de l’intelligence artificielle. Le comité syndical européen de l’éducation (CSEE) nous alerte : Sous l’angle de l’éthique, en particulier, la capacité des machines à influencer les choix des êtres humains risque d’affaiblir leur autonomie, leur libre arbitre et leur créativité.

L’outil puissant ne sera pas toujours utilisé à bonne escient. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) précise que : « La personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé […] produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire. » Ce règlement doit être mieux connu de toutes les parties.

Et pour autant, la fédération portugaise nous rappelle que nous sommes loin d’un remplacement de l’humain par l’IA. Un défi sera de protéger le secteur éducatif d’une industrialisation de l’éducation. Il conviendra de se méfier de la mise à disposition et du développement de technologies éducatives au service du marché et de la création de richesse et non au service de l’épanouissement et l’élèvement de l’enfant dans la connaissance. Ce sujet précis a fait l’objet d’un article dédié dans le magazine de nos partenaires.

Dans tout cela, les organisations syndicales ont un rôle clé à jouer. La formation interne sur ce sujet pointu de l’IA est identifié par la FNE. Les membres des organisations doivent comprendre et connaître les enjeux et les risques de l’IA.

Bien sûr l’UNSA Éducation n’est pas en reste sur le sujet. Notre récente résolution générale indique : « Les acteurs éducatifs ont besoin que la Recherche liée à l’intelligence artificielle appliquée à l’éducation soit orientée sur les impacts positifs qu’elle pourrait avoir sur les apprenant·es, et qui restent à démontrer. Elle doit permettre un enseignement adapté, inclusif et différencié en fonction des besoins spécifiques des élèves. Elle est toujours un complément à l’action pédagogique de l’enseignant·e sans s’y substituer. Elle ne doit pas mener à une mécanisation, une standardisation ou une marchandisation des apprentissages. L’IA est à la disposition des élèves dans leur vie de tous les jours. L’École doit donc prendre sa part dans l’appropriation et la maîtrise de l’IA pour une utilisation optimale : efficace et éthique. »

Aussi nous retrouvons là l’analyse lusitanienne. Cette convergence des points de vue nous permettra à n’en pas douter d’engager un élan syndical européen sur ces sujets. Le CSEE est d’ores et déjà un appui majeur dans cette action.

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